Un tiers des citoyens de l’Union européenne considèrent que l’Union a un impact positif (et à peu près autant qu’elle a un impact négatif). C’est ce que montre un récent sondage réalisé en Europe sur un échantillon représentatif de la population de l’Union, selon la méthode des quotas, pour la Chaîne télévisée ARTE et plusieurs journaux d’Europe afin d’éclairer le contexte de la prochaine élection du parlement européen(1).
Le Brexit anglais a pourtant démontré que dans le monde actuel un vieux pays européen, aussi grande soit sa puissance passée, ne pèse plus grand chose à lui seul sur la scène internationale. Cela est vrai tant sur le plan économique que sur les plans militaire ou diplomatique.
Les pays de la vieille Europe ne peuvent que s’unir pour peser sur l’évolution de notre monde et tenter d’y défendre nos valeurs démocratiques. Le besoin de coopération est principalement ressenti en matière de défense commune et d’immigration mais aussi en matière environnementale, sociale et même fiscale.
Mais la sournoise campagne permanente de désinformation engagée par les fermes de trolls pro-russes cherche à discréditer toujours plus notre Union.
La tour de Babel européenne
Les difficultés rencontrées, qui donnent parfois l’impression que notre Europe est une tour de Babel résultent des institutions de l’Union. Celles ci ont été définies pour rassurer les pays membres lors de la constitution de l’Union et relativement adaptées à une union à 6 pays fondateurs: les trois pays du Benelux, l’Italie, la France et l’Allemagne.
Mais aujourd’hui, la règle de l’unanimité s’applique en matière fiscale, de défense et politique étrangère, de justice, de politique sociale, de citoyenneté, de modification des traités et de nouvelle adhésion.
Cela permet à un seul pays (la Hongrie de Monsieur Orban par exemple) de bloquer certaines décisions.
Comment sortir de cette impasse qui conduit immanquablement au découragement et au désintérêt des jeunes pour ce bidule européen ? Celui-ci est en effet si complexe et si lourdingue qu’il met un temps infini à décider puis à agir souvent avec un temps de retard dommageable pour tous les pays membres (Comme c’est le cas en matière de politique industrielle ou de finances européennes).
La superposition des traités permet d’envisager la création d’une nouvelle structure de coopération entre pays volontaires
La coopération européenne ne se limite pas à l’UE, il existe en effet l’OSCE à laquelle adhèrent de nombreux pays européens et extra européens en matière de sécurité, l’OTAN en matière militaire, le Conseil de l’Europe, le Norden qui regroupe les pays d’Europe du nord, l’AELE et l’Espace Economique Européen.
> Il est donc possible pour les pays européens qui le souhaiteraient de définir une nouvelle organisation (une sorte d’ « Eurocoop »)
. Cette structure pourrait instituer une coopération renforcée, que certains hommes politiques (Angela Merkel, JC. Juncker) et certains économistes (comme T. Piketty) appellent de leurs vœux depuis déjà longtemps (2). Cette organisation pourrait fonctionner sur la base d’une règle de décision à la majorité. qualifiée telle qu’elle est définie par l’Union Européenne aujourd’hui.
Les pays européens volontaires pourraient mettre en œuvre dans cet espace une harmonisation fiscale et sociale. Mais il pourrait s’agir également d’une réelle coopération militaire, d’une politique industrielle commune ambitieuse. Celle-ci permettrait la mise en place d’une industrie respectueuse de l’environnement tournée vers la production de biens s’inscrivant dans la transition écologique par leur conception, leur usage et le mode de consommation qu’ils induisent. La réindustrialisation de l’Europe deviendrait progressivement une réalité pour peu que les droits de douane rééquilibrent le jeu concurrentiel.
Une dynamique serait ainsi créée au sein de l’Union Européenne dont le fonctionnement institutionnel ne se trouverait affecté que positivement.
> L’Europe se crée aussi dans la vie des citoyens des différents états membres
L’Union Européenne doit faciliter l’émergence de projets internationaux en son sein, entre entreprises sur le plan économique et financier comme entre associations sur le plan économico-culturel. Pour faciliter de tels projets, un budget de soutien est nécessaire qui doit être simple et rapide à mobiliser sur la base d’un projet (constitué de la même façon que l’on construit un business plan ou une demande de prêt bancaire aujourd’hui). Ce soutien financier aux micro projets internationaux intra-européens deviendrait un droit accordé par un organisme d’agrément vérifiant leur cohérence.
Ces projets internationaux soutenus par l’UE constitueraient progressivement un véritable maillage européen basé sur des projets de taille variable comme autant de ruisseaux concrétisant l’Europe dans la vie de tous les jours.
> L’Union européenne doit également fournir un effort permanent d’explication.
Explication des enjeux, des contraintes et des choix qui sont faits par la commission, le Conseil et le Parlement européen. Non seulement sur le site de l’Union européenne mais aussi sur les chaînes de radios et TV et les réseaux sociaux.
Cet effort d’information permanent doit s’adapter aux différents médias et aux différents publics visés. C’est la seule façon de contrer l’action de désinformation de la Russie évoquée plus haut.
Le choix du prix est essentiel pour l’entrepreneur. C’est le prix qui rapporte des revenus et, on peut l’espérer, de la rentabilité alors que les autres outils commerciaux (pub, réseaux, distribution, site, boutique) ont un coût et représentent donc des charges. Mais comment fixer son prix et comment faire du prix un atout commercial ? (1)
Il faut d’abord prendre en compte certaines contraintes :
a)-La première des contraintes est le coût de revient unitaire du produit qu’il faut compenser.
Et attention, le coût unitaire d’un produit varie en fonction des quantités produites puisque toutes les charges fixes (comme le loyer et le contrat d’assurance) sont divisées par le nombre de produits ou de services réalisés. Le coût fixe unitaire diminue donc quand la quantité produite augmente (Ce que les économistes appellent les économies d’échelle).
Il diminue aussi du fait de l’effet d’apprentissage de l’entreprise qui maîtrise de mieux en mieux sa fabrication quand la production se développe.
