Le secteur automobile français à la croisée des chemins

Le secteur automobile français, confronté à une crise structurelle, saura -t-il prendre le virage du véhicule électrique ?

L’effondrement du marché lié à la crise sanitaire mais pas seulement….

> Avec la crise sanitaire on a assisté à un effondrement du marché automobile européen (-55,1% en mars 2020). Notamment en France (-72%) et en Italie, mais également en Espagne et en Allemagne. Cet effondrement est lié au confinement et à la fermeture des points de vente. Même si la plupart des constructeurs ont cherché à développer la vente en ligne.

> Un changement du comportement des consommateurs est apparu avec une forte baisse des achats de véhicules neufs, à l’exception du segment des véhicules électriques et hybrides. Cette baisse s’accompagne d’un accroissement de la pratique de la location de véhicules. Une forte augmentation des achats d’occasion est apparue. Le segment est alimenté par les véhicules déclassés des loueurs de véhicules.

> La fabrication elle-même est freinée par la pénurie de semi-conducteurs fabriqués pour l’essentiel en Asie (Exemple du producteur taïwanais TMSC et de son usine Fab 18)

Les constructeurs français à la peine

Les groupes français Renault Group et Stellantis (PSA) ont subi fortement cette baisse sur la totalité de leurs marques.

En octobre 2021, le marché automobile continue de s’effondrer (-30,7% sur un an), alerte le Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA) dans un rapport publié en  novembre 2021. C’est le résultat du ralentissement des commandes (du fait de l’attentisme des clients) et des retards de livraison liés à la pénurie de semi-conducteurs.

En Janvier 2022, avec 102 901 immatriculations, le marché français des voitures particulières neuves est en baisse de 18,58% en données brutes par rapport à Janvier 2021(1)

Le secteur automobile qui représente 400 000 salariés dans la fabrication et 500 000 dans les services associés, joue sa survie. Il est à la croisée des chemins…

Depuis la fin 2019 de nombreux véhicules ont été immatriculés par les constructeurs comme véhicules de courtoisie ou de démonstration. Cela leur a permis de déstocker des véhicules obsolètes. Ces véhicules sont écoulés en occasion zéro km. Cette pratique montre que le secteur automobile européen est en crise structurelle (surproduction et inadaptation de l’appareil productif).

L’industrie auto française était déjà descendue au 5ième rang en Europe en 2016 (contre le 2ième en 2011) (2) Le déclassement est net depuis la crise de 2008. L’industrie française ne réalise plus que 6,7% de la production européenne (contre 44,5% pour l’Allemagne en 2016). La balance commerciale du secteur est déficitaire (- 9,6 milliards en 2016). Cela s’explique par des importations importantes notamment d’Allemagne mais aussi des importations de produits fabriqués dans des filiales ou des partenaires des groupes français qui ont délocalisé certaines productions.

Le déclassement de l’industrie automobile française

Un secteur industriel en crise
La bienveillante d’Amédée Bollée 1899

Le secteur automobile français existe surtout à travers 418 groupes industriels qui réalisent 92% de la production nationale et emploient 218 000 personnes (en ETP). Parmi ceux-ci les constructeurs (Renault, PSA, Volvo et Toyota) réalisent 80% du chiffre d’affaires du secteur. La production de ces groupes est très peu sous-traitée (l’équipementier Faurecia devenu Forvia est intégré au groupe PSA).

La sous-traitance concerne principalement les équipements électriques et les ceintures et airbags. Parmi les groupes industriels français (dont le centre de décision est situé en France) de l’automobile, 56 ont un caractère multinational. On compte plus de 800 filiales qui réalisaient un chiffre d’affaires de 135 Mrds€ en 2016 plus important que celui réalisé en France par ces groupes (107 Mrds €).

Dans l’ensemble, les équipementiers français sont fragilisés par l’évolution du marché et se tournent vers la diversification de leurs activités.

La relance de la demande française soutenue par les pouvoirs publics pourrait profiter autant ou davantage à l’activité économique des pays dans lesquels les constructeurs et sous traitants français ont installé leurs usines. En effet, seulement un véhicule sur deux des 2 grands constructeurs français est assemblé en France.

Le virage du véhicule électrique

Seul élément positif dans le marché automobile, le segment des véhicules électriques et hybrides essence connaît un regain sensible. Cela est facilité par la politique incitative de l’Etat. Ainsi, les véhicules électriques représentaient en 2020 6,7% des immatriculations, contre 1,9% en 2019. Les véhicules hybrides ont de leur coté représentés en 2020 près de 15% de parts de marché, contre moins de 6% en 2019.

Renault Group produit ses véhicules électriques en France tandis que Stellantis (PSA) produit dans d’autres pays européens puis importe en France. Certains préconisent de conditionner les aides publiques à des engagements de maintenir l’emploi et l’investissement en France. En effet les crises de surproduction se traduisent généralement par des fermetures d’usines françaises et des plans sociaux (plans de « sauvegarde de l’emploi »). (3)

Les normes d’émission des voitures neuves en Europe ont été durcies à partir de 2020 (seuil de 95g de CO2 par km) et devraient se durcir chaque année encore jusqu’en 2030. De plus, la fin des véhicules thermiques est programmée. En France en 2040.

>Les prévisions de croissance du segment

Selon les prévisions actuelles pour la période 2017-2025, le marché mondial des véhicules électrifiés (100% électrique ou hybride essence rechargeable) serait multiplié par 10 en moins de 10 ans. Cela représenterait 1,2 millions de véhicules en 2025 en Amérique du nord,  3,5 millions en Europe et 4,7 millions en Chine. Ce basculement est un point d’inflexion stratégique(4) qui amène les constructeurs à développer des unités de production flexibles et des partenariats industriels.(4)

>Chez Stellantis (PSA)

Chez Stellantis (PSA)   le développement des différents modèles se fait sur  des plateformes adaptées à l’ensemble des motorisations thermiques, électriques ou hybrides. Il s’agit donc de plateformes modulaires, multi-énergies  qui assurent une flexibilité de la fabrication permettant de répondre  à la demande de la clientèle. Une coopération industrielle avec Nidec Leroy-Somer a permis de développer une co-entreprise qui a pour objectif de produire de nouveaux moteurs électriques en grande série.  Une autre co-entreprise avec Punch Powertrain doit déboucher également en 2022 sur  la production en série de nouvelles transmissions électrifiées.

>Chez Renault group

Chez Renault group (Renault, Dacia, Renault Samsung Motors, Alpine et LADA) un plan de restructuration et de relance est prévu avec des fermetures d’usines en Europe et en Chine. Il vise le développement de la mise en commun des pièces entre les différentes marques du groupe et de l’alliance. Il s’agit notamment de redresser Nissan qui est en grande difficulté au sein de l’alliance Renault Nissan Mitsubishi. Un « partenariat stratégique » est développé avec Valéo pour concevoir et produire un moteur de nouvelle génération et sans terres rares. Chez Renault la production doit démarrer en 2027 à Cléon.

Le marché chinois qui est le plus grand du monde, reste prioritaire pour Renault. Afin de développer le véhicule électrique l’entreprise qui avait mis fin en 2020 à sa coentreprise avec Dongfeng, cherche désormais à conquérir le marché des hybrides. Elle le fait en coopération avec le numéro un chinois Geely.

En Europe, Renault Group commercialise la  « Dacia Spring » dans la logique du low cost de la marque Dacia en s’appuyant sur le modèle électrique City K-ZE . Celui-ci a été mis au point par une coentreprise réussie en Chine avec JMCG dans la filiale commune JMEV.

Auteur : GB

Voir aussi l'Aide-mémoire "Management et économie des entreprises" 12ième édition 2018 SIREY (Groupe DALLOZ)