Ressources, compétences et avantages concurrentiels des entreprises de services

Quelles ressources et compétences pour une entreprise de services ?

Quelles ressources et compétences sont finalement nécessaires lorsque l’entreprise propose essentiellement des services ?

Les routines de travail

Le fonctionnement d’une entreprise dépend d’un certain nombre de routines de travail . Celles-ci sont élaborées pour permettre un développement adapté aux différentes contraintes de l’environnement. Elles dépendent également des ressources (humaines, informationnelles, matérielles et financières) dont dispose l’entreprise.

Ces routines sont pratiquées de façon quasi automatique. Elles ont un caractère tacite dans la mesure ou leur modélisation en vue d’un transfert est complètement illusoire. En effet, elles dépendent d’une combinaison complexe des ressources qui évolue en permanence pour s’adapter aux évolutions des contraintes et des opportunités rencontrées.

Ces routines sont mises au point et apprises continuellement par les membres de l’entreprise pour permettre à celle-ci de survivre.

L’apprentissage organisationnel

On évoque à leur sujet un apprentissage organisationnel et on les qualifie également de « tacites » pour souligner leur caractère non transférable (d’une entreprise à l’autre). Elles sont donc de façon irréductible, liées à une entreprise donnée dont elles constituent une « compétence foncière ».

Pour s’adapter aux évolutions de l’environnement, l’entreprise doit être capable de modifier ses routines de travail et/ou à en construire de nouvelles. Pour cela elle doit prendre en compte un certain nombre de conventions qui habitent l’entreprise. Celles-ci sont des pratiques habituelles, coutumières qui s’imposent aux membres de l’organisation du fait qu’elles sont largement partagées. Le dirigeant doit prendre en compte ces conventions quitte à chercher à les faire évoluer. En effet, elles ne doivent pas freiner la mise au point de nouvelles routines nécessaires au développement stratégique de l’entreprise.

Le rôle du dirigeant

Le rôle du management de l’entreprise est donc déterminant pour faciliter le développement cohérent des routines organisationnelles en harmonie avec les conventions de l’entreprise qui doivent elles aussi évoluer.

Clairvoyance, analyse pertinente des contraintes du secteur et des ressources nécessaires, pédagogie et capacité de convaincre et de motiver les personnes sont les qualités d’un dirigeant efficace.

On ne compte plus le nombre d’échecs d’entreprises dont le nouveau dirigeant s’est avisé d’affronter délibérément ses équipes pour leur imposer les changements qu’il était seul à comprendre et à souhaiter.

Capacités d’évolution des entreprises

Les évolutions ne sont possibles qu’en s’appuyant sur les compétences organisationnelle de l’entreprise. C’est à dire sur la mise en œuvre coordonnée de ses savoir-faire. On peut d’ailleurs distinguer des compétences opérationnelles, fonctionnelles et de pilotage

Dans de nombreux cas l’avantage concurrentiel d’une entreprise repose sur des actifs immatériels. Il peut s’agir de compétences fonctionnelles (liées à l’activité) ou bien culturelles (liées au fonctionnement global de l’entreprise) ou encore relationnelles et de réputation ou enfin réglementaires (marques, labels, brevets). (P. Hall 1993). Mais la capacité d’intégration de ces ressources dans un modèle productif est aussi importante. (1)

La seule recherche de flexibilité conduit à une impasse

On voit toute la fragilité des stratégies consistant à développer de façon exclusive la flexibilité. On choisit alors d’externaliser tous les moyens de production afin de réduire les coûts de production. La compétitivité-prix devient le seul argument concurrentiel et cela ne suffit pas pour mobiliser le personnel et souder les équipes de l’entreprise, celles-ci se trouvant réduites à quelques fonctions de pilotage.

Il est prévisible que dans une telle hypothèse l’offre de l’entreprise s’appauvrisse progressivement dans la mesure où sa construction ne repose alors que sur le seul dirigeant qui est par définition loin du terrain et des activités opérationnelles. (2)

(1) Hall R. A framework linking intangible resources and capabilities to sustainable competitive advantage, Strategic Management Journal, 1993

(2)  Voir aussi Management et économie des entreprises G. Bressy & C. Konkuyt Aide mémoire Sirey 12ième édition, 2018 / Chapitre 13 – Les théories des organisations

Externaliser, jusqu’où ?

Externaliser peut paraître tentant pour réduire ses coûts. En effet, externaliser certaines fonctions peut être judicieux, à certaines conditions, pour se focaliser sur son cœur de métier. Au contraire externaliser pour et seulement pour réduire ses charges s’avère risqué.

Un directeur d’un organisme de formation se ventait récemment d’avoir préservé sa rentabilité en externalisant la plupart des prestations de formateurs. Un grand bof !

Externaliser jusqu’où ?

Externaliser, un choix difficile ….

L’externalisation, une solution ? (1)

Externaliser consiste à confier tout ou partie de ses activités à un partenaire extérieur qui va facturer ce service.

L’externalisation donne de la flexibilité

En effet, produire soi même (internaliser une production) peut être risqué lorsque la conjoncture est incertaine et que l’on ne sait pas sur quels débouchés on peut compter pour couvrir ses charges fixes.

Produire soi même n’est rentable que si le volume d’activité est suffisant pour couvrir les charges fixes. Celles-ci peuvent consister en des équipements productifs (notamment dans l’industrie) ou une masse salariale (salaires chargés) de personnel permanent de l’entreprise (notamment dans les services).

Or l’externalisation permet de substituer des charges variables à ces charges fixes.

On ne passe commande au prestataire (ou sous traitant) que lorsqu’on en a besoin pour satisfaire la demande de notre clientèle. C’est la flexibilité quantitative. Et on ne supporte donc que les coûts de ces prestations sur commande en réglant la facture correspondante du sous-traitant.

Grâce à cette solution on peut donc adapter exactement notre production vendue à la demande reçue de notre clientèle. L’idéal pour ne pas perdre d’argent !

L’externalisation suppose que certaines conditions soient réunies

Il faut être sûr que le sous-traitant ne peut pas se substituer à nous sur le marché. Pour cela il faut disposer d’un label, ou d’une marque qui convainc et fidélise la clientèle. On peut aussi compter sur le monopole d’exploitation d’un brevet, à condition de pouvoir défendre ce droit sur la zone géographique de notre clientèle.

Ainsi, on a pu voir par le passé des sous-traitants chinois de Nike subir un échec cuisant en voulant lancer leur propre marque, forts de leur apprentissage en tant que sous-traitants de la célèbre marque de chaussures de sport. La qualité était là, similaire, mais les consommateurs ont boudé les marques nouvelles qui ne leur inspiraient pas confiance.

Certaines fonctions peuvent être facilement externalisées (2)

Ce sont celles qui sont en dehors du cœur de métier. On pense à des fonctions comptables ou de paie, ou de travail de secrétariat ou encore d’entretien et nettoyage, de services informationnels.

Pourtant certaines entreprise vont jusqu’à sous-traiter des activités plus centrales qui constituent parfois leur activité principale. Il peut s’agir d’une partie de leur fabrication (Ex : les équipementiers dans le secteur automobile) . Ou parfois de la fabrication toute entière (Ex : les marques de l’habillement). Comment le comprendre ?

L’externalisation peut aussi se traduire par une délocalisation

Lorsque l’activité est externalisée en dehors du territoire national de l’entreprise, on parle de délocalisation. On va alors chercher dans cette délocalisation de nouveaux marchés ou de nouveaux avantages productifs.

La délocalisation des activités de production a été largement facilitée par le développement du libéralisme économique dans le cadre des accords du GATT puis de l’OMC. Ce développement s’est lui-même appuyé sur des théories assez simplistes du commerce international (de Adam Smith et David Ricardo notamment). On aboutit rapidement à une fragmentation internationale de la production des entreprises qui deviennent transnationales. Tout cela comme si les flux de marchandises et d’information n’avaient pas un coût économique et un coût environnemental. Sans évoquer la très pertinente question de la dépendance des économies vis à vis des flux de produits finis ou semi-finis en provenance d’autres continents. Ce qui peut devenir dramatique en cas de crise, pandémie ou conflit.

Externaliser jusqu’où ? (3)

Dans certains cas, l’entreprise fait évoluer son cœur de métier vers des fonctions de recherche ou de commercialisation en externalisant la fabrication qui n’entre donc plus dans son métier. Celui-ci s’enrichit alors d’un nouveau savoir-faire en pilotage d’un réseau de fabrication ou d’une chaîne logistique. On va jusqu’à parler d’entreprise-réseau (3) (4) pour désigner cette forme d’organisation.

Dans certains cas néanmoins la sous-traitance ne s’explique que par le souci de réduire les charges et l’entreprise ne dispose plus en interne de la capacité de produire les services de qualité qu’elle prétend pourtant offrir à sa clientèle.

Elle se fragilise alors puisqu’elle ne réalise plus son chiffre d’affaires que grâce à la confiance supposée des clients dans sa marque.

Fragilités liées à la sous-traitance de l’activité principale

Cette externalisation de l’activité de production principale n’est possible que par un contrôle étroit de la qualité des prestations des sous-traitants. Encore faut-il pouvoir disposer abondamment de ces sous-traitants à un tarif modéré tandis qu’ils offrent une qualité de fabrication ou de service suffisante. Divers cas de figure sont possibles.

Le recours à des autoentrepreneurs (ou microentrepreneurs)

Il peut s’agir d’auto-entrepreneurs qui ont une autre activité principale (souvent salariée) et qui arrondissent leur revenu en produisant des prestations en dehors de leur temps de travail habituel. L’important est alors d’entretenir avec eux une relation de confiance afin de les fidéliser malgré tout.

Néanmoins, on voit bien la fragilité d’un tel système basé finalement sur le bon vouloir de ces prestataires. C’est notamment le cas lorsque le marché du travail s’oriente vers le plein emploi et que les salaires sont à la hausse, réduisant d’autant le besoin de revenus complémentaires.

Il peut s’agir d’auto-entrepreneurs qui trouvent dans cette prestation l’essentiel de leur revenu, leur activité principale indépendante étant encore aléatoire (professions libérales en cours d’installation par exemple). La fragilité tient alors au contrat de travail dissimulé derrière la sous-traitance. Les prestataires pourront aisément se retourner contre leur donneur d’ordres dès que la relation contractuelle tournera à l’orage. Les conseils de prud’hommes savent très bien requalifier les relations contractuelles en contrat de travail en CDI à temps plein. Gare au coût d’une telle requalification.

Le recours à d’autres entreprises « sous-traitantes »

Certaines PME, sociétés ou entreprises individuelles, se développent dans la sous-traitance de produits de grandes marques ou dans la production de pièces et de produits semi-finis nécessaires à d’autres entreprises (donneurs d’ordres). Elles dépendent alors de la prospérité de leurs donneurs d’ordres et subissent les fluctuations de chiffre d’affaires de ceux-ci.

Une dépendance réciproque s’installe car le donneur d’ordre dépend quant à lui de la capacité de production et de la qualité de ses sous-traitants.

Les entreprises sous-traitantes sont, elles, déchargées de certaines fonctions, comme la recherche et le développement ou le marketing de la clientèle finale des produits.

Les inconvénients et les risques

Dans tous ces cas, l’entreprise qui sous traite son activité se prive d’une base de personnel qualifié suffisante pour constituer une communauté de travail motivée et prête à se former et à s’adapter pour faire évoluer l’offre de l’entreprise en fonction des besoins de la clientèle actuelle ou de nouveaux marchés. L’entreprise a perdu sa substance et n’est plus que centrée sur la gestion et l’administration de savoir-faire qui lui sont extérieurs.

A trop vouloir externaliser l’entreprise peut donc s’affaiblir progressivement. Elle peut perdre ses atouts productifs en cherchant à outrance la flexibilité. On peut évoquer ici l’exemple des industriels européens qui se sont retrouvés bientôt en concurrence avec d’anciens sous-traitants asiatiques.

L’entreprise « donneuse d’ordre » (qui pilote son réseau) doit par ailleurs organiser et coordonner son réseau de partenaires industriels et de prestataires de services. Cela suppose un ensemble de contrats et de cahiers des charges qui encadrent les activités. Cela suppose un réseau efficace d’information et de contrôle de gestion, de délais et de qualité. On parle de chaine logistique intégrée (supply chain).(3)

(1) Voir aussi Management et économie des entreprises G. Bressy & C. Konkuyt Aide mémoire Sirey 12ième édition, 2018 / Chapitre 16 La production de biens

(2) Voir aussi l’article de ce blog « Comment manager l’entreprise en archipel et/ou en réseau ?

(3) Voir aussi Management et économie des entreprises G. Bressy & C. Konkuyt Aide mémoire Sirey 12ième édition, 2018 /CH 10 : Diagnostic et choix stratégique au niveau global

(4) Voir aussi à ce sujet la thèse en ligne de Kais MTAR L’entreprise réseau comme un nouveau mode organisationnel > https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01127377/document

Les fonds propres associatifs jouent un rôle important

Un manager de la tribu Yakafokon affirmait récemment, bravache, que si on savait gérer sa trésorerie on n’avait pas besoin de se compliquer la vie avec une règle de maintien des fonds propres associatifs à un niveau correspondant à 4 mois de charges de fonctionnement.

C’est à mon avis un erreur grossière car c’est un manque de prudence qui peut conduire facilement et sans qu’on y prenne garde à la cessation de paiements. En effet, aucune association n’est à l’abri d’un mauvais payeur.

Je me rappelle ce délégué régional de l’Agefiph qui par fantaisie, ne versait le financement annuel d’une association (spécialisée dans l’accompagnement des personnes handicapées vers l’emploi) qu’au 1er juillet de l’année en cours, compliquant singulièrement la gestion de la trésorerie puisqu’il fallait alors aller négocier avec le banquier et supporter des frais bancaires pour pouvoir payer les salaires. Heureusement pour cette association, ce délégué régional fut bientôt envoyé dans les oubliettes et remplacé par quelqu’un de plus avisé.

Tel autre super manager missionné pour redresser la barre d’une association en difficulté et qui n’hésitait pas à donner des leçons de trésorerie aux uns et aux autres, se contenta finalement d’en déposer le bilan après l’épuisement des fonds propres de la dite association.

Les fonds propres :

Ils sont composés des fonds dont dispose l’association sans les devoir à aucune autre entité. (1)

Ils lui permettent donc une marge de liberté d’action stratégique,

Cela, soit pour autofinancer des expérimentations d’actions nouvelles, soit pour investir sans emprunter dans des équipements nouveaux ou supplémentaires, soit pour convaincre le banquier que la situation financière est saine et que l’on pourra rembourser un éventuel emprunt que l’on entend lui demander.

Les PME et TPE françaises sont connues pour leur faiblesse en fonds propres. A croire qu’en France on aime bien prendre des risques et emprunter.

Mais pour les associations c’est encore pire. En effet si une société peut espérer disposer dès sa naissance d’un capital social qui constituera ses fonds propres Puis espérer que ceux ci s’accroissent au rythme des bénéfices non distribués, ce n’est pas le cas d’une association .

A sa naissance l’association ne dispose que des maigres cotisations des adhérents comme fonds propres.

Ce n’est que progressivement, si elle est bien gérée qu’elle pourra espérer réaliser des bénéfices et/ou obtenir des subventions. Cela lui permettra, au-delà du financement des activités, d’augmenter son actif net et d’accroître le montant de ses fonds propres (que certaines associations appellent pompeusement « fonds associatifs »)

Qu’apportent exactement les fonds propres associatifs ?

La sécurité apportée par les fonds propres

On conseille généralement de disposer dès que possible pour une association, de 4 à 6 mois de fonctionnement en fonds propres. Cela revient à dire que quoiqu’il arrive l’association pourra tenir 4 ou 6 mois sans recevoir de financement extérieur. Quel est l’avantage d’une telle marge d’autonomie ?

> Un confort de trésorerie

L’association peut ainsi faire face à des aléas liés à l’encaissement des recettes qui peuvent survenir à n’importe quelle occasion (outre l’exemple cité en introduction on peut évoquer les fameux fonds européens qui sont réputés pour leur versement tardif en France, chaque région étant chargée de leur versement après de multiple contrôles au caractère parfois capricieux. Faute de cela l’association devrait emprunter à sa banque à un taux pas toujours amical.

> Une capacité d’emprunt

Les banquiers préfèrent toujours être rassurés par l’existence de fonds propres pour accorder un prêt à un taux intéressant. Encore une manifestation de l’adage « on ne prête qu’aux riches ».

> Une capacité d’autofinancement d’investissement (1)

Une association a tout intérêt à être réactive et à proposer de nouvelles solutions à ses adhérents. Ce sont de nouveaux services ou de nouvelles formations. Ces nouvelles formules d’activité nécessitent d’être conçues et rodées avant d’être vendues et de rapporter du chiffre d’affaires. Elles sont donc risquées. L’association doit pour cela disposer de fonds de façon complètement autonome : les fonds propres.

Les fonds propres encore et toujours. On voit bien que ceux-ci loin d’être une source de gaspillage sont une condition sine qua non du bon fonctionnement d’une association dynamique.

A bon entendeur, salut !

(1) Voir aussi Management et économie des entreprises G. Bressy & C. Konkuyt Aide mémoire Sirey 12ième édition, 2018 / Ch 21. La fonction financière p477 et suivantes.

Fixer son prix

Comment fixer son prix de façon pertinente ?

Le choix du prix est essentiel pour l’entrepreneur. C’est le prix qui rapporte des revenus et, on peut l’espérer, de la rentabilité alors que les autres outils commerciaux (pub, réseaux, distribution, site, boutique) ont un coût et représentent donc des charges. Mais comment fixer son prix et comment faire du prix un atout commercial ? (1)

Il faut d’abord prendre en compte certaines contraintes :
a)-La première des contraintes est le coût de revient unitaire du produit qu’il faut compenser.

Et attention, le coût unitaire d’un produit varie en fonction des quantités produites puisque toutes les charges fixes (comme le loyer et le contrat d’assurance) sont divisées par le nombre de produits ou de services réalisés. Le coût fixe unitaire diminue donc quand la quantité produite augmente (Ce que les économistes appellent les économies d’échelle).

Il diminue aussi du fait de l’effet d’apprentissage de l’entreprise qui maîtrise de mieux en mieux sa fabrication quand la production se développe.

