ou la médiocrité organisée dans notre éducation nationale...
Un petit article en réaction à une info du magazine Marianne (du 12/04/2023) qui fait état de nouvelles pressions sur les enseignants pour relever les notes des épreuves de spécialité du baccalauréat. De quoi apprendre encore aux jeunes citoyens que rien ne sert de fournir des efforts et d’apprendre puisque tous seront toujours repêchés ……. Honte aux inspecteurs pédagogiques qui exercent ces pressions ! |
Le tourbillon des consignes pédagogiques, diagnostics et bilans de notre système éducatif
Oh le beau tourbillon des consignes pédagogiques et autres recettes miraculeuses que notre vieux système serait incapable de mettre en œuvre !
A tous les niveaux dans l’enseignement, les spécialistes de la pédagogie ont pris le pas sur les enseignants. Ils ont distillé une remise en cause des pratiques pédagogiques qui aurait peut-être sa place dans un organisme de formation des enseignants mais pas sur la place publique ou sur les ondes radio ou les plateaux de télévision.
De sorte qu’aujourd’hui se multiplient les injonctions pédagogiques de la part de ceux qui savent comment enseigner sans avoir l’avoir jamais fait eux-mêmes : parents, journalistes, pédagogues patentés, inspecteur(e)s, proviseurs, recteurs, administrateurs, ministres, etc..
Un vrai tourbillon qui pourrait finir par gêner les enseignants eux-mêmes s’ils n’avaient pas une classe à affronter chaque jour.
Les enseignants feraient eux-mêmes un peu pitié tant leur sérieux et leur persévérance à enseigner sont grands. Enseigner, éduquer, apprendre à réfléchir, à penser, à apprendre par soi-même, à étudier quoi ! Ils doivent pour cela faire avec les injonctions d’un proviseur qui pense surtout à sa carrière de « manager de l’éducation », parfois ancien enseignant d’éducation physique (qui a atteint un âge où le corps répond moins bien) ou un ancien CPE (qui souhaite revaloriser son salaire) ou un ancien enseignant qui n’en peut plus de faire cours à des élèves. Tous doivent présenter un concours interne où l’institution cherchera à apprécier leur conformisme et leur capacité d’obéissance. Pas de vague. Pas de bruit. L’école des managers de l’éducation leur permet de « conduire la politique pédagogique et éducative de leur établissement ».
Les managers de nos établissements scolaires
L’ESENESR qui est devenu l’IHEEF est le centre de leur formation au métier de manager des des collèges ou lycées. Ces « cadres de direction » sont ainsi formatés pour appliquer les consignes et rendre compte à leur hiérarchie à travers la réponse à des questionnaires et la production de statistiques et de rapports.
Il n’est pas vraiment question d’aider les enseignants à faire leur métier. On n’aide pas les opérationnels on leur adresse des injonctions, on s’efforce de les canaliser et de les maintenir dans les clous pour accueillir les élèves (accueil qui peut facilement dévier vers la garderie) et les « accompagner vers la réussite » (accompagnement qui peut tourner à la démagogie). Il faut faire comprendre au « corps enseignant » qu’il doit s’adapter aux élèves. Car dans l’éducation nationale l’élève (et derrière lui les parents) est roi. Cette façon de concevoir l’institution scolaire amène à éviter aux élèves les nombreux efforts d’adaptation et d’apprentissage que les enseignants seraient logiquement enclins à attendre d’eux.
Les élèves ne sont pas là pour fournir trop d’efforts et sont plutôt perçus comme des consommateurs d’un service. Il convient d’ailleurs que les enseignants les captivent, les intéressent et pour cela quoi de pire que de les prendre à rebrousse poil. Pas de zéro, peu de punitions, pas d’exclusion de cours, des bonnes notes s’il vous plaît, surtout aux examens. Tout l’effectif doit disparaître (car les redoublement coûtent trop cher). Il faut faire passer tout le monde, s’il vous plaît. Les inspecteurs pédagogiques sont d’ailleurs là pour le rappeler aux membres des jurys du baccalauréat, il faut avoir d’excellents résultats et ils incitent fortement au relèvement des notes. Ce sont ensuite les enseignants qui doivent s’adapter aux comportements inadaptés, aux écarts de langage, aux insolences, aux insultes même. Car ils ne peuvent plus exiger d’efforts puisque tout le monde passe et tout le monde a son bac au bout du compte.
Démagogie quand tu nous tiens . . .