Le prix dépend aussi des prévisions de vente de l’entrepreneur car c’est en fonction d’elles qu’il va choisir son système productif (et le coût fixe qui va avec) et l’effectif employé qui détermine la masse salariale (le montant des salaires bruts) qui est à court terme également une charge fixe.
b)- La deuxième contrainte est la concurrence
Car on ne peut pas fixer son prix sans en tenir compte !
La concurrence peut jouer un grand rôle par le niveau de prix des concurrents et la qualité de leurs produits. D’autant plus que ces concurrents sont connus et que les consommateurs ont accès à l’information, comme c’est aujourd’hui souvent le cas par internet et par les sites comparateurs de prix et plateformes de vente en ligne.
c)- Il faut aussi tenir compte de la demande de la clientèle
L’attitude de la clientèle se traduit par une fonction de demande qui correspond à la quantité vendue pour chaque niveau de prix proposé.
Elle peut également être mesurée dans sa réponse à une variation de prix. On calcule ainsi le pourcentage de variation de la quantité vendue en réaction à une variation de 1% du prix (C’est l’élasticité de la demande par rapport au prix)
La réponse de la clientèle au niveau de prix se mesure aussi par le prix psychologique (voir plus bas)
Quelles sont les différentes façons de fixer son prix ?
a)- En partant du coût de revient unitaire :
Le prix de vente correspond à l’addition du coût de revient et de la marge. La rentabilité est alors recherchée par une maîtrise ou une réduction de ce coût unitaire. Cela suppose une bonne connaissance des coûts, et donc de tous les éléments qui le composent. Cela conduit à une recherche permanente de gains de productivité (qui peut devenir un biais et finir par fausser le modèle économique mis en place) (2)
b)- En s’alignant sur le prix des concurrents de référence.
Cela suppose d’étudier les prix de la concurrence et en particulier ceux du concurrent« leader » du marché, puis à s’aligner sur ceux-ci. Une stratégie d’écrémage (marges élevées sur de petites quantités) aboutit à un prix supérieur au prix du marché (= la moyenne des prix des concurrents) et une stratégie de conquête (faibles marges sur des quantités importantes), conduit à un prix inférieur.
c)- En se basant sur le prix psychologique
C’est celui que les consommateurs sont prêts à payer pour le produit offert. Ce prix psychologique peut être influencé par le degré d’innovation ou de différenciation du produit ou du service ou encore par le niveau technologique supposé du produit dans l’esprit du client.
Quelle que soit la méthode retenue, il faut s’assurer que pour la quantité produite et vendue, le prix unitaire est supérieur au coût unitaire afin de dégager une certaine marge bénéficiaire, sans laquelle l’activité ne sera pas rentable.
Le seuil de rentabilité d’une production
Finalement, comment fixer son prix ?
Deux démarches peuvent être suivies pour fixer son prix
1) La démarche classique de fixation du prix:
a)- On doit couvrir le coût unitaire du bien vendu
1- On évalue le marché potentiel de l’entreprise avec prudence en se basant sur une analyse du marché du produit ou du service.
2- On détermine le montant total des charges fixes prévisibles
3- On détermine le coût variable unitaire prévisible
4- On calcule le total des charges pour le volume des ventes « n » que l’on estime comme étant minimum sur le semestre à venir.
5- On fixe alors le seuil de rentabilité pour ce volume de ventes ce qui permet de calculer le prix unitaire de vente du produit pour le prochain semestre.
p= v + F/n (où tout dépend de la justesse de la prévision de n)
6- En fonction des chiffres réels constatés on peut réajuster le prix de vente
SCHÉMA DE LA DÉTERMINATION DU PRIX
b)-On doit vérifier la pertinence concurrentielle de ce prix
Le prix ainsi obtenu n’est pas forcément adapté au marché. (1)
> Il doit en effet être compétitif au regard des concurrents. S’il est supérieur à la moyenne des prix du marché cela doit être justifié par une incontestable qualité supérieure et une action publicitaire de différenciation du produit de la marque.
> Il doit également correspondre au prix attendu par la clientèle. Si on en a les moyens et le temps, on peut étudier l’attitude de la clientèle par rapport à différents niveaux de prix et déterminer celui qui est le mieux accepté (le prix psychologique) (1). On vérifie alors que l’on est pas trop loin de celui-ci. En règle générale, ce prix psychologique varie au cours du temps avec le cycle de vie du produit.
2) Une démarche marketing de fixation du prix: (méthode dite « des coûts cibles »)
> On part d’une évaluation du prix psychologique puisque c’est celui pour lequel on a le maximum de clients prêts à acheter le produit.
> On vérifie que pour ce niveau de prix on est rentable, c’est à dire que l’on réalise un bénéfice suffisant.
Pour cela il faut que l’on soit capable de produire et vendre à un coût unitaire (coût cible) tel qu’il permette de gagner de l’argent (marge unitaire)
On multiplie la marge unitaire par la quantité de ventes prévue pour obtenir le bénéfice attendu. Ce bénéfice doit apporter un revenu à l’entrepreneur. Il doit aussi lui donner une capacité d’autofinancement pour couvrir au moins partiellement les investissements à venir.
> Si ces conditions sont remplies, on décide de produire et vendre la marchandise. Sinon on renonce en attendant que les conditions du marché (coté prix psychologique) et/ou de de production (coté méthodes de fabrication et de commercialisation) aient évolué favorablement.
1) La conception théorique de l’exercice de l’autorité (1)
C’est Max Weber(1) (1869-1924) qui a le premier traité la question dans son ouvrage Économie et société. Il la désigne comme la « domination légitime » exercée par une personne sur d’autres personnes.
Il distingue trois types de cette domination légitime, la réalité pouvant les combiner.
Le charisme : L’autorité est alors dépendante de l’attachement à la personnalité du chef et à la croyance dans les qualités exceptionnelles du dirigeant. Cette forme exclut presque entièrement les normes rationnelles qui pourraient l’encadrer ou la limiter. Si celles-ci existent dans l’organisation elles restent secondaires ou supplétives par rapport aux décisions du dirigeant (entreprise personnelle ou personnalisée).
La tradition est une source de pouvoir légitime dans la mesure où la coutume et la culture de l’organisation sont fortes dans l’esprit des exécutants qui s’y plient avant toute chose (organisations religieuses ou culturelles, compagnonnage).
La rationalité légale repose sur la confiance dans la rationalité des règles qui sont posées et partagées. L’organisation suit un fonctionnement impersonnel et les différents détenteurs du pouvoir s’appuient sur ces règles et procédures pour décider et organiser l’activité. On parle alors de bureaucratie du fait du caractère impersonnel et inflexible des règles et des procédures de travail . Ce terme a pris aujourd’hui une connotation péjorative en raison des biais qui sont apparus lors de la mise en œuvre de cette « rationalité légale ».
2) Les piliers de l’autorité dans l’entreprise
Ils correspondent peu ou prou aux cinq pouvoirs de base définis par deux auteurs, FRENCH et RAVEN dès 1959.
Dans l’entreprise l’autorité s’appuie concrètement sur une combinaison d’éléments. Ceux-ci permettent l’exercice d’un pouvoir plus ou moins légitime, selon la façon dont il est accepté par ceux qui y sont soumis.
Notre droit reconnaît un pouvoir au propriétaire de l’entreprise, c’est à dire au propriétaire du fonds de commerce ou du patrimoine industriel sur lesquels repose une entreprise donnée. Ou encore à celui qui a été désigné par les associés pour diriger en leur nom ou celui de leur société (Gérant, PDG)
Notre droit reconnaît également un pouvoir de direction à l’employeur sur son personnel puisque le contrat de travail établit un lien de subordination juridique du salarié vis à vis de l’employeur.
– un pouvoir de direction
Ces sources juridiques du pouvoir permettent à leur détenteur de l’exercer directement sur les collaborateurs à travers des directives, consignes et règlements. Les dirigeants peuvent aussi nommer des cadres de différents niveaux pour exercer le pouvoir dans des domaines spécialisés. Il s’agit de délégation de pouvoir.
Ce pouvoir se concrétise aussi à travers deux facultés complémentaires qui lui donnent une assise importante : la capacité de coercition et le pouvoir de récompenser.
– un pouvoir coercitif
Ce pouvoir de punir, contraindre, sanctionner résulte en fait du précédent. Il permet au dirigeant d’imposer des tâches, des objectifs, un rythme de travail qui ne correspond pas à ce qu’aurait choisi spontanément le subordonné.
Il peut s’appuyer sur l’entretien annuel d’évaluation du salarié, aboutissant le cas échéant sur une absence d’augmentation de la rémunération, ou bien sur des sanctions disciplinaires (mutation, mise à pied, rétrogradation, licenciement)
– un pouvoir de récompenser
La possibilité de récompenser joue un rôle important pour motiver le personnel. Il peut s’agir de récompenses pécuniaires (augmentation de salaire, primes, mise à l’honneur, promotion, ..)
Pour être bien compris et accepté le pouvoir de sanctionner comme de récompenser doit s’appuyer sur des indicateurs objectifs du travail accompli par les salariés. Il deviendrait contreproductif s’il s’exerçait de façon arbitraire ou discriminatoire, aboutissant alors à une démotivation du personnel. Celui-ci considérerait que le management se fait « à la tête du client ». On frôle dans ce cas un management toxique. (2)
> Le pouvoir tenant à la personne qui l’exerce :
– L’expertise repose sur des qualités professionnelles reconnues de tous et basées sur des compétences (qui combinent des connaissances et des savoir-faire) et sur l’expérience professionnelle. Cette expertise force le respect et donne à son détenteur un ascendant sur ses collègues.
– Le charisme (ou pouvoir de référent) permet à celui qui le détient de s’imposer aux autres. Il s’appuie sur leur affection et leur considération obtenues grâce à sa personnalité. Ce charisme repose donc sur des qualités personnelles : capacité à convaincre, à motiver, à guider et parfois accompagner les collaborateurs.
> Le pouvoir lié au contrôle de l’information et de réseaux informationnels
– Le fait d’avoir accès à l’information (technique, commerciale, sociale, financière ,..) et de pouvoir ou non la partager, la déformer ou la cacher donne un réel pouvoir. Le détenteur de ce pouvoir lié au contrôle des informations peut l’utiliser dans l’intérêt de l’entreprise. Il peut également le faire dans son intérêt propre et l’utiliser comme un élément de négociation.
– Le fait de maîtriser des réseaux d’information au sein de l’entreprise permet de développer des analyses indépendantes de la vision développée par la direction. Il peut s’agir de réseaux liés à la vie syndicale ou à l’amicale sportive ou encore au comité social et économique.
3) Des paramètres peuvent faciliter ou au contraire venir altérer l’exercice du pouvoir au sein d’une entreprise
> Des conditions organisationnelles préalables :
Fixer des objectifs clairs qui s’inscrivent dans le projet de l’organisation. Ces objectifs peuvent être collectifs et assignés à une équipe ou bien individuels.
Ces objectifs doivent être réalistes c’est à dire être atteignables en considérant les compétences maîtrisées et les moyens utilisables.
Chacun peut ainsi ressentir un sentiment de compétence dans son activité ainsi que celui d’être à sa place dans l’organisation.
Les règles de fonctionnement et les procédures doivent être définies avec précision et clarté. Ces règles doivent être appliquées de manière équitable dans tous les domaines (dotation budgétaire, discipline, rémunération, formation, etc..). Chacun peut ainsi ressentir un sentiment d’équité qui donne confiance.
> Les difficultés que peut, rencontrer l’exercice de l’autorité
> La première difficulté peut être liée au fait que les conditions précédentes ne sont pas réunies. L’autorité s’en trouve affaiblie. Cela peut être du à un défaut de recrutement, à une évolution technologique qui rend obsolète l’expertise du responsable, à un défaut de charisme liè parfois à l’évolution des personnalités. Cela peut résulter d’un défaut de reconnaissance de l’organisation elle-même envers le responsable qu’elle prétend mettre en place (alors que son n+1 ne lui délègue aucun pouvoir réel par exemple ou que son niveau de rémunération reste inchangé).
> Une autre difficulté tient parfois à l‘installation au sein de l’organisation de pouvoirs informels, parfois occultes, qui sont exercés sans que cela soit prévu par le mode d’organisation mis en place.Ces pouvoirs informels peuvent tenir à l’exercice d’un prestige de certains membres de l’entreprise (champion sportif, exercice d’une activité extraprofessionnelle reconnue) ou à l’exercice d’une fonction critique au sein de l’organisation (Ex : maintenance et réparation de la machine principale, relation privilégiée avec l’un des principaux clients) ou encore à la maitrise d’une « zone d’incertitude » (au sens de l’analyse de M. Crozier (3)) qui est liée le plus souvent à une faille dans le mode de fonctionnement mis en place au sein de l’entreprise.
> L’exercice vicié du pouvoir, désigné sous le terme de management toxique (2)nous rappelle que les relations au sein de l’entreprise reposent sur les qualités et les défauts des humains qui la composent. Dans certains cas les responsables investis d’un pouvoir hiérarchique peuvent l’exercer au détriment de leurs subordonné(e)s. Ce pouvoir hiérarchique devient alors arbitraire et écrasant suivant la déviance psychologique de son détenteur. Au delà de la démotivation, les dommages psychologiques peuvent être importants pour les victimes. On évoque alors un harcèlement moral ou un harcèlement sexuel selon les cas définis par le droit du travail et le droit pénal.
Notes:
(1) Max Weber, La domination, Ed La Découverte, 2015
Fausse question car bien sûr ce phénomène de démissions imprévues(1) de personnel pose de gros problèmes d’organisation et de fonctionnement. Il s’agit de salariés qui sans qu’on s’y attende, décident soudain de démissionner pour aller voir ailleurs. Parfois pour le salaire, parfois pour changer d’air. Quelquefois parce qu’il existe un désaccord avec la stratégie qui est suivie par l’entreprise. Dans certains cas, seulement parce qu’on n’a tout simplement pas envie de passer toute sa vie professionnelle à tenir le même poste dans la même entreprise. Les générations Y et Z ont appris à zapper depuis longtemps et la digitalisation de l’environnement (et la virtualisation qui l’accompagne) peut conduire à des prises de risque inconsidérées.
Comment faire face au risque de démission(s) soudaine(s) ?
Le phénomène des démissions existe mais il est à relativiser au niveau global
Les confinements et le travail à distance liés à la pandémie ont généré une remise en cause profonde de l’engagement professionnel et de la vie personnelle de chacun.
Comme le marché du travail s’est inversé en faveur des salariés qualifiés, ceux ci ont pu traduire leurs aspirations en réorganisant leur vie professionnelle. Cela donne un sentiment de liberté, de rajeunissement, de découverte…
Selon les études de la DARES (2) concernant ce sujet le taux de démission a augmenté de 20% entre juillet 2019 et juillet 2021. Les motivations sont principalement la volonté de s’épanouir dans sa famille et des activités extra-professionnelles plutôt que de tout donner à son entreprise. Mais il peut s’agir aussi de se consacrer à un travail qui a du sens et qui correspond à ses propres valeurs.
Néanmoins le phénomène est à relativiser :
Si on rapporte le nombre de démissions à celui de l’ensemble des salariés, le taux obtenu n’avait pas atteint un si haut niveau (2,7%) depuis la crise financière de 2008, mais il reste en dessous du niveau du début 2008 (2,9 %). Sur la catégorie des entreprises de 50 salariés ou plus, le taux de démission est important (2,1%) mais reste inférieur à celui observé au début de 2001 (2,3 %).
Ces démissions, souvent soudaines, posent un sérieux problème de management
Un sérieux problème pour l’entreprise qui perd soudain un salarié qualifié. Parfois très bien rémunéré, parfois avec des responsabilités importantes, parfois sur lequel on misait pour succéder à un ancien, parfois occupant un poste clé alors que personne ne peut le remplacer au pied levé…
On sait que les TPE et à l’occasion certaines PME sont organisées aussi en fonction des compétences de chacun(e) de leurs membres. Un départ soudain est donc un problème pour le fonctionnement, mais aussi pour la dynamique de l’équipe des collaborateurs. C’est aussi une difficulté pour l’organisation qui est souvent à reconstruire, au-delà du recrutement d’un(e) remplaçant(e) qu’il faudra former. Sans parler des contacts externes dont le(a) partant(e) avait la responsabilité.
Comment faire face à ce problème ?
> En prévenant ces départs
Les conditions de rémunération et les conditions de travail du personnel, doivent être enviables.
Cela suppose parfois la mise en place d’un intéressement et/ou d’une participation au-delà de la simple augmentation indiciaire déclenchée par la convention collective.
Un aménagement matériel de postes de travailconfortables (bruit, température, ergonomie, propreté) est souhaitable.
La pratique d’un télétravail peut être appréciable pour une partie de l’horaire lorsque la nature du travail le permet, pour les salariés qui le souhaitent.
La politique de formation doit permettre à chacun de progresser en acquérant de nouvelles compétences qui conduiront à une meilleure rémunération ou/et de nouvelles attributions ou qui ouvriront cette perspective. Une clause de dédit-formation peut sécuriser l’investissement formation ainsi accompli par l’entreprise.
La stratégie de l’entreprise doit correspondre autant que possible à une mission qui donne du sens au travail de chacun, en mettant en œuvre des valeurs éthiques à travers le travail.
> En réduisant les conséquences négatives de ces départs
Il est souhaitable de doubler les compétences clés au sein des équipes afin que le départ soudain de l’un(e) ne bloque pas le fonctionnement jusqu’à dégrader l’image de l’entreprise et gêner l’accomplissement de ses obligations contractuelles.
Cela passe par un repérage de ces compétences et ensuite par des actions de formation dans le cadre du plan de formation annuel (dit « de développement des compétences »)
Le repérage des compétences peut aussi déboucher sur une formalisation des connaissances sous-jacentes afin de les stocker et de les mettre à disposition des collaborateurs. Une gestion des connaissances utiles peut ainsi être mise en place.
Un effort de prévision de tels départs peut également s’avérer judicieux. En particulier certaines demandes de formation des salariés doivent être examinées avec attention et après entretien peuvent déboucher sur un diagnostic éventuel de départ probable à venir (Demandes de « pro-A », formation sur CPF (Compte personnel de formation) pendant le temps de travail, notamment CPF de transition (PTP), congés pour examen).
Les entretiens professionnels obligatoires et les entretiens annuels d’évaluation peuvent également aider au diagnostic.
L’anticipation de ces départs est alors possible en facilitant la préparation d’éventuels remplacements.
> En remettant éventuellement à plat l’organisation et jusqu’au modèle économique de l’entreprise
Lorsque ces départs sont assez nombreux et répétitifs pour devenir déstabilisants, il est urgent de s’interroger sur le modèle qui est à la base de l’entreprise. Cela peut être le fait du comité de direction mais il est important que l’ensemble du personnel puisse y participer.
Cette implication du personnel à la remise à plat de l’organisation peut se faire dans des groupes ad hoc sur la base du volontariat. Elle peut s’appuyer sur une enquête anonymisée réalisée auprès du personnel. Elle peut aussi reposer sur la mise en place de groupes permanents de réflexion, sur le modèle des cercles de qualité.
> En développant l’intraprenariat(3) au sein de l’organisation.
Il s’agit de transformer ceux qui le souhaitent au sein de l’entreprise en responsables de projet complètement innovant ou nouveau au sein de l’organisation. Ces chefs de projet doivent ainsi organiser leur équipe, définir une logistique et un modèle de production rentable. Si le projet est un succès, il peut conduire à la mise en place d’une unité de production autonome dont le management sera confié au responsable du projet. Celui-ci joue donc un rôle d’entrepreneur au sein même de l’entreprise : pionnier, innovateur, manager de la structure dont il est responsable.
Notes:
(1) La grande démission, mythe ou réalité ? G. Normand, 19 août 2022, La Tribune
(2) La France vit elle une « grande démission » Publication de la DARES (Ministère du travail), 18 août 2022, A. Lagouge, I. Ramajo et V. Barry
ou la médiocrité organisée dans notre éducation nationale...
Un petit article en réaction à une info du magazine Marianne (du 12/04/2023) qui fait état de nouvelles pressions sur les enseignants pour relever les notes des épreuves de spécialité du baccalauréat. De quoi apprendre encore aux jeunes citoyens que rien ne sert de fournir des efforts et d’apprendre puisque tous seront toujours repêchés ……. Honte aux inspecteurs pédagogiques qui exercent ces pressions !
Le tourbillon des consignes pédagogiques, diagnostics et bilans de notre système éducatif
Oh le beau tourbillon des consignes pédagogiques et autres recettes miraculeuses que notre vieux système serait incapable de mettre en œuvre !
A tous les niveaux dans l’enseignement, les spécialistes de la pédagogie ont pris le pas sur les enseignants. Ils ont distillé une remise en cause des pratiques pédagogiques qui aurait peut-être sa place dans un organisme de formation des enseignants mais pas sur la place publique ou sur les ondes radio ou les plateaux de télévision.
De sorte qu’aujourd’hui se multiplient les injonctions pédagogiques de la part de ceux qui savent comment enseigner sans avoir l’avoir jamais fait eux-mêmes : parents, journalistes, pédagogues patentés, inspecteur(e)s, proviseurs, recteurs, administrateurs, ministres, etc..
Un vrai tourbillon qui pourrait finir par gêner les enseignants eux-mêmes s’ils n’avaient pas une classe à affronter chaque jour.
Les enseignants feraient eux-mêmes un peu pitié tant leur sérieux et leur persévérance à enseigner sont grands. Enseigner, éduquer, apprendre à réfléchir, à penser, à apprendre par soi-même, à étudier quoi ! Ils doivent pour cela faire avec les injonctions d’un proviseur qui pense surtout à sa carrière de « manager de l’éducation », parfois ancien enseignant d’éducation physique (qui a atteint un âge où le corps répond moins bien) ou un ancien CPE (qui souhaite revaloriser son salaire) ou un ancien enseignant qui n’en peut plus de faire cours à des élèves. Tous doivent présenter un concours interne où l’institution cherchera à apprécier leur conformisme et leur capacité d’obéissance. Pas de vague. Pas de bruit. L’école des managers de l’éducation leur permet de « conduire la politique pédagogique et éducative de leur établissement ».
Les managers de nos établissements scolaires
L’ESENESR qui est devenu l’IHEEF est le centre de leur formation au métier de manager des des collèges ou lycées. Ces « cadres de direction » sont ainsi formatés pour appliquer les consignes et rendre compte à leur hiérarchie à travers la réponse à des questionnaires et la production de statistiques et de rapports.
Il n’est pas vraiment question d’aider les enseignants à faire leur métier. On n’aide pas les opérationnels on leur adresse des injonctions, on s’efforce de les canaliser et de les maintenir dans les clous pour accueillir les élèves (accueil qui peut facilement dévier vers la garderie) et les « accompagner vers la réussite » (accompagnement qui peut tourner à la démagogie). Il faut faire comprendre au « corps enseignant » qu’il doit s’adapter aux élèves. Car dans l’éducation nationale l’élève (et derrière lui les parents) est roi. Cette façon de concevoir l’institution scolaire amène à éviter aux élèves les nombreux efforts d’adaptation et d’apprentissage que les enseignants seraient logiquement enclins à attendre d’eux.
Les élèves ne sont pas là pour fournir trop d’efforts et sont plutôt perçus comme des consommateurs d’un service. Il convient d’ailleurs que les enseignants les captivent, les intéressent et pour cela quoi de pire que de les prendre à rebrousse poil. Pas de zéro, peu de punitions, pas d’exclusion de cours, des bonnes notes s’il vous plaît, surtout aux examens. Tout l’effectif doit disparaître (car les redoublement coûtent trop cher). Il faut faire passer tout le monde, s’il vous plaît. Les inspecteurs pédagogiques sont d’ailleurs là pour le rappeler aux membres des jurys du baccalauréat, il faut avoir d’excellents résultats et ils incitent fortement au relèvement des notes. Ce sont ensuite les enseignants qui doivent s’adapter aux comportements inadaptés, aux écarts de langage, aux insolences, aux insultes même. Car ils ne peuvent plus exiger d’efforts puisque tout le monde passe et tout le monde a son bac au bout du compte.
Démagogie quand tu nous tiens . . .
L’image de l’enseignant éducateur est ainsi complètement dépréciée, dévalorisée par ceux qui organisent les programmes et les consignes pédagogiques (les « corps d’inspection ») et ceux qui organisent et dirigent les établissements (proviseurs et principaux et proviseurs-adjoints) car il devient pour lui de plus en plus difficile d’imposer les efforts indispensables à l’assimilation des programmes. Il existe dans l’éducation nationale en France aujourd’hui un divorce entre ceux qui pensent l’éducation et qui ont tendance à la confondre avec une activité de consommation par les élèves d’un service (un peu comme un loisir) et ceux qui la considèrent comme une activité d’apprentissage de concepts, de méthodes, de pratiques, de règles, de vocabulaire (nécessitant un effort d’acquisition de connaissances)
L’acquisition de connaissances ne serait plus vraiment à l’ordre du jour. C’est vrai quoi…. il y a internet ! chantent ceux qui confondent connaissances et informations. Plus de tables de multiplication, ni d’opérations d’arithmétique, c’est vrai quoi…. il y les calculatrices. Plus d’orthographe, ……c’est vrai quoi il y a les correcteurs orthographiques ! Plus d’écriture, …….c’est vrai quoi il y a les claviers et même la reconnaissance vocale ! Bientôt pas besoin de raisonner et d’organiser sa réflexion, il y a des logiciels de rédaction automatique (Ex : Robots conversationnels Chat GPT3, 4, 5)
Quand on entend de telles affirmations hallucinantes de la part de certains responsables de l’orientation pédagogique des enseignants (inspecteurs pédagogiques), on reste pantois. A les croire Il serait donc finalement question de transformer nos jeunes futurs citoyens en légumes qui ne comprendraient plus grand-chose mais qui sauraient utiliser les « outils du numérique ». C’est sans doute pour cela que les élèves en question ont quasiment tous leur examen terminal (DNB en collège et Bac en lycée). « Ne notez pas trop sévèrement, s’il vous plait ! » C’est la consigne permanente de « l’inspection ». D’ailleurs des barèmes ont été construits pour encadrer les enseignants dans leur fonction de notation : avec des items donnant des points comme « expression écrite » et « expression orale » ou encore « compréhension du questionnement » ou bien « formulation d’une réponse », on frise la moyenne alors qu’il n’y a rien dans la copie qui témoigne d’un niveau d’apprentissage de la matière ni de connaissance du programme.
Tel proviseur ou tel recteur d’académie pourra ensuite se flatter de battre des records de résultats à l’examen (« 90% cette année ! ») Il s’agit en fait de mesure de la démagogie déployée pour « faire passer tout le monde » vers l’enseignement supérieur. C’est une farce dont les dindons sont les élèves et leurs parents d’une part et le pays tout entier d’autre part.
Car curieusement les classements internationaux ne reconnaissent pas l’excellence du niveau de nos élèves ! Au contraire, ils sont plutôt mal notés et du coup l’enseignement en France également. On fustige alors le système éducatif….. en regardant du coté de nos enseignants, bien sûr.
Comment encore enseigner dans ces conditions ?
De quoi ont ils besoin ces « éducateurs au service du peuple », auxquels on a enlevé tous les instruments qui leur permettraient de faire leur métier correctement ?
> D’abord de groupes-classe d’effectif adapté à un enseignement de qualité (semi-personnalisé)/ Au contraire les classes sont souvent surchargées !
> Ensuite, de moyens de dissuader au jour le jour les élèves qui ne jouent pas le jeu de l’apprentissage (respect de l’enseignant et de ses consignes ; effort de travail personnel de compréhension de mémorisation et d’exercice). Ces moyens sont la notation, les sanctions (colles, exclusion de la classe, exclusion de l’établissement, redoublement, renvoi) Vous n’y pensez pas, je ne peux pas organiser des conseils de discipline comme çà. Que va penser le recteur !
> Et puis des examens sélectifs qui évaluent le niveau réel et ne sont pas des rituels sociaux. La finalité du système éducatif n’est plus de garder les jeunes en formation le plus longtemps possible pour leur éviter le chômage. Cela n’a plus aucun sens dans une société qui se rapproche du plein emploi. Le système éducatif doit retrouver son sens premier qui est de former les travailleurs citoyens en leur dispensant les connaissances, les savoir faire, les méthodes et la capacité de raisonnement nécessaires à l’éclosion de leurs compétences dans les domaines de leur choix en fonction des besoins de la société. Pour cela il faut écarter des cursus de formation tous ceux qui ne peuvent pas suivre ou ne veulent pas fournir les efforts nécessaires. Éliminer est un vocable complètement impropre puisque notre société offre de nombreuses possibilités à ceux qui ne sont pas adaptés à telle ou telle formation : emplois, apprentissages, engagements, etc..
> Enfin, des concours de recrutement attractifs : Peut-être régionalisés ? Afin de garantir une proximité géographique de recrutement et bien sûr, un niveau de rémunération motivant à chacune des étapes de la carrière d’un enseignant. Penser que l’on rémunère un professeur débutant à un niveau proche du SMIC est une aberration désastreuse. L’investissement éducatif passe d’abord par le recrutement de professeurs de qualité. Cela implique une double compétence, dans leur matière et dans leurs méthodes pédagogiques.
Priorité aux opérationnels dans le système éducatif, c’est à dire aux enseignants. Vous savez bien, les professeurs, qu’on appelle gentiment les « profs ». Ils sont tellement mal payés qu’on en réduit aussi le nom de leur métier….
Quelles ressources et compétences pour une entreprise de services ?
Quelles ressources et compétences sont finalement nécessaires lorsque l’entreprise propose essentiellement des services ?
Les routines de travail
Le fonctionnement d’une entreprise dépend d’un certain nombre de routines de travail . Celles-ci sont élaborées pour permettre un développement adapté aux différentes contraintes de l’environnement. Elles dépendent également des ressources (humaines, informationnelles, matérielles et financières) dont dispose l’entreprise.
Ces routines sont pratiquées de façon quasi automatique. Elles ont un caractère tacite dans la mesure ou leur modélisation en vue d’un transfert est complètement illusoire. En effet, elles dépendent d’une combinaison complexe des ressources qui évolue en permanence pour s’adapter aux évolutions des contraintes et des opportunités rencontrées.
Ces routines sont mises au point et apprises continuellement par les membres de l’entreprise pour permettre à celle-ci de survivre.
L’apprentissage organisationnel
On évoque à leur sujet un apprentissage organisationnel et on les qualifie également de « tacites » pour souligner leur caractère non transférable (d’une entreprise à l’autre). Elles sont donc de façon irréductible, liées à une entreprise donnée dont elles constituent une « compétence foncière ».
Pour s’adapter aux évolutions de l’environnement, l’entreprise doit être capable de modifier ses routines de travail et/ou à en construire de nouvelles. Pour cela elle doit prendre en compte un certain nombre de conventions qui habitent l’entreprise. Celles-ci sont des pratiques habituelles, coutumières qui s’imposent aux membres de l’organisation du fait qu’elles sont largement partagées. Le dirigeant doit prendre en compte ces conventions quitte à chercher à les faire évoluer. En effet, elles ne doivent pas freiner la mise au point de nouvelles routines nécessaires au développement stratégique de l’entreprise.
Le rôle du dirigeant
Le rôle du management de l’entreprise est donc déterminant pour faciliter le développement cohérent des routines organisationnelles en harmonie avec les conventions de l’entreprise qui doivent elles aussi évoluer.
Clairvoyance, analyse pertinente des contraintes du secteur et des ressources nécessaires, pédagogie et capacité de convaincre et de motiver les personnes sont les qualités d’un dirigeant efficace.
On ne compte plus le nombre d’échecs d’entreprises dont le nouveau dirigeant s’est avisé d’affronter délibérément ses équipes pour leur imposer les changements qu’il était seul à comprendre et à souhaiter.
Capacitésd’évolution des entreprises
Les évolutions ne sont possibles qu’en s’appuyant sur les compétences organisationnelle de l’entreprise. C’est à dire sur la mise en œuvre coordonnée de ses savoir-faire. On peut d’ailleurs distinguer des compétences opérationnelles, fonctionnelles et de pilotage
Dans de nombreux cas l’avantage concurrentiel d’une entreprise repose sur des actifs immatériels. Il peut s’agir de compétences fonctionnelles (liées à l’activité) ou bien culturelles (liées au fonctionnement global de l’entreprise) ou encore relationnelles et de réputation ou enfin réglementaires (marques, labels, brevets). (P. Hall 1993). Mais la capacité d’intégration de ces ressources dans un modèle productif est aussi importante. (1)
La seule recherche de flexibilité conduit à une impasse
On voit toute la fragilité des stratégies consistant à développer de façon exclusive la flexibilité. On choisit alors d’externaliser tous les moyens de production afin de réduire les coûts de production. La compétitivité-prix devient le seul argument concurrentiel et cela ne suffit pas pour mobiliser le personnel et souder les équipes de l’entreprise, celles-ci se trouvant réduites à quelques fonctions de pilotage.
Il est prévisible que dans une telle hypothèse l’offre de l’entreprise s’appauvrisse progressivement dans la mesure où sa construction ne repose alors que sur le seul dirigeant qui est par définition loin du terrain et des activités opérationnelles. (2)
(1) Hall R. A framework linking intangible resources and capabilities to sustainable competitive advantage, Strategic Management Journal, 1993
Externaliser peut paraître tentant pour réduire ses coûts. En effet, externaliser certaines fonctions peut être judicieux, à certaines conditions, pour se focaliser sur son cœur de métier. Au contraire externaliser pour et seulement pour réduire ses charges s’avère risqué.
Un directeur d’un organisme de formation se ventait récemment d’avoir préservé sa rentabilité en externalisant la plupart des prestations de formateurs. Un grand bof !
Externaliser jusqu’où ?
Externaliser, un choix difficile ….
L’externalisation, une solution ? (1)
Externaliser consiste à confier tout ou partie de ses activités à un partenaire extérieur qui va facturer ce service.
L’externalisation donne de la flexibilité
En effet, produire soi même (internaliser une production) peut être risqué lorsque la conjoncture est incertaine et que l’on ne sait pas sur quels débouchés on peut compter pour couvrir ses charges fixes.
Produire soi même n’est rentable que si le volume d’activité est suffisant pour couvrir les charges fixes. Celles-ci peuvent consister en des équipements productifs (notamment dans l’industrie) ou une masse salariale (salaires chargés) de personnel permanent de l’entreprise (notamment dans les services).
Or l’externalisation permet de substituer des charges variables à ces charges fixes.
On ne passe commande au prestataire (ou sous traitant) que lorsqu’on en a besoin pour satisfaire la demande de notre clientèle. C’est la flexibilité quantitative. Et on ne supporte donc que les coûts de ces prestations sur commande en réglant la facture correspondante du sous-traitant.
Grâce à cette solution on peut donc adapter exactement notre production vendue à la demande reçue de notre clientèle. L’idéal pour ne pas perdre d’argent !
L’externalisation suppose que certaines conditions soient réunies
Il faut être sûr que le sous-traitant ne peut pas se substituer à nous sur le marché. Pour cela il faut disposer d’un label, ou d’une marque qui convainc et fidélise la clientèle. On peut aussi compter sur le monopole d’exploitation d’un brevet, à condition de pouvoir défendre ce droit sur la zone géographique de notre clientèle.
Ainsi, on a pu voir par le passé des sous-traitants chinois de Nike subir un échec cuisant en voulant lancer leur propre marque, forts de leur apprentissage en tant que sous-traitants de la célèbre marque de chaussures de sport. La qualité était là, similaire, mais les consommateurs ont boudé les marques nouvelles qui ne leur inspiraient pas confiance.
Certaines fonctions peuvent être facilement externalisées (2)
Ce sont celles qui sont en dehors du cœur de métier. On pense à des fonctions comptables ou de paie, ou de travail de secrétariat ou encore d’entretien et nettoyage, de services informationnels.
Pourtant certaines entreprise vont jusqu’à sous-traiter des activités plus centrales qui constituent parfois leur activité principale. Il peut s’agir d’une partie de leur fabrication (Ex : les équipementiers dans le secteur automobile) . Ou parfois de la fabrication toute entière (Ex : les marques de l’habillement). Comment le comprendre ?
L’externalisation peut aussi se traduire par une délocalisation
Lorsque l’activité est externalisée en dehors du territoire national de l’entreprise, on parle de délocalisation. On va alors chercher dans cette délocalisation de nouveaux marchés ou de nouveaux avantages productifs.
La délocalisation des activités de production a été largement facilitée par le développement du libéralisme économique dans le cadre des accords du GATT puis de l’OMC. Ce développement s’est lui-même appuyé sur des théories assez simplistes du commerce international (de Adam Smith et David Ricardo notamment). On aboutit rapidement à une fragmentation internationale de la production des entreprises qui deviennent transnationales. Tout cela comme si les flux de marchandises et d’information n’avaient pas un coût économique et un coût environnemental. Sans évoquer la très pertinente question de la dépendance des économies vis à vis des flux de produits finis ou semi-finis en provenance d’autres continents. Ce qui peut devenir dramatique en cas de crise, pandémie ou conflit.
Externaliser jusqu’où ? (3)
Dans certains cas, l’entreprise fait évoluer son cœur de métier vers des fonctions de recherche ou de commercialisation en externalisant la fabrication qui n’entre donc plus dans son métier. Celui-ci s’enrichit alors d’un nouveau savoir-faire en pilotage d’un réseau de fabrication ou d’une chaîne logistique. On va jusqu’à parler d’entreprise-réseau(3)(4) pour désigner cette forme d’organisation.
Dans certains cas néanmoins la sous-traitance ne s’explique que par le souci de réduire les charges et l’entreprise ne dispose plus en interne de la capacité de produire les services de qualité qu’elle prétend pourtant offrir à sa clientèle.
Elle se fragilise alors puisqu’elle ne réalise plus son chiffre d’affaires que grâce à la confiance supposée des clients dans sa marque.
Fragilités liées à la sous-traitance de l’activité principale
Cette externalisation de l’activité de production principale n’est possible que par un contrôle étroit de la qualité des prestations des sous-traitants. Encore faut-il pouvoir disposer abondamment de ces sous-traitants à un tarif modéré tandis qu’ils offrent une qualité de fabrication ou de service suffisante. Divers cas de figure sont possibles.
Le recours à des autoentrepreneurs (ou microentrepreneurs)
Il peut s’agir d’auto-entrepreneurs qui ont une autre activité principale (souvent salariée) et qui arrondissent leur revenu en produisant des prestations en dehors de leur temps de travail habituel. L’important est alors d’entretenir avec eux une relation de confiance afin de les fidéliser malgré tout.
Néanmoins, on voit bien la fragilité d’un tel système basé finalement sur le bon vouloir de ces prestataires. C’est notamment le cas lorsque le marché du travail s’oriente vers le plein emploi et que les salaires sont à la hausse, réduisant d’autant le besoin de revenus complémentaires.
Il peut s’agir d’auto-entrepreneurs qui trouvent dans cette prestation l’essentiel de leur revenu, leur activité principale indépendante étant encore aléatoire (professions libérales en cours d’installation par exemple). La fragilité tient alors au contrat de travail dissimulé derrière la sous-traitance. Les prestataires pourront aisément se retourner contre leur donneur d’ordres dès que la relation contractuelle tournera à l’orage. Les conseils de prud’hommes savent très bien requalifier les relations contractuelles en contrat de travail en CDI à temps plein. Gare au coût d’une telle requalification.
Le recours à d’autres entreprises « sous-traitantes »
Certaines PME, sociétés ou entreprises individuelles, se développent dans la sous-traitance de produits de grandes marques ou dans la production de pièces et de produits semi-finis nécessaires à d’autres entreprises (donneurs d’ordres). Elles dépendent alors de la prospérité de leurs donneurs d’ordres et subissent les fluctuations de chiffre d’affaires de ceux-ci.
Une dépendance réciproque s’installe car le donneur d’ordre dépend quant à lui de la capacité de production et de la qualité de ses sous-traitants.
Les entreprises sous-traitantes sont, elles, déchargées de certaines fonctions, comme la recherche et le développement ou le marketing de la clientèle finale des produits.
Les inconvénients et les risques
Dans tous ces cas, l’entreprise qui sous traite son activité se prive d’une base de personnel qualifié suffisante pour constituer une communauté de travail motivée et prête à se former et à s’adapter pour faire évoluer l’offre de l’entreprise en fonction des besoins de la clientèle actuelle ou de nouveaux marchés. L’entreprise a perdu sa substance et n’est plus que centrée sur la gestion et l’administration de savoir-faire qui lui sont extérieurs.
A trop vouloir externaliser l’entreprise peut donc s’affaiblir progressivement. Elle peut perdre ses atouts productifs en cherchant à outrance la flexibilité. On peut évoquer ici l’exemple des industriels européens qui se sont retrouvés bientôