Big quit: les démissions soudaines, un casse-tête pour le management ?

Les problèmes engendrés par les démissions imprévues sont nombreux

Fausse question car bien sûr ce phénomène de démissions imprévues(1) de personnel pose de gros problèmes d’organisation et de fonctionnement. Il s’agit de salariés qui sans qu’on s’y attende, décident soudain de démissionner pour aller voir ailleurs. Parfois pour le salaire, parfois pour changer d’air. Quelquefois parce qu’il existe un désaccord avec la stratégie qui est suivie par l’entreprise. Dans certains cas, seulement parce qu’on n’a tout simplement pas envie de passer toute sa vie professionnelle à tenir le même poste dans la même entreprise. Les générations Y et Z ont appris à zapper depuis longtemps et la digitalisation de l’environnement (et la virtualisation qui l’accompagne) peut conduire à des prises de risque inconsidérées.

Comment faire face au risque de démission(s) soudaine(s) ?

Le phénomène des démissions existe mais il est à relativiser au niveau global

Les confinements et le travail à distance liés à la pandémie ont généré une remise en cause profonde de l’engagement professionnel et de la vie personnelle de chacun.

Comme le marché du travail s’est inversé en faveur des salariés qualifiés, ceux ci ont pu traduire leurs aspirations en réorganisant leur vie professionnelle. Cela donne un sentiment de liberté, de rajeunissement, de découverte…

Selon les études de la DARES (2) concernant ce sujet le taux de démission a augmenté de 20% entre juillet 2019 et juillet 2021. Les motivations sont principalement la volonté de s’épanouir dans sa famille et des activités extra-professionnelles plutôt que de tout donner à son entreprise. Mais il peut s’agir aussi de se consacrer à un travail qui a du sens et qui correspond à ses propres valeurs.

Néanmoins le phénomène est à relativiser :

Si on rapporte le nombre de démissions à celui de l’ensemble des salariés, le taux obtenu n’avait pas atteint un si haut niveau (2,7%) depuis la crise financière de 2008, mais il reste en dessous du niveau du début 2008 (2,9 %). Sur la catégorie des entreprises de 50 salariés ou plus, le taux de démission est important (2,1%) mais reste inférieur à celui observé au début de 2001 (2,3 %).

Ces démissions, souvent soudaines, posent un sérieux problème de management

Un sérieux problème pour l’entreprise qui perd soudain un salarié qualifié. Parfois très bien rémunéré, parfois avec des responsabilités importantes, parfois sur lequel on misait pour succéder à un ancien, parfois occupant un poste clé alors que personne ne peut le remplacer au pied levé…

On sait que les TPE et à l’occasion certaines PME sont organisées aussi en fonction des compétences de chacun(e) de leurs membres. Un départ soudain est donc un problème pour le fonctionnement, mais aussi pour la dynamique de l’équipe des collaborateurs. C’est aussi une difficulté pour l’organisation qui est souvent à reconstruire, au-delà du recrutement d’un(e) remplaçant(e) qu’il faudra former. Sans parler des contacts externes dont le(a) partant(e) avait la responsabilité.

Comment faire face à ce problème ?
> En prévenant ces départs

Les conditions de rémunération et les conditions de travail du personnel, doivent être enviables.

Cela suppose parfois la mise en place d’un intéressement et/ou d’une participation au-delà de la simple augmentation indiciaire déclenchée par la convention collective.

Un aménagement matériel de postes de travail confortables (bruit, température, ergonomie, propreté) est souhaitable.

La pratique d’un télétravail peut être appréciable pour une partie de l’horaire lorsque la nature du travail le permet, pour les salariés qui le souhaitent.

La politique de formation doit permettre à chacun de progresser en acquérant de nouvelles compétences qui conduiront à une meilleure rémunération ou/et de nouvelles attributions ou qui ouvriront cette perspective. Une clause de dédit-formation peut sécuriser l’investissement formation ainsi accompli par l’entreprise.

Le développement de la coopération au sein de l’entreprise est un puissant facteur de cohésion.

La stratégie de l’entreprise doit correspondre autant que possible à une mission qui donne du sens au travail de chacun, en mettant en œuvre des valeurs éthiques à travers le travail.

> En réduisant les conséquences négatives de ces départs

Il est souhaitable de doubler les compétences clés au sein des équipes afin que le départ soudain de l’un(e) ne bloque pas le fonctionnement jusqu’à dégrader l’image de l’entreprise et gêner l’accomplissement de ses obligations contractuelles.

Cela passe par un repérage de ces compétences et ensuite par des actions de formation dans le cadre du plan de formation annuel (dit « de développement des compétences »)

Le repérage des compétences peut aussi déboucher sur une formalisation des connaissances sous-jacentes afin de les stocker et de les mettre à disposition des collaborateurs. Une gestion des connaissances utiles peut ainsi être mise en place.

Un effort de prévision de tels départs peut également s’avérer judicieux. En particulier certaines demandes de formation des salariés doivent être examinées avec attention et après entretien peuvent déboucher sur un diagnostic éventuel de départ probable à venir (Demandes de « pro-A », formation sur CPF (Compte personnel de formation) pendant le temps de travail, notamment CPF de transition (PTP), congés pour examen).

Les entretiens professionnels obligatoires et les entretiens annuels d’évaluation peuvent également aider au diagnostic.

L’anticipation de ces départs est alors possible en facilitant la préparation d’éventuels remplacements.

> En remettant éventuellement à plat l’organisation et jusqu’au modèle économique de l’entreprise

Lorsque ces départs sont assez nombreux et répétitifs pour devenir déstabilisants, il est urgent de s’interroger sur le modèle qui est à la base de l’entreprise. Cela peut être le fait du comité de direction mais il est important que l’ensemble du personnel puisse y participer.

Cette implication du personnel à la remise à plat de l’organisation peut se faire dans des groupes ad hoc sur la base du volontariat. Elle peut s’appuyer sur une enquête anonymisée réalisée auprès du personnel. Elle peut aussi reposer sur la mise en place de groupes permanents de réflexion, sur le modèle des cercles de qualité.

> En développant l’intraprenariat (3) au sein de l’organisation.

Il s’agit de transformer ceux qui le souhaitent au sein de l’entreprise en responsables de projet complètement innovant ou nouveau au sein de l’organisation. Ces chefs de projet doivent ainsi organiser leur équipe, définir une logistique et un modèle de production rentable. Si le projet est un succès, il peut conduire à la mise en place d’une unité de production autonome dont le management sera confié au responsable du projet. Celui-ci joue donc un rôle d’entrepreneur au sein même de l’entreprise : pionnier, innovateur, manager de la structure dont il est responsable.

Notes:

(1) La grande démission, mythe ou réalité ? G. Normand, 19 août 2022, La Tribune

(2) La France vit elle une « grande démission » Publication de la DARES (Ministère du travail), 18 août 2022, A. Lagouge, I. Ramajo et V. Barry

(3) Voir le CH6 Entreprendre et diriger, Management et économie des entreprises, G.Bressy et C. Konkuyt Aide mémoire 12ième éd., SIREY 2018, Editions DALLOZ

Auteur : GB

Voir aussi l'Aide-mémoire "Management et économie des entreprises" 12ième édition 2018 SIREY (Groupe DALLOZ)