Le prix dépend aussi des prévisions de vente de l’entrepreneur car c’est en fonction d’elles qu’il va choisir son système productif (et le coût fixe qui va avec) et l’effectif employé qui détermine la masse salariale (le montant des salaires bruts) qui est à court terme également une charge fixe.

b)- La deuxième contrainte est la concurrence

Car on ne peut pas fixer son prix sans en tenir compte !

La concurrence peut jouer un grand rôle par le niveau de prix des concurrents et la qualité de leurs produits. D’autant plus que ces concurrents sont connus et que les consommateurs ont accès à l’information, comme c’est aujourd’hui souvent le cas par internet et par les sites comparateurs de prix et plateformes de vente en ligne.

c)- Il faut aussi tenir compte de la demande de la clientèle

L’attitude de la clientèle se traduit par une fonction de demande qui correspond à la quantité vendue pour chaque niveau de prix proposé.

Elle peut également être mesurée dans sa réponse à une variation de prix. On calcule ainsi le pourcentage de variation de la quantité vendue en réaction à une variation de 1% du prix (C’est l’élasticité de la demande par rapport au prix)

La réponse de la clientèle au niveau de prix se mesure aussi par le prix psychologique (voir plus bas)

Quelles sont les différentes façons de fixer son prix ?

a)- En partant du coût de revient unitaire :  

Le prix de vente correspond à l’addition du coût de revient et de la marge. La rentabilité est alors recherchée par une maîtrise ou une réduction de ce coût unitaire. Cela suppose une bonne connaissance des coûts, et donc de tous les éléments qui le composent. Cela conduit à une recherche permanente de gains de productivité (qui peut devenir un biais et finir par fausser le modèle économique mis en place) (2)

b)- En s’alignant sur le prix des concurrents de référence.

Cela suppose d’étudier les prix de la concurrence et en particulier ceux du concurrent« leader » du marché, puis à s’aligner sur ceux-ci. Une stratégie d’écrémage (marges élevées sur de petites quantités) aboutit à un prix supérieur au prix du marché (= la moyenne des prix des concurrents) et une stratégie de conquête (faibles marges sur des quantités importantes), conduit à un prix inférieur.

c)- En se basant sur le prix psychologique

C’est celui que les consommateurs sont prêts à payer pour le produit offert. Ce prix psychologique peut être influencé par le degré d’innovation ou de différenciation du produit ou du service ou encore par le niveau technologique supposé du produit dans l’esprit du client.

Quelle que soit la méthode retenue, il faut s’assurer que pour la quantité produite et vendue, le prix unitaire est supérieur au coût unitaire afin de dégager une certaine marge bénéficiaire, sans laquelle l’activité ne sera pas rentable.

Le seuil de rentabilité d’une production

Finalement, comment fixer son prix ?

Deux démarches peuvent être suivies pour fixer son prix

1) La démarche classique de fixation du prix:
a)- On doit couvrir le coût unitaire du bien vendu

1- On évalue le marché potentiel de l’entreprise avec prudence en se basant sur une analyse du marché du produit ou du service.

2- On détermine le montant total des charges fixes prévisibles

3- On détermine le coût variable unitaire prévisible

4- On calcule le total des charges pour le volume des ventes « n » que l’on estime comme étant minimum sur le semestre à venir.

5- On fixe alors le seuil de rentabilité pour ce volume de ventes ce qui permet de calculer le prix unitaire de vente du produit pour le prochain semestre.

p= v + F/n (où tout dépend de la justesse de la prévision de n)

6- En fonction des chiffres réels constatés on peut réajuster le prix de vente

SCHÉMA DE LA DÉTERMINATION DU PRIX

Détermination du prix
Détermination du prix
b)-On doit vérifier la pertinence concurrentielle de ce prix

Le prix ainsi obtenu n’est pas forcément adapté au marché. (1)

> Il doit en effet être compétitif au regard des concurrents. S’il est supérieur à la moyenne des prix du marché cela doit être justifié par une incontestable qualité supérieure et une action publicitaire de différenciation du produit de la marque.

> Il doit également correspondre au prix attendu par la clientèle. Si on en a les moyens et le temps, on peut étudier l’attitude de la clientèle par rapport à différents niveaux de prix et déterminer celui qui est le mieux accepté (le prix psychologique) (1). On vérifie alors que l’on est pas trop loin de celui-ci. En règle générale, ce prix psychologique varie au cours du temps avec le cycle de vie du produit.

2) Une démarche marketing de fixation du prix: (méthode dite « des coûts cibles »)

> On part d’une évaluation du prix psychologique puisque c’est celui pour lequel on a le maximum de clients prêts à acheter le produit.

> On vérifie que pour ce niveau de prix on est rentable, c’est à dire que l’on réalise un bénéfice suffisant.

Pour cela il faut que l’on soit capable de produire et vendre à un coût unitaire (coût cible) tel qu’il permette de gagner de l’argent (marge unitaire)

On multiplie la marge unitaire par la quantité de ventes prévue pour obtenir le bénéfice attendu. Ce bénéfice doit apporter un revenu à l’entrepreneur. Il doit aussi lui donner une capacité d’autofinancement pour couvrir au moins partiellement les investissements à venir.

> Si ces conditions sont remplies, on décide de produire et vendre la marchandise. Sinon on renonce en attendant que les conditions du marché (coté prix psychologique) et/ou de de production (coté méthodes de fabrication et de commercialisation) aient évolué favorablement.

(1) Voir aussi Management et économie des entreprises G. Bressy & C. Konkuyt Aide mémoire Sirey 12ième édition, 2018 / Ch 15. Le marchéage et la vente.

(2) Voir aussi l’article de ce blog La recherche de productivité, une obsession salutaire.

Comment manager l’entreprise en archipel et/ou en réseau

Un archipel est un chapelet d’îles, c’est-à-dire un ensemble de surfaces distinctes mais voisines et partageant un climat et une mer environnante. Certains ont utilisé cette réalité géographique pour filer une métaphore en l’appliquant à l’entreprise.

En effet, les entreprises rassemblent souvent aujourd’hui une hétérogénéité de collaborations et d’unités géographiquement distantes, d’entités de métiers divers.

Une hétérogénéité de collaborations

> Les collaborations sont d’abord le fait de personnes qui apportent leur travail et leur savoir-faire selon des statuts diversifiés 

Il peut s’agir de salariés, mandataires sociaux, associés, auto-entrepreneurs, travailleurs indépendants, etc.. Ces personnes peuvent avoir des finalités, des centres d’intérêt et des activités diverses entre lesquels elles partagent leur temps et leur engagement. Cette diversité enrichit leur personnalité et leurs compétences. Elle impose également au manager d’entreprise de les motiver et les ramener sans cesse sur les objectifs de celle-ci. Faute de cette démarche, les collaborateurs peuvent avoir un comportement de « mercenaire » qui mesure en permanence son temps et son engagement. Par ailleurs, on observe dans certaines entités l’évolution vers une logique de fonctionnement moins pyramidale (moins hiérarchique)  et plus transversale et coopérative. Celle-ci est à base d’auto-organisation  et de responsabilisation. Le management va alors surtout consister en une démarche d’animation et de coordination de collaborateurs responsables et autonomes.

> Par ailleurs, au sein d’une organisation on assiste souvent à des regroupements informels de personnes partageant certains intérêts et/ou métiers.

Ainsi ces coalitions peuvent exercer des influences contraires à la dynamique du modèle économique que veut développer l’entreprise. Il existe donc un biais managérial dans la mesure où le management va   devoir s’écarter de la simple recherche d’optimisation. En effet, il doit s’efforcer en permanence de rendre compatibles les groupes d’intérêts divers et souvent conflictuels. Il le fait par des négociations, arbitrages et concessions. Certains théoriciens des organisations (H. Simon, M. Cyert et J. March, M. Crozier) ont étudié soigneusement ces phénomènes. Ils ont conclu à la nécessité de consacrer un budget discrétionnaire à faire accepter aux différents collaborateurs les objectifs de l’entreprise.(1)   

> Les collaborations sont aussi le fait d’autres entités coopérant en amont et en aval de l’activité de l’entreprise  (2)

Ce sont des fournisseurs, sous-traitants, prestataires, autres sociétés du même groupe, etc… Ces échanges  partenariaux sont évolutifs, dans une recherche d’efficacité. Ces échanges se déroulent entre des entités géographiquement distantes (et parfois très éloignées)

L’entreprise va ainsi développer ces collaborations à travers des réseaux d’échange d’informations et d’échanges logistiques. Ceux-ci vont lui permettre de communiquer. Mais surtout d’organiser les coopérations nécessaires à son activité en fonction de ses propres objectifs. Cette pratique est rendue possible par les moyens d’échange d’informations modernes, à base de télécommunication et de traitement informatique (intranet et extranet). Ce que l’on a appelé l’entreprise-réseau correspond à cette logique de coopérations en amont et en aval, orchestrées par l’entreprise-pivot (souvent une entreprise dominante qui est à l’initiative du réseau).

Néanmoins chaque entreprise proactive agit de la même façon pour s’efforcer  de construire et piloter son propre réseau. Dans ces conditions on peut aussi  recourir au vocable d’archipel pour désigner cette juxtaposition de logiques d’entreprises. Chacune suit sa propre stratégie mais échange avec les autres en fonction de leurs activités respectives. Leurs rapports sont plus ou moins (in)égalitaires.(3) au sein d’un réseau spécifique.

C’est en construisant sa propre stratégie que chaque entreprise définit son périmètre en choisissant ce qu’elle veut faire elle-même (4) . Du même coup elle choisit ce qu’elle va confier à des collaborations extérieures d’individus ou d’autres entreprises. Et on a vu ici que ces choix avaient des implications importantes en matière de management.

Définir son périmètre

(1) Cyert (R.M.) et March (J.G.)  Processus de décision dans l’entreprise. Dunod, 1970.

(2) Voir aussi l’article de ce blog « Externaliser, jusqu’où ? »

(3) Voir la notion d’ « entreprise étendue » dans le chapitre 10  et la théorie des systèmes sociaux  dans le CH 13 de l’Aide-mémoire de management et économie des entreprises, SIREY, 2018
(4) Voir intégration ou externalisation ? in Chap 10 Diagnostic et choix stratégique de
l’Aide-mémoire de management et économie des entreprises, SIREY, 2018

Le management, de quoi parle-t-on ?

Il y a de grandes différences entre manager une très petite entreprise, une PME, un service ou une équipe ou encore un groupe de sociétés. On voit aussi que ce terme est souvent utilisé à tort et à travers. D’où la question qui émerge : le management, de quoi parle-t-on ?

Définition du management d’entreprise (1)

Le management correspond à la gestion, c’est à dire à l’art d’organiser et d’administrer les ressources d’une entreprise, qu’elles soient humaines, matérielles, financières, informationnelles etc.. Il s’agit tout simplement du « gouvernement de l’entreprise ».

Pourtant, très souvent en France on utilise le terme de management pour désigner simplement la façon dont l’entreprise pratique sa relation avec son personnel (hiérarchie, autorité, responsabilisation, décentralisation du pouvoir, mode de rémunération) Elle se limite alors à un domaine résultant à la fois de la gestion du personnel et de l’organisation de l’entreprise (qui résulte du pouvoir de direction).

On ne peut pas s’intéresser au management sans évoquer son étymologie. On croit souvent à tort que ce terme est emprunté à l’anglais US. En fait il s’agit d’un mot qui est né au moyen âge, du vieux français « maisnage  » ou « mesnager » (gouvernement domestique) et qui nous est revenu en anglais (to manage = gérer) à travers la littérature de gestion en provenance des USA.

Les conceptions de différents auteurs

De nombreux auteurs se sont exercés à définir le management au niveau de l’entreprise.

– Les classiques

L’un des premiers à l’avoir fait est le français Henri Fayol à travers sa définition de l’administration d’une entreprise. Selon lui, administrer une entreprise c’est à la fois: prévoir, organiser, commander, coordonner et contrôler. Ces activités constituent la fonction administrative qui est selon lui la principale fonction que l’on doit mettre en œuvre. Il distingue aussi d’autres fonctions : technique (produire), commerciale (achats-ventes), financière (gestion des capitaux), de sécurité (gestion des risques), de comptabilité (comptes, prix de revient, statistiques, etc..). H. Fayol développe également un certain nombre de principes (14). Notamment la division du travail au sein de l’entreprise (spécialisation des services et des personnes). Egalement l’unité de commandement (une même personne ne doit recevoir d’ordres que d’un seul chef afin d’éviter toute confusion). Il accorde une grande importance au rôle du chef de l’entreprise qui transmet ses directives par voie hiérarchique.
L’américain Frederick Winslow Taylor va quant à lui appliquer à l’entreprise et surtout à la fonction de production, le principe de division du travail (mis en lumière par le fameux économiste écossais Adam Smith dès 1776). Il aboutit ainsi à préconiser une stricte séparation entre l’activité de conception et celle d’exécution du travail (ce qui s’oppose à toute production artisanale). Cette exécution du travail doit s’appuyer selon lui sur une analyse très précise des gestes et temps de travail. Cela permet une véritable standardisation des tâches. De plus, une rémunération au rendement va jouer un rôle de stimulant de la productivité. Taylor prétend ainsi proposer une organisation prétendument scientifique du travail (OST) On parle couramment de taylorisme pour désigner cette forme d’organisation de la production très souvent combinée au fordisme (c’est à dire à une standardisation des produits eux-mêmes).

– Les modernes

Des conceptions plus modernes du management prennent en compte la nécessité de sortir d’une spécialisation très poussée des tâches pour développer une réactivité et une adaptation permanente aux attentes de la clientèle et aux évolutions des technologies. Pour cela certains auteurs plus récents, comme Peter Drucker, vont prôner la direction par les objectifs au sein de l’entreprise. On s’écarte ainsi de la centralisation extrême prônée par H. Fayol en laissant chaque responsable de service ou de poste choisir les moyens et les méthodes qu’il va mettre en oeuvre pour atteindre des objectifs de production ou de vente qui ont été prédéfinis.
D’autres auteurs encore plus modernes, comme Isaac Getz et Brian M. Carney, préconisent de libérer complètement l’entreprise de la relation hiérarchique en donnant en exemple des « entreprises libérées ». Certains ont parlé d’autonomisation du personnel. Ce sont les objectifs communs (la vision de l’entreprise) qui soudent les membres de l’entreprise ainsi auto-organisés.

La diversité des formes de management d’entreprise

En pratique on voit bien que chaque entreprise met au point son propre management en fonction d’un grand nombre de paramètres. Ainsi les entreprises familiales s’orientent-elles vers un management plutôt patrimonial qui s’interprète à long terme. Tandis que les grandes sociétés cotées sont managées de façon plus financière, souvent à plus court terme, avec des objectifs de rentabilité permettant de satisfaire les nombreux actionnaires-épargnants ( Ce qui est un comble étant donnée l’importance de ces entreprises pour l’économie régionale ou nationale, en matière d’emploi, d’investissement, d’indépendance industrielle, etc..)

D’une façon générale, les finalités mais aussi la taille, la personnalité et les valeurs portées par le dirigeant ainsi que les contraintes du secteur d’activité vont fortement déterminer le type de management mis en place.

Quand le management devient toxique

Certains dirigeants ont pu même mettre en place un management toxique pour le personnel en adoptant une organisation et une gestion déstabilisantes et éreintantes, frisant le harcèlement moral. Ce management est parfois qualifié de déviant. Il consiste en une maltraitance des salariés à base de décisions arbitraires de leur hiérarchie, d’une instabilité délibérée de leurs conditions et poste de travail et même de la fixation d’objectifs complètement irréalistes. L’objectif inavoué de la direction de telles entreprises est généralement de réduire l’effectif en poussant un grand nombre de salariés à la démission. Il exerce sur les salariés une pression permanente liée à des objectifs toujours plus ambitieux sans tenir compte de la santé du personnel. Une jurisprudence a commencé à se construire en France en condamnant des entreprises comme France Télécom (devenue aujourd’hui Orange) pour « harcèlement moral institutionnel ».(2)

(1) Voir aussi Les chapitres: Ch1 Qu’est-ce que l’entreprise ? et Ch6 Entreprendre et diriger et Les théories de l’organisation in Management et économie des entreprises 12ieme édition, Ed. SIREY, 2018

(2) Cf l’article de ce blog Condamnation de France Télécom (devenue Orange en janvier 2013) pour « harcèlement moral organisé » par l’entreprise

Pour une mondialisation maîtrisée

Certains ont pris l’habitude d’opposer les mondialistes et les nationalistes, tant la caricature est facile dans ce domaine souvent mal compris.

Il faut rappeler que la mondialisation est un phénomène historique, un fait qui se traduit sur les plans économique, scientifique, artistique et culturel. Militaire aussi, avec toutes les alliances et coopérations qui se sont multipliées en la matière sur tous les continents.

Etre « antimondialiste » n’a donc pas de sens, sauf de refuser la réalité par peur de celle-ci. Il est vrai que la mondialisation a des aspects dérangeants voire bouleversants en élargissant la compétition, en complexifiant les codes sociaux et culturels, en amenant une nouvelle division internationale de la production et en permettant des échanges financiers plus difficilement lisibles et donc souvent incontrôlables.

Comment maîtriser la mondialisation, telle est donc la question.

Un constat de faiblesse face à la crise actuelle

Un affaiblissement du pouvoir régulateur des Etats

Même si aucun gouvernement national ne le reconnaît aisément, la mondialisation a réduit fortement le pouvoir des Etats de maîtriser et coordonner le déroulement des évènements économiques et sociaux qui traversent le monde. Là où ces gouvernements disposaient encore il y a trente ans de leviers d’action, ils ne trouvent plus que des contraintes, en matière monétaire, financière et économique en particulier.  Tant les interdépendances ont grandi et tant le poids des échanges interentreprises et surtout financiers réduit leur pouvoir d’agir et d’influencer les évènements. Mais beaucoup d’entre eux, notamment en Europe ont renoncé à certains de leurs pouvoirs pour « libérer l’économie » et réduire le poids des prélèvements obligatoires.

L’Europe en construction a pris un virage libéral, anti-keynésien sous la pression des économistes libéraux, influencés par les théoriciens de  l’école de Chicago qui ont remis au goût du jour de vieilles théories qu’ils ont modernisées pour les présenter comme porteuses d’une révolution libératrice. Il faut avouer que les administrations publiques avaient adopté un fonctionnement lourd et paralysant, souvent irrationnel faisant subir à la société un pouvoir bureaucratique de moins en moins supportable. Nous en vivons encore aujourd’hui ici et là quelques vestiges avec, par exemple, l’incurie des ARS dans la gestion de la crise sanitaire et en particulier avec le blocage incompréhensible des tests de dépistage disponibles dans les laboratoires vétérinaires et les labos de recherche.

Les européens sont devenus plus libéraux que les américains eux-mêmes.  Ce libéralisme s’est traduit notamment par un abandon des contrôles exercés jusque là par les Etats sur les mouvements de capitaux et par des normes contraignantes en matière budgétaire comme la fameuse règle de l’UE des 3% de déficit. Cet affaiblissement des pouvoirs régulateurs est un premier problème.

La dépendance grandissante liée à une recherche d’optimisation des entreprises

Sans que cela soit perçu par les citoyens des pays développés, les grandes entreprises ont adopté progressivement une dimension économique et partant, une logique d’optimisation, mondiale. Elles ont implanté des unités de production là où les conditions de rentabilité étaient les meilleures, afin de réduire leurs coûts et d’optimiser leurs résultats. Les conditions le permettant, la concurrence le leur a imposé car celles qui l’auraient refusé auraient vite perdu leur compétitivité. Les délocalisations d’unités de production ont alors été présentées comme un mal nécessaire pour que les entreprises survivent et pour que les consommateurs puissent bénéficier de produits à des prix accessibles. La Chine et d’autres pays surtout en Asie sont devenus les « ateliers du monde ». (1)

Dans les pays occidentaux les conséquences économiques et sociales que les gouvernements ont du gérer étaient de plus en plus lourdes et coûteuses et les systèmes de sécurité sociale  mis en place après la deuxième guerre mondiale ont commencé à être écornés et même remis en cause. Certains beaux esprits ont même revendiqué la privatisation de domaines jusque là réservés au service public, rêvant par exemple de dissoudre les régimes de protection sociale pour les remplacer par des systèmes d’assurance privée comparables à ceux des Etats-Unis, souvent donnés en modèle (un comble quand on connait les difficultés actuelles de nombreux américains pour se soigner !). De même pour la Santé et l’Education. La Recherche. Mais aussi les entreprises de production de services collectifs, comme l’énergie, les services postaux et les chemins de fer.

Le résultat de ces évolutions est qu’aujourd’hui les citoyens européens constatent que ce qu’ils avaient accepté comme une évolution irréversible et inévitable a eu des conséquences catastrophiques en matière sanitaire, au sein même des différents pays de l’Union sans parler du reste du monde qui connaissent et vont connaître des crises sanitaires et économiques gravissimes. Mais ce qui est problématique sur le plan sanitaire existe également en matière alimentaire, gestion de l’eau, de l’énergie, des transports.

Dépendre du reste du monde pour son approvisionnement en biens matériels est une grande faiblesse dès qu’une crise internationale se déroule. Il ne faut pas être grand clerc pour le concevoir. On sait que les biens manufacturés consommés par les Français sont importés pour 2/3, en valeur. La crise que nous vivons est sanitaire mais il pourrait aussi bien s’agir d’une guerre ou d’une crise environnementale ou des réseaux d’information. L’interdépendance et la spécialisation internationale des productions nous ont rendus très fragiles pour faire face à toute crise. Cette dépendance est un deuxième problème.

Un défaut de résilience productive qui est mesurable

Très concrètement, deux économistes, Arnaud Florentin et Elisabeth Laville, ont mesuré le niveau de résilience productive de différents pays et régions, c’est à dire « la capacité d’un territoire à couvrir un large espace productif qu’il peut mobiliser face à une perturbation exceptionnelle » c’est à dire la capacité d’un territoire de « maintenir la production de n’importe quel bien en situation de crise ». En d’autres termes « leur capacité à surmonter l’interruption des chaînes logistiques qui les relient à l’extérieur ».(2)

Il apparaît, selon leur étude, qu’aucun pays du monde ne dépasse aujourd’hui un taux de 50% et que seuls 16% des pays du monde (dont la France avec un taux de 44,9%) ont un taux dépassant 30%. Ces économistes considèrent qu’un « système résilient est celui qui est capable de maintenir la production d’une part significative de biens, probablement au-dessus des deux tiers ».

Une catastrophe écologique annoncée

Les différents rapports et prévisions concernant l’avenir de notre climat montrent que le développement économique libéral conduit à négliger les équilibres naturels, en considérant que tout ce que fournit la planète sans être appropriable, est gratuit. L’air, l’eau des fleuves et des océans, la faune sauvage, l’espace extra-atmosphérique, etc.. Nous prenons conscience aujourd’hui que ces biens ne sont pas infinis et que notre activité technico-économique a conduit à leur dégradation, de sorte que nous allons laisser à nos descendants un univers dégradé. C’est du niveau de cette dégradation qu’il est question aujourd’hui dans les traités internationaux fixant des objectifs et des engagements, rarement respectés à ce jour, concernant l’émission de gaz à effet de serre, les pollutions et le réchauffement climatique.

Notre incapacité à nous engager efficacement dans la transition écologique est un troisième problème.

Quelles solutions envisager ?

La question des solutions est celle de la maîtrise de la mondialisation. Il s’agit de trouver les moyens de tirer parti de la mondialisation. Le but est de profiter des avantages qu’elle apporte en termes d’accès à des ressources, des biens et des technologies venues d’autres parties du « village mondial », sans subir les jeux et les choix des entreprises sur les marchés mondialisés.

Maîtriser la mondialisation ne signifie pas remettre en question l’économie de marché qui a prouvé historiquement son efficacité. Mais la myopie du marché a mainte fois été dénoncée, elle peut même devenir en temps de crise un aveuglement.  Il convient donc d’encadrer le marché et le guider, de préférence au plan européen puisque de nombreuses complémentarités existent aujourd’hui entre les économies européennes.

La question des solutions impose également de tirer parti de cette crise pour engager notre économie et notre société dans la nécessaire transition écologique. 

Développer la résilience de nos territoires par la mise en place progressive d’une économie circulaire

C’est ce que proposent  les économistes Olivier Bargain et Jean-Marie Cardebat dans une tribune au Monde du 22 mai 2020, à travers une voie intermédiaire entre économie locale et économie mondialisée. Ils préconisent d’appliquer la notion de « stress tests » à l’ensemble des filières en fonction de la nature des risques qui pèsent sur elles. Ces professeurs d’économie animent le Laboratoire d’analyse et de recherche en économie et finances internationales (Larefi).

Suivre dans chaque filière une logique d’économie circulaire « capable de générer ses propres ressources et de produire des biens adaptés à la demande locale » serait à la fois selon eux, une nécessité environnementale et un impératif géostratégique.

Faire face au besoin de pilotage à long terme par une planification incitative

La mondialisation s’est donc imposée sans frein, encouragée dans son expansion par des organismes ad hoc comme le GATT puis l’OMC puis les grands traités internationaux en cours de négociation qui posent tous comme hypothèse de base que le commerce sans entrave (le libre-échange) est bienfaisant pour tous.

Nos Etats ont abdiqué progressivement leur pouvoir et leur devoir d’orienter et de maîtriser les flux économiques essentiels de nos pays. Le problème principal est que personne ne semble plus se placer ni du point de vue de l’intérêt général, ni du long terme afin d’anticiper les évolutions. Nous subissons un déficit important de planification.

Toute grande entreprise construit un plan pour organiser son développement. Ce plan est la traduction budgétaire d’une stratégie. Le comble est que ce concept est devenu tabou au niveau d’un pays, sous les coups de boutoir idéologiques des néo-libéraux. Le Commissariat au plan qui avait été mis en place par le Général de Gaulle   a été supprimé dans les années 80 par ceux qui ne voulaient pas voir plus loin que le bout du marché.

Un plan indicatif et incitatif a orienté l’économie française pendant les trente glorieuses. Il n’a jamais ressemblé au Gosplan soviétique qui était lui impératif et contre productif.  La planification à la française  avait simplement pour objet de guider les entreprises en les orientant vers des investissements et des stratégies souhaitables pour le pays, et ce à coups d’aides et de subventions pour celles qui le suivraient.

Agir au niveau européen par des « programmes à géométrie variable »
Agir au niveau européen dans le cadre de l'UE

Le besoin d’une telle démarche est devenu criant aujourd’hui. Bien sûr l’environnement économique a changé et l’Europe industrielle s’est mise en place. C’est donc au niveau européen qu’il faudrait suivre cette voie. Néanmoins si l’Union européenne continue d’être une tour de Babel  politique, il reste possible de bien faire au niveau national et surtout de développer des politiques industrielles volontaristes avec ceux des pays d’Europe qui le souhaitent. Dans le contexte actuel un renouveau de l’Europe industrielle et agricole se fera par des coopérations à géométrie variable, autour de la création  de programmes d’investissements financés  par ceux des Etats membres qui veulent s’engager ensemble dans un domaine de recherche ou de développement industriel.

Thomas Piketty, Professeur à l’Ecole d’Economie de Paris, propose que pour sortir de la crise économique actuelle, la puissance publique relance l’économie en « investissant dans de nouveaux secteurs (santé, innovation, environnement), et en décidant une réduction graduelle et durable des activités les plus carbonées. »(3)

Pour éviter les erreurs de la relance qui a suivi la crise de 2008, il invite à suivre la proposition espagnole d’un grand emprunt commun aux pays européens (entre 1000 et 1500 miliards €) perpétuel ou à très long terme, qui serait inscrit au bilan de la BCE pour financer cette relance à la fois « verte et sociale ». Il invite également à un prélèvement exceptionnel sur les plus hauts patrimoines financiers. Selon lui, « l’Europe court un danger mortel si elle ne montre pas à ses citoyens qu’elle est capable de se mobiliser face au Covid au moins autant qu’elle l’a fait pour ses banques. »

Plus modestement, A. Merkel et E. Macron ont prôné un plan de redressement économique de l’Europe de 500 milliards € financé par une dette communautaire qui sera portée par le budget de l’Union Européenne. Pourtant cette proposition sera une révolution si elle est mise en oeuvre car il s’agit d’un début d’une véritable politique économique commune puisque c’est la commission qui va emprunter et ensuite dépenser ce montant pour aider les pays de l’Union à investir. Encore faut-il que les 27 pays s’entendent à ce sujet, sur le principe et sur une vraie stratégie industrielle.

Limiter tout risque de « biais bureaucratique »

Toutefois, l’expérience nous a enseigné que tout développement de l’initiative publique risque de s’accompagner d’un « biais bureaucratique » (4) à travers une administration qui devient vite tatillonne et paralysante en coupant les cheveux en huit et en prétendant réglementer jusqu’à la taille des fromages.

C’est pourquoi les structures administratives non opérationnelles mises en place (comme des agences ou des commissions) doivent rester limitées au strict minimum (5% du budget mis en œuvre semble être un bon indicateur). De plus, afin de limiter toute tentative de développement d’un pouvoir bureaucratique, des  organes de médiation et/ou d’arbitrage doivent être aussitôt mis en place afin de permettre des recours simples et rapides aux personnes et entreprises concernées.

C’est cela qui permettra aux citoyens de comprendre que l’action régulatrice de l’Etat ne se fait pas obligatoirement au prix d’un pouvoir administratif écrasant et absurde.

Mettre l’environnement au cœur de la reprise

> Un collectif de plus de 90 dirigeants d’entreprises de dimension nationale ou internationale demandent aujourd’hui (le 4 mai 2020) une mobilisation collective afin que la relance indispensable à notre économie devienne un accélérateur de la transition écologique.(5)

Leur objectif est d’assurer la continuité des efforts déjà engagés dans la transition écologique en organisant la relance économique dans ce sens.

A court et moyen terme, par un soutien aux secteurs de préservation de l’environnement créateurs d’emplois: Rénovation énergétique des bâtiments; développement des diverses formes de mobilités décarbonées; expansion de la production et du stockage des énergies renouvelables et décarbonées.

Toujours à court terme, en favorisant une économie plus circulaire et une alimentation locale; en démultipliant également les efforts de recherche et d’innovation dans des solutions industrielles respectueuses de l’environnement.

A plus long terme l’engagement nécessaire dans le prochain Pacte vert européen est rappelé.

>De son coté, le Haut Conseil pour le climat (HCC), dans son rapport spécial « Climat, santé : mieux prévenir, mieux guérir »(6), publié mardi 21 avril 2020 a appelé le gouvernement à accélérer la transition pour renforcer notre résilience et nos capacités d’adaptation face aux risques sanitaires et climatiques. Il appelle notamment à la mise en place d’indicateurs d’exposition et de vulnérabilité et au développement d’investissements conformes aux priorités définies dans le cadre de SandaÏ 2015-2030.

Le HCC recommande une « relance verte » qui intègre l’urgence climatique et la lutte renforcée contre les pollutions, contre la déforestation importée, qui intègre également l’amélioration nutritionnelle des régimes alimentaires et l’évolution des modes de transport. Il insiste pour cela sur l’importance de conditionner les mesures budgétaires et avantages fiscaux qui seront accordés aux entreprises au respect de ces orientations. Le HCC propose de profiter du faible prix du pétrole pour réduire les exemptions fiscales et autres subventions aux énergies fossiles. Il propose également de réformer le système européen d’échange de quotas carbone en le complétant par l’adoption d’un prix-plancher croissant.

>La Convention Citoyenne pour le climat va dans le même sens en proposant une cinquantaine de mesures (7) afin que « la sortie de crise qui s’organise sous l’impulsion des pouvoirs publics ne soit pas réalisée au détriment du climat, de l’humain et de la biodiversité. » et que les financements de la relance soient fléchés vers des solutions vertes et des investissements « dans des secteurs d’avenir respectueux du climat ». Il s’agit de choisir une stratégie de sortie de crise qui porte « l’espoir d’un nouveau modèle de société ».

Manager pour motiver….

Une préoccupation récurrente des managers d’entreprise

La  motivation est la mise en œuvre des forces qui conduisent une personne (un salarié) à adopter un comportement donné. Pour une entreprise, la question de la motivation est celle des forces à mettre en oeuvre pour obtenir des salariés un travail efficace.

Pour la plupart des entreprises la question de la motivation est cruciale puisqu’il apparaît que le travail qualifié ne peut être accompli de façon satisfaisante sans un niveau de motivation élevé.

Depuis les débuts de l’industrie, les dirigeants, puis les théoriciens se sont penchés sur cette question. Des auteurs aussi différents que ceux de l’école classique, du courant des relations humaines, de l’école néo-classique ou encore de l’école « socio-technique »  ont apporté leur contribution (1).

Aucune réponse universelle ne semble s’être imposée comme le montre les contre-exemples des entreprises dans lesquelles un management trop pressant a conduit des salariés au suicide (France Télécom, La Poste, Renault, etc..). 

Quand la compétition économique devient intense, la question de  la motivation du personnel reste posée. Plusieurs  pistes peuvent être suivies sans s’exclurent.

Quels moyens pour motiver ?

Il existe un grand nombre de recettes pour motiver individuellement les salariés.

> Par la rémunération d’abord avec le niveau de salaire, les primes et les avantages en nature  (analyse théorique du salaire d’efficience d’Akerlof et Yellen ; salaire au rendement de Taylor ; prime de résultat de P. Drucker) (2)

> Par le mode de management adopté ensuite, avec des systèmes orientés vers la réalisation d’objectifs (Direction par objectifs de P. Drucker) et/ou un style de management bienveillant  (Différents styles de R. Lickert).

> Par la prise en compte de facteurs psychologiques de la motivation mis en évidence par  plusieurs théoriciens bien connus  ( Maslow, Herzberg, Alderfer ;  Vroom , Adams)(3) qui débouchent notamment sur la responsabilisation des salariés et la définition des plans de carrière.

Mais les dispositifs collectifs sont eux aussi efficaces et viennent souvent se combiner aux précédents.

> Les systèmes de rémunération collective liée au résultat d’exploitation sont un moyen d’encourager une coopération au sein de l’entreprise afin d’obtenir une efficacité globale sans générer un effet de cliquet lié à une augmentation de salaire. Ce sont les accords de participation et/ou d’intéressement qui le permettent (Cf la théorie de M. Weitzman (4)). On peut aussi définir des primes d’équipe à lier à des indicateurs d’activité de chaque groupe de travail.

> Cela vient compléter une démarche organisationnelle de développement du travail en équipes et en réseau  qui permet à l’entreprise de bénéficier d’une dynamique de groupe (mise en évidence par H. Dubreuil et K. Lewin)

> Il ne faut pas oublier les facteurs psychologiques et culturels que sont les stages de motivation et d’intégration, les réunions d’information mais aussi les célébrations des événements de la vie sociale de l’entreprise (Arbres de Noël, promotions, départs en retraite, lancement de produits et de service nouveaux). Il faut aussi compter avec la communication interne (intranet, journal d’entreprise, forum d’échanges techniques)  et la mise en place d’un projet d’entreprise.

Que peut-on attendre d’une forte motivation ?

> Les grincheux et les timorés mettront en avant les charges que ces dispositifs vont générer : le coût des primes et celui de la réserve de participation, les frais organisationnels et de communication liés à un marketing interne.

> Les optimistes verront au contraire, l’amélioration de l’image de l’entreprise et un recrutement plus facile d’un personnel de qualité mais aussi une plus grande efficacité individuelle et une meilleure coopération qui donneront à l’entreprise la réactivité et la productivité dont elle a besoin.

Il est en fait difficile de raisonner dans ce domaine de façon générale. C’est à chaque entreprise de trouver la recette qui fonctionne le mieux, en accord avec ses moyens, ses contraintes, la nature de l’activité et les attentes de son personnel. Vous avez dit recette ? Bien sûr cela ne suffira pas. Il faut encore de la sincérité afin d’obtenir durablement la confiance du personnel, sans laquelle la compétitivité d’une entreprise reste précaire.

(1) Voir CH 13 Les théories des organisations dans l’aide-mémoire Management et économie des entreprises, 12ième ed. SIREY 2018

(2) Voir CH 20 La mobilisation du personnel dans l’aide-mémoire Management et économie des entreprises, 12ième ed. SIREY 2018

(3) Voir Ch 19 La gestion des ressources humaines, dans l’aide-mémoire Management et économie des entreprises, 12ième ed. SIREY, 2018

(4) Martin Weitzman Professeur au MIT, auteur de L’économie de partage, Ed. Latès, 1986.

Une entreprise peut-elle apprendre ?

A l’heure où le coronavirus bouleverse l’économie et remet en question le déroulement des activités des entreprises, on prend conscience de l’importance de la capacité de celles-ci de s’adapter au changement. Il faut apprendre pour faire face, pour s’adapter et en tirer des avantages pour l’avenir.

Une entreprise peut-elle apprendre et comment ? Et quelles sont les conditions de cet apprentissage organisationnel ?

De façon générale, les entreprises comme les humains sont confrontées en permanence au changement. Changement des réglementations, changement technologique, changement des comportements, changement des prix et des marchés, changements des alliances et des partenariats, etc..

Qu’est-ce qu’une organisation apprenante ?

L’apprentissage qui se conçoit bien à l’échelle d’une personne n’est pas si évident au niveau d’une organisation comme l’entreprise. Comment celle-ci peut-elle devenir apprenante ? Pour changer elle-même l’entreprise doit apprendre de nouvelles façons d’exercer son activité mais elle doit aussi apprendre à changer puisque le changement devient lui-même une contrainte permanente.

Les changements de son environnement peuvent être lents, progressifs et prévisibles et dans ce cas, elle pourra s’adapter dans la durée. Mais ils peuvent aussi être soudains et imprévisibles et dans ce cas, l’entreprise ne pourra compter que sur sa faculté d’adaptation rapide, ce qui s’improvise rarement.

Une « organisation apprenante » (learning organization) est capable d’apprentissage. Elle sait   inventer ou s’approprier des connaissances et des savoir-faire. Elle facilite pour cela l’apprentissage de ses collaborateurs. Cette pratique de l’apprentissage l’amène immanquablement à évoluer. Habituellement, le changement sera impulsé par la hiérarchie et l’encadrement, sans que cela soit une règle. Quoi qu’il en soit,  pour qu’il soit couronné de succès, il faut que toutes ses parties prenantes (services, personnel, partenaires) soient convaincues de son intérêt et disposent des moyens de le mettre en œuvre.

Comment une entreprise peut-elle apprendre ?

Comment  l’apprentissage des nouvelles méthodes et procédures de travail, des nouveaux services et produits peut-il se faire ? Les organisations décentralisées et dont la culture et les procédures sont tournées vers l’émergence et la réalisation de projets et la mise en place de groupes de travail transversaux facilitent un apprentissage collectif (ou « organisationnel »). La communication accompagne et complète les évolutions organisationnelles pour que les nouvelles solutions soient partagées ou mises à la disposition de tous les services. Le recrutement des salariés puis la culture de l’entreprise vont eux-mêmes valoriser l’aptitude à apprendre et à changer  chez chacun de ses membres.

D. Garvin (1) (1993) considère qu’il existe cinq moyens pour une organisation de pratiquer l’apprentissage organisationnel :

  1. -la résolution de problèmes en groupes de travail;
  2. -l’expérimentation de solutions nouvelles par des groupes  ou des services « pilotes»;
  3. -la coopération avec les partenaires (clients, fournisseurs, sous-traitants
    notamment) ;
  4. -le fait savoir capitaliser  les leçons de
    son expérience  et de celle des autres (benchmarking) ;
  5. – le fait  d’assurer un  transfert de connaissances.
Quelles sont les conditions pour que l’entreprise puisse apprendre ?

Finalement on voit que l’ « entreprise apprenante » doit disposer d’une forme d’organisation adaptée à l’apprentissage et même tournée vers l’apprentissage. Des difficultés peuvent survenir dans la mesure où l’organisation est le résultat de son histoire, de son passé et des procédures qui ont progressivement été mises en place. D’ailleurs, il arrive fréquemment que l’on empile les procédures faute de temps pour réorganiser entièrement les processus. On pourrait dire que parfois les expériences et apprentissages organisationnels passés viennent contrarier l’apprentissage et l’adaptation actuellement nécessaires. Certains auteurs parlent même de « routines organisationnelles défensives » qui viennent s’opposer aux changements nécessaires à l’adaptation aux changements de l’environnement (Chris Argyris) est la fameuse « résistance au changement » qui existe dans la plupart des communauté humaines.

C. Argyris et D. Schon (2) sont les auteurs qui ont montré que l’apprentissage organisationnel est une démarche itérative. C’est-à-dire qui se déroule de façon répétitive, selon une succession d’approximations, qui de correction en correction, devient de plus en plus proche de la solution recherchée.   Ils distinguent les ajustements qui se font par une simple modification dans les moyens engagés (dits en « simple boucle ») des ajustements qui vont porter également sur le processus lui-même (modélisation du problème, objectifs, dispositif mis en place).

Selon les auteurs de la thèse évolutionniste de la firme, même si les procédures de travail (routines) sont héritées du passé de l’entreprise, c’est le marché qui sélectionne progressivement les procédures pertinentes et invalide les autres qui sont alors abandonnées.

Ces procédures de travail sont mises en œuvre par un ensemble de collaborateurs qui les partagent et les font évoluer au fil du temps. Il peut s’agir  de « communautés de pratique » (E. Wenger, 1998) (3) souvent auto-organisées et qui échangent sur un réseau télématique (internet, intranet ou extranet), au sein desquelles existe une dynamique qui peut favoriser l’apprentissage.

L’entreprise qui souhaite favoriser l’apprentissage pour faire face à un environnement changeant va donc mettre en place un réseau de communication efficace, des groupes de travail spécialisés ou transversaux (qui peuvent intégrer des coopérations externes), des expérimentations au sein d’équipes pilotes (ou commissions « ad hoc ») mais aussi un management des connaissances qui assure la capitalisation des nouvelles procédures par leur formalisation et leur  partage (stages de formation, mise à disposition en ligne, actions de communication internes, etc..). Voir aussi à ce propos le modèle du dégel de K. Lewin. (4)

Tout cela implique une organisation souple à organigramme relativement plat (ligne hiérarchique restreinte) mais aussi une capacité financière d’investir dans la recherche de ces nouvelles formes d’organisation du travail sans  lesquelles l’entreprise ne pourra pas s’adapter pour rester compétitive. En effet cette recherche nécessite un temps de travail important de la part des salariés impliqués et ce temps de travail constitue un investissement immatériel (5) indispensable.

Dans certains cas malheureusement le changement est brutal et prend la forme d’une crise à laquelle il faut s’adapter en urgence. Dans ce cas l’entreprise peut improviser et compter sur la chance pour faire face et rebondir, en s’appuyant le cas échéant sur un savoir-faire ou un actif secondaire (Exemple de l’entreprise Intel qui a su se reconvertir dans les microprocesseurs à partir d’une crise dans le secteur des mémoires informatiques sous la pression des constructeurs japonais, dans les années 1980). Néanmoins lorsque l’environnement sectoriel est chaotique la meilleure solution semble de se préparer aux crises en mettant en place et apprenant une méthodologie spécifique de la gestion de crise.   (Pettigrew, A.M. 1990)(6)

  • (1) D. A. Garvin, « Building a learning organization », Business Credit, Vol 96, n°1,1994
  • (2) Chris Argyris et Donald A. Schön, L’apprentissage organisationnel, théorie, méthode et pratique [« Organizational Learning: A Theory of Action Perspective »], 1978 
  • (3) E. Wenger, Communities of Practice: Learning, Meaning, and Identity, Cambridge University Press, 1998
  • (4) K. Lewin, Kurt Lewin, The mecanisms of change,  New York: Harper & Row, 1947
  • (5) Voir aussi la notion de capital immatériel de l’entreprise dans l’Aide-mémoire Management et économie des entreprises, SIREY 12ième édition, 2018
  • (6) Pettigrew, A.M. Longitudinal field research on change: Theory and practice in  Organization Science 1:267-292 · August 1990

La recherche de productivité : une obsession salutaire

La capacité de production de l’entreprise est importante pour répondre à la demande mais l’efficacité productive, la fameuse productivité,  joue un rôle au moins aussi important. Améliorer son efficacité productive, est le sésame de la plupart des entreprises. Cela va en effet apporter à l’entreprise de nombreux avantages, en lui laissant une marge de manœuvre qui lui permet de faire des choix stratégiques. Mais pour cela l’entreprise doit fournir des efforts car les gains de productivité ne tombent pas du ciel.

Image du film de Charlie Chaplin, Les temps modernes, 1936

Ce que sont les gains de productivité :

La notion de productivité (*) est souvent utilisée pour désigner implicitement la productivité du travail (valeur ajoutée / quantité de travail). En règle générale, il faut en fait  parler de productivité d’un facteur = mesure de l’efficacité de ce facteur, travail ou capital technique ou terre. On précise donc de quel facteur il s’agit  et on mesure le rapport de la valeur ajoutée à  la quantité de ce facteur utilisée (ou aussi  à son coût).

Mais on peut aussi s’intéresser à la productivité globale des facteurs c’est-à-dire à la mesure de l’efficacité productive générale de l’entreprise. Elle est égale à la valeur ajoutée totale rapportée au coût total des facteurs pour la période considérée. Elle indique la valeur ajoutée obtenue pour chaque euro  dépensé en facteur de production. Mais l’important est l’augmentation de cette productivité car c’est elle qui donne une marge de manœuvre à l’entreprise.

Comment obtenir ces gains de productivité ?

Le laminoir en fer, Adolph von Menzel, 1875

Cette augmentation peut être le résultat d’une diminution de la consommation de facteur de production : moins de travail par unité produite (grâce à une meilleure organisation du travail ou une automatisation) ou moins de consommation intermédiaire (grâce à une amélioration des processus)  ou moins de capital technique consommé par unité produite (grâce à un allongement de la durée d’utilisation des équipements productifs  ou grâce à une technologie plus efficace).

Elle peut aussi être obtenue par une amélioration de la valeur ajoutée obtenue pour la même consommation de facteurs productifs (grâce à une amélioration de la qualité du produit vendu ou l’ajout d’éléments de différenciation, d’ordre écologique par exemple qui permettent d’augmenter la valeur unitaire du produit).

Finalement, la valeur ajoutée obtenue par euro dépensé en facteurs de production augmente et cet accroissement de productivité apporte à l’entreprise une marge de liberté.

Qu’apporte  l’augmentation de la productivité ?

  • Elle permet d’abord à l’entreprise d’améliorer sa compétitivité :
  • La compétitivité-prix peut en effet être améliorée par une réduction du coût supporté (en approvisionnement, fabrication, commercialisation ou financement par exemple) pour chaque euro de valeur ajoutée produite par l’entreprise.
  • La compétitivité hors-prix s’améliore lorsque l’amélioration de productivité se traduit par une amélioration de la qualité des produits ou des délais de livraison ou encore lorsque l’entreprise investit le supplément de valeur créé dans l’amélioration de son image auprès de la clientèle.
  • Elle permet aussi à l’entreprise de disposer d’un revenu supplémentaire :
  • Pour ses propriétaires sous forme de dividende par exemple ;
  • Pour ses salariés sous forme d’augmentation de salaire ou de prime de participation ou d’intéressement de fin d’année. Mais cela peut aussi se traduire par le maintien dans l’emploi d’un effectif du personnel.
  • Pour l’entreprise elle-même, la valeur ajoutée supplémentaire peut se traduire par un supplément de résultat qui est réinvesti dans l’activité (autofinancement), sous forme d’investissements matériels ou immatériels, parfois financiers.
Affiche du film de Charlie Chaplin, Les temps modernes, 1936

On comprend ainsi que la recherche de gains de productivité puisse devenir une obsession pour les dirigeants puisqu’elle  leur permet d’agir sur un plan tactique ou stratégique au lieu de subir la pression concurrentielle sans pouvoir y répondre et sans espérer satisfaire les attentes des principales parties prenantes (*), lorsque la productivité stagne. Concernant  le calcul de la valeur ajoutée d’une part et la notion de parties prenantes, d’autre part

(*) voir CH1, Aide-mémoire de Management et économie des entreprise, 12ième Ed. SREY, 2018

Libérer l’entreprise ?

Faut-il libérer l’entreprise pour améliorer son efficacité ? C’est au cours des années 2000 que l’expression « entreprise libérée »  est apparue  en  management d’entreprise. 

  • Libérée de quoi ?

Certains pourraient penser qu’il s’agit de libérer les entreprises de la tutelle de l’Etat, ou des contrôles administratifs, ou de la pression fiscale et sociale ?

Pas du tout, il s’agit de libérer l’entreprise de la rigidité hiérarchique qui étouffe les entreprises à partir d’une certaines taille. D’ailleurs, il vient parfois à l’esprit que le fonctionnement de telle ou telle entreprise ressemble à s’y tromper à celui d’une administration comme la  sécurité sociale  ou une préfecture.  Pourtant les entreprises sont en règle générale soumises à la concurrence  dans leur secteur d’activité. Elles doivent donc être réactive ou même proactives et s’appuyer pour cela sur la créativité et la flexibilité de leurs  membres.

Comment le pourraient-elles si ceux-ci n’ont aucune marge de manœuvre ni aucune capacité d’initiative dans la résolution des problèmes et  pour surmonter les contraintes qui pèsent  sur l’exploitation ?

  • Libérée comment ?

Il faut donc   libérer les salariés de la camisole hiérarchique rigide  qui pèse sur les vieilles entreprises pyramidales avant que celles –ci ne périclitent, engluées dans leurs routines de travail devenues obsolètes  et inadaptées. (1)

On va donc développer l’autonomisation  (ou la « capacitation ») du personnel.

Isaac GETZ et Brian M. CARNEY se sont appliqués à illustrer cette libération par plusieurs exemples d’entreprises dynamiques  dans leur ouvrage célèbre « Liberté et Cie » (2) . Les entreprises libérées étant soudées par une vision et des objectifs communs à leurs membres et non plus par un contrôle hiérarchique  paralysant, voire un management toxique !

Certains considèrent que le manque d’audace entrepreneuriale  est une spécialité française. Néanmoins le problème de la sclérose organisationnelle semble tout à fait universel. Une organisation se construit avec succès à un moment donné en fonction des contraintes du secteur et d’une stratégie pertinente. Puis le temps passe et tout change autour de l’entreprise. Mais son organisation est restée la même et devient un frein puis un obstacle. Parfois l’entreprise dans un effort d’adaptation empile de nouvelles procédures de travail sur les anciennes pour compléter ou corriger le processus. Cet empilage  va déboucher au fil du temps sur  une  « usine à gaz »  au fonctionnement aussi coûteux qu’inefficace.

 Libérer les énergies des salariés passe par la confiance qui leur est faite plus que par l’abolition de toute procédure de travail. La magie de la « libération » d’une entreprise c’est la faculté qui est donnée à ses salariés d’améliorer eux-mêmes les procédures de travail. Grâce à cela l’organisation s’engage sur la voie de l’amélioration continue, c’est-à-dire de l’apprentissage organisationnel.

Dans la plupart des entreprises industrielles, les procédures sont inévitables pour parvenir à une régularité et une qualité de production respectant les normes ISO.  L’important est alors que les salariés participent activement à la définition et au perfectionnement de ces procédures.  Il faut également leur donner le pouvoir des décisions opérationnelles.

Dans des entreprises dont la production  se fait à l’unité ou dans des entreprises de services « sur mesure », il est toujours important de se baser sur l’expérience et le savoir-faire des salariés et leur capacité à s’adapter et à trouver des solutions. L’important est alors de fédérer les salariés autour d’une « vision commune ». Mais pour qu’elle soit commune, elle ne doit pas tomber d’en haut !  Elle doit être  débattue par tous et peut évoluer avant d’être finalement acceptée et adoptée par tous.

L’auto-organisation est assez facile tant que le groupe est restreint. Mais dès que l’effectif grandit (dépasse la douzaine), elle devient problématique  et on va  commencer à entendre l’expression « Ils ont décidé que… »  ou bien « Il a décidé que… ». Néanmoins  lorsque l’activité est  porteuse de règles de travail incontestables (comme c’est le cas dans la fabrication industrielle, la recherche et développement ou dans l’expertise comptable, ou dans la création animée assistée par ordinateur, etc..) l’auto-organisation peut être pratiquée avec un effectif plus important  (« en mode start-up »). Dans un tel contexte le patron et les cadres vont jouer un rôle d’animateur et de facilitateur, sans exercer de pression hiérarchique sur le fonctionnement.

La libération d’une entreprise est finalement plus difficile à réaliser qu’il y parait puisqu’il faut en adapter le principe à la nature de l’activité et qu’il s’agit souvent d’un changement complet de la culture de l’entreprise  et des mentalités.  Un nouveau pacte (au sens où les théoriciens définissent une convention d’entreprise-  cf D.K. LEWIS  ou  P.Y. GOMEZ) doit être adopté par tous. (3)

 Les entreprises libérées ne sont  pas si nombreuses, comme  FAVI, Patagonia, Gore,  MAIF,  SOL. Les entreprises  Décathlon. Michelin, Scania et  Toyota sont aussi des exemples   correspondant à des degrés divers à des entreprises libérées.

Dans ces entreprises, un grand nombre des emplois consacrés à la transmission hiérarchique et au contrôle sont redéployés sur des activités directement opérationnelles ou sont supprimés.   C’est le phénomène d’aplatissement de l’organigramme qui accompagne toute forme de décentralisation et de responsabilisation du personnel (« empowerment »). Cela apporte a l’entreprise libérée un résultat d’exploitation (EBE) accru par rapport à une entreprise classique du même secteur.

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(1) Voir « Comment s’exerce le pouvoir dans l’entreprise ? »  in CH 6 Entreprendre et diriger, Aide-mémoire Management et économie des entreprises – SIREY, 2018

(2) I. GETZ et B.  M. CARNEY, Liberté et Cie – Fayard, 2012

 (3) P.Y. GOMEZ, Le gouvernement de l’entreprise : modèles économiques et pratiques de gestion – Interéditions, 1996