L’image de l’enseignant éducateur est ainsi complètement dépréciée, dévalorisée par ceux qui organisent les programmes et les consignes pédagogiques (les « corps d’inspection ») et ceux qui organisent et dirigent les établissements (proviseurs et principaux et proviseurs-adjoints) car il devient pour lui de plus en plus difficile d’imposer les efforts indispensables à l’assimilation des programmes. Il existe dans l’éducation nationale en France aujourd’hui un divorce entre ceux qui pensent l’éducation et qui ont tendance à la confondre avec une activité de consommation par les élèves d’un service (un peu comme un loisir) et ceux qui la considèrent comme une activité d’apprentissage de concepts, de méthodes, de pratiques, de règles, de vocabulaire (nécessitant un effort d’acquisition de connaissances)
L’acquisition de connaissances ne serait plus vraiment à l’ordre du jour. C’est vrai quoi…. il y a internet ! chantent ceux qui confondent connaissances et informations. Plus de tables de multiplication, ni d’opérations d’arithmétique, c’est vrai quoi…. il y les calculatrices. Plus d’orthographe, ……c’est vrai quoi il y a les correcteurs orthographiques ! Plus d’écriture, …….c’est vrai quoi il y a les claviers et même la reconnaissance vocale ! Bientôt pas besoin de raisonner et d’organiser sa réflexion, il y a des logiciels de rédaction automatique (Ex : Robots conversationnels Chat GPT3, 4, 5)
Quand on entend de telles affirmations hallucinantes de la part de certains responsables de l’orientation pédagogique des enseignants (inspecteurs pédagogiques), on reste pantois. A les croire Il serait donc finalement question de transformer nos jeunes futurs citoyens en légumes qui ne comprendraient plus grand-chose mais qui sauraient utiliser les « outils du numérique ». C’est sans doute pour cela que les élèves en question ont quasiment tous leur examen terminal (DNB en collège et Bac en lycée). « Ne notez pas trop sévèrement, s’il vous plait ! » C’est la consigne permanente de « l’inspection ». D’ailleurs des barèmes ont été construits pour encadrer les enseignants dans leur fonction de notation : avec des items donnant des points comme « expression écrite » et « expression orale » ou encore « compréhension du questionnement » ou bien « formulation d’une réponse », on frise la moyenne alors qu’il n’y a rien dans la copie qui témoigne d’un niveau d’apprentissage de la matière ni de connaissance du programme.
Tel proviseur ou tel recteur d’académie pourra ensuite se flatter de battre des records de résultats à l’examen (« 90% cette année ! ») Il s’agit en fait de mesure de la démagogie déployée pour « faire passer tout le monde » vers l’enseignement supérieur. C’est une farce dont les dindons sont les élèves et leurs parents d’une part et le pays tout entier d’autre part.
Car curieusement les classements internationaux ne reconnaissent pas l’excellence du niveau de nos élèves ! Au contraire, ils sont plutôt mal notés et du coup l’enseignement en France également. On fustige alors le système éducatif….. en regardant du coté de nos enseignants, bien sûr.
Comment encore enseigner dans ces conditions ?
De quoi ont ils besoin ces « éducateurs au service du peuple », auxquels on a enlevé tous les instruments qui leur permettraient de faire leur métier correctement ?
> D’abord de groupes-classe d’effectif adapté à un enseignement de qualité (semi-personnalisé)/ Au contraire les classes sont souvent surchargées !
> Ensuite, de moyens de dissuader au jour le jour les élèves qui ne jouent pas le jeu de l’apprentissage (respect de l’enseignant et de ses consignes ; effort de travail personnel de compréhension de mémorisation et d’exercice). Ces moyens sont la notation, les sanctions (colles, exclusion de la classe, exclusion de l’établissement, redoublement, renvoi) Vous n’y pensez pas, je ne peux pas organiser des conseils de discipline comme çà. Que va penser le recteur !
> Et puis des examens sélectifs qui évaluent le niveau réel et ne sont pas des rituels sociaux. La finalité du système éducatif n’est plus de garder les jeunes en formation le plus longtemps possible pour leur éviter le chômage. Cela n’a plus aucun sens dans une société qui se rapproche du plein emploi. Le système éducatif doit retrouver son sens premier qui est de former les travailleurs citoyens en leur dispensant les connaissances, les savoir faire, les méthodes et la capacité de raisonnement nécessaires à l’éclosion de leurs compétences dans les domaines de leur choix en fonction des besoins de la société. Pour cela il faut écarter des cursus de formation tous ceux qui ne peuvent pas suivre ou ne veulent pas fournir les efforts nécessaires. Éliminer est un vocable complètement impropre puisque notre société offre de nombreuses possibilités à ceux qui ne sont pas adaptés à telle ou telle formation : emplois, apprentissages, engagements, etc..
> Enfin, des concours de recrutement attractifs : Peut-être régionalisés ? Afin de garantir une proximité géographique de recrutement et bien sûr, un niveau de rémunération motivant à chacune des étapes de la carrière d’un enseignant. Penser que l’on rémunère un professeur débutant à un niveau proche du SMIC est une aberration désastreuse. L’investissement éducatif passe d’abord par le recrutement de professeurs de qualité. Cela implique une double compétence, dans leur matière et dans leurs méthodes pédagogiques.
Priorité aux opérationnels dans le système éducatif, c’est à dire aux enseignants. Vous savez bien, les professeurs, qu’on appelle gentiment les « profs ». Ils sont tellement mal payés qu’on en réduit aussi le nom de leur métier….