Un archipel est un chapelet d’îles, c’est-à-dire un ensemble de surfaces distinctes mais voisines et partageant un climat et une mer environnante. Certains ont utilisé cette réalité géographique pour filer une métaphore en l’appliquant à l’entreprise.
En effet, les entreprises rassemblent souvent aujourd’hui une hétérogénéité de collaborations et d’unités géographiquement distantes, d’entités de métiers divers.
Une hétérogénéité de collaborations
> Les collaborations sont d’abord le fait de personnes qui apportent leur travail et leur savoir-faire selon des statuts diversifiés
Il peut s’agir de salariés, mandataires sociaux, associés, auto-entrepreneurs, travailleurs indépendants, etc.. Ces personnes peuvent avoir des finalités, des centres d’intérêt et des activités diverses entre lesquels elles partagent leur temps et leur engagement. Cette diversité enrichit leur personnalité et leurs compétences. Elle impose également au manager d’entreprise de les motiver et les ramener sans cesse sur les objectifs de celle-ci. Faute de cette démarche, les collaborateurs peuvent avoir un comportement de « mercenaire » qui mesure en permanence son temps et son engagement. Par ailleurs, on observe dans certaines entités l’évolution vers une logique de fonctionnement moins pyramidale (moins hiérarchique) et plus transversale et coopérative. Celle-ci est à base d’auto-organisation et de responsabilisation. Le management va alors surtout consister en une démarche d’animation et de coordination de collaborateurs responsables et autonomes.
> Par ailleurs, au sein d’une organisation on assiste souvent à des regroupements informels de personnes partageant certains intérêts et/ou métiers.
Ainsi ces coalitions peuvent exercer des influences contraires à la dynamique du modèle économique que veut développer l’entreprise. Il existe donc un biais managérial dans la mesure où le management va devoir s’écarter de la simple recherche d’optimisation. En effet, il doit s’efforcer en permanence de rendre compatibles les groupes d’intérêts divers et souvent conflictuels. Il le fait par des négociations, arbitrages et concessions. Certains théoriciens des organisations (H. Simon, M. Cyert et J. March, M. Crozier) ont étudié soigneusement ces phénomènes. Ils ont conclu à la nécessité de consacrer un budget discrétionnaire à faire accepter aux différents collaborateurs les objectifs de l’entreprise.(1)
> Les collaborations sont aussi le fait d’autres entités coopérant en amont et en aval de l’activité de l’entreprise (2)
Ce sont des fournisseurs, sous-traitants, prestataires, autres sociétés du même groupe, etc… Ces échanges partenariaux sont évolutifs, dans une recherche d’efficacité. Ces échanges se déroulent entre des entités géographiquement distantes (et parfois très éloignées)
L’entreprise va ainsi développer ces collaborations à travers des réseaux d’échange d’informations et d’échanges logistiques. Ceux-ci vont lui permettre de communiquer. Mais surtout d’organiser les coopérations nécessaires à son activité en fonction de ses propres objectifs. Cette pratique est rendue possible par les moyens d’échange d’informations modernes, à base de télécommunication et de traitement informatique (intranet et extranet). Ce que l’on a appelé l’entreprise-réseau correspond à cette logique de coopérations en amont et en aval, orchestrées par l’entreprise-pivot (souvent une entreprise dominante qui est à l’initiative du réseau).
Néanmoins chaque entreprise proactive agit de la même façon pour s’efforcer de construire et piloter son propre réseau. Dans ces conditions on peut aussi recourir au vocable d’archipel pour désigner cette juxtaposition de logiques d’entreprises. Chacune suit sa propre stratégie mais échange avec les autres en fonction de leurs activités respectives. Leurs rapports sont plus ou moins (in)égalitaires.(3) au sein d’un réseau spécifique.
C’est en construisant sa propre stratégie que chaque entreprise définit son périmètre en choisissant ce qu’elle veut faire elle-même (4) . Du même coup elle choisit ce qu’elle va confier à des collaborations extérieures d’individus ou d’autres entreprises. Et on a vu ici que ces choix avaient des implications importantes en matière de management.
Définir son périmètre
(1) Cyert (R.M.) et March (J.G.) Processus de décision dans l’entreprise. Dunod, 1970.
(2) Voir aussi l’article de ce blog « Externaliser, jusqu’où ? »
(3) Voir la notion d’ « entreprise étendue » dans le chapitre 10 et la théorie des systèmes sociaux dans le CH 13 de l’Aide-mémoire de management et économie des entreprises, SIREY, 2018
(4) Voir intégration ou externalisation ? in Chap 10 Diagnostic et choix stratégique de
l’Aide-mémoire de management et économie des entreprises, SIREY, 2018
Une réflexion sur « Comment manager l’entreprise en archipel et/ou en réseau »