Externaliser, jusqu’où ?

Externaliser peut paraître tentant pour réduire ses coûts. En effet, externaliser certaines fonctions peut être judicieux, à certaines conditions, pour se focaliser sur son cœur de métier. Au contraire externaliser pour et seulement pour réduire ses charges s’avère risqué.

Un directeur d’un organisme de formation se ventait récemment d’avoir préservé sa rentabilité en externalisant la plupart des prestations de formateurs. Un grand bof !

Externaliser jusqu’où ?

Externaliser, un choix difficile ….

L’externalisation, une solution ? (1)

Externaliser consiste à confier tout ou partie de ses activités à un partenaire extérieur qui va facturer ce service.

L’externalisation donne de la flexibilité

En effet, produire soi même (internaliser une production) peut être risqué lorsque la conjoncture est incertaine et que l’on ne sait pas sur quels débouchés on peut compter pour couvrir ses charges fixes.

Produire soi même n’est rentable que si le volume d’activité est suffisant pour couvrir les charges fixes. Celles-ci peuvent consister en des équipements productifs (notamment dans l’industrie) ou une masse salariale (salaires chargés) de personnel permanent de l’entreprise (notamment dans les services).

Or l’externalisation permet de substituer des charges variables à ces charges fixes.

On ne passe commande au prestataire (ou sous traitant) que lorsqu’on en a besoin pour satisfaire la demande de notre clientèle. C’est la flexibilité quantitative. Et on ne supporte donc que les coûts de ces prestations sur commande en réglant la facture correspondante du sous-traitant.

Grâce à cette solution on peut donc adapter exactement notre production vendue à la demande reçue de notre clientèle. L’idéal pour ne pas perdre d’argent !

L’externalisation suppose que certaines conditions soient réunies

Il faut être sûr que le sous-traitant ne peut pas se substituer à nous sur le marché. Pour cela il faut disposer d’un label, ou d’une marque qui convainc et fidélise la clientèle. On peut aussi compter sur le monopole d’exploitation d’un brevet, à condition de pouvoir défendre ce droit sur la zone géographique de notre clientèle.

Ainsi, on a pu voir par le passé des sous-traitants chinois de Nike subir un échec cuisant en voulant lancer leur propre marque, forts de leur apprentissage en tant que sous-traitants de la célèbre marque de chaussures de sport. La qualité était là, similaire, mais les consommateurs ont boudé les marques nouvelles qui ne leur inspiraient pas confiance.

Certaines fonctions peuvent être facilement externalisées (2)

Ce sont celles qui sont en dehors du cœur de métier. On pense à des fonctions comptables ou de paie, ou de travail de secrétariat ou encore d’entretien et nettoyage, de services informationnels.

Pourtant certaines entreprise vont jusqu’à sous-traiter des activités plus centrales qui constituent parfois leur activité principale. Il peut s’agir d’une partie de leur fabrication (Ex : les équipementiers dans le secteur automobile) . Ou parfois de la fabrication toute entière (Ex : les marques de l’habillement). Comment le comprendre ?

L’externalisation peut aussi se traduire par une délocalisation

Lorsque l’activité est externalisée en dehors du territoire national de l’entreprise, on parle de délocalisation. On va alors chercher dans cette délocalisation de nouveaux marchés ou de nouveaux avantages productifs.

La délocalisation des activités de production a été largement facilitée par le développement du libéralisme économique dans le cadre des accords du GATT puis de l’OMC. Ce développement s’est lui-même appuyé sur des théories assez simplistes du commerce international (de Adam Smith et David Ricardo notamment). On aboutit rapidement à une fragmentation internationale de la production des entreprises qui deviennent transnationales. Tout cela comme si les flux de marchandises et d’information n’avaient pas un coût économique et un coût environnemental. Sans évoquer la très pertinente question de la dépendance des économies vis à vis des flux de produits finis ou semi-finis en provenance d’autres continents. Ce qui peut devenir dramatique en cas de crise, pandémie ou conflit.

Externaliser jusqu’où ? (3)

Dans certains cas, l’entreprise fait évoluer son cœur de métier vers des fonctions de recherche ou de commercialisation en externalisant la fabrication qui n’entre donc plus dans son métier. Celui-ci s’enrichit alors d’un nouveau savoir-faire en pilotage d’un réseau de fabrication ou d’une chaîne logistique. On va jusqu’à parler d’entreprise-réseau (3) (4) pour désigner cette forme d’organisation.

Dans certains cas néanmoins la sous-traitance ne s’explique que par le souci de réduire les charges et l’entreprise ne dispose plus en interne de la capacité de produire les services de qualité qu’elle prétend pourtant offrir à sa clientèle.

Elle se fragilise alors puisqu’elle ne réalise plus son chiffre d’affaires que grâce à la confiance supposée des clients dans sa marque.

Fragilités liées à la sous-traitance de l’activité principale

Cette externalisation de l’activité de production principale n’est possible que par un contrôle étroit de la qualité des prestations des sous-traitants. Encore faut-il pouvoir disposer abondamment de ces sous-traitants à un tarif modéré tandis qu’ils offrent une qualité de fabrication ou de service suffisante. Divers cas de figure sont possibles.

Le recours à des autoentrepreneurs (ou microentrepreneurs)

Il peut s’agir d’auto-entrepreneurs qui ont une autre activité principale (souvent salariée) et qui arrondissent leur revenu en produisant des prestations en dehors de leur temps de travail habituel. L’important est alors d’entretenir avec eux une relation de confiance afin de les fidéliser malgré tout.

Néanmoins, on voit bien la fragilité d’un tel système basé finalement sur le bon vouloir de ces prestataires. C’est notamment le cas lorsque le marché du travail s’oriente vers le plein emploi et que les salaires sont à la hausse, réduisant d’autant le besoin de revenus complémentaires.

Il peut s’agir d’auto-entrepreneurs qui trouvent dans cette prestation l’essentiel de leur revenu, leur activité principale indépendante étant encore aléatoire (professions libérales en cours d’installation par exemple). La fragilité tient alors au contrat de travail dissimulé derrière la sous-traitance. Les prestataires pourront aisément se retourner contre leur donneur d’ordres dès que la relation contractuelle tournera à l’orage. Les conseils de prud’hommes savent très bien requalifier les relations contractuelles en contrat de travail en CDI à temps plein. Gare au coût d’une telle requalification.

Le recours à d’autres entreprises « sous-traitantes »

Certaines PME, sociétés ou entreprises individuelles, se développent dans la sous-traitance de produits de grandes marques ou dans la production de pièces et de produits semi-finis nécessaires à d’autres entreprises (donneurs d’ordres). Elles dépendent alors de la prospérité de leurs donneurs d’ordres et subissent les fluctuations de chiffre d’affaires de ceux-ci.

Une dépendance réciproque s’installe car le donneur d’ordre dépend quant à lui de la capacité de production et de la qualité de ses sous-traitants.

Les entreprises sous-traitantes sont, elles, déchargées de certaines fonctions, comme la recherche et le développement ou le marketing de la clientèle finale des produits.

Les inconvénients et les risques

Dans tous ces cas, l’entreprise qui sous traite son activité se prive d’une base de personnel qualifié suffisante pour constituer une communauté de travail motivée et prête à se former et à s’adapter pour faire évoluer l’offre de l’entreprise en fonction des besoins de la clientèle actuelle ou de nouveaux marchés. L’entreprise a perdu sa substance et n’est plus que centrée sur la gestion et l’administration de savoir-faire qui lui sont extérieurs.

A trop vouloir externaliser l’entreprise peut donc s’affaiblir progressivement. Elle peut perdre ses atouts productifs en cherchant à outrance la flexibilité. On peut évoquer ici l’exemple des industriels européens qui se sont retrouvés bientôt en concurrence avec d’anciens sous-traitants asiatiques.

L’entreprise « donneuse d’ordre » (qui pilote son réseau) doit par ailleurs organiser et coordonner son réseau de partenaires industriels et de prestataires de services. Cela suppose un ensemble de contrats et de cahiers des charges qui encadrent les activités. Cela suppose un réseau efficace d’information et de contrôle de gestion, de délais et de qualité. On parle de chaine logistique intégrée (supply chain).(3)

(1) Voir aussi Management et économie des entreprises G. Bressy & C. Konkuyt Aide mémoire Sirey 12ième édition, 2018 / Chapitre 16 La production de biens

(2) Voir aussi l’article de ce blog « Comment manager l’entreprise en archipel et/ou en réseau ?

(3) Voir aussi Management et économie des entreprises G. Bressy & C. Konkuyt Aide mémoire Sirey 12ième édition, 2018 /CH 10 : Diagnostic et choix stratégique au niveau global

(4) Voir aussi à ce sujet la thèse en ligne de Kais MTAR L’entreprise réseau comme un nouveau mode organisationnel > https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01127377/document

Auteur : GB

Voir aussi l'Aide-mémoire "Management et économie des entreprises" 12ième édition 2018 SIREY (Groupe DALLOZ)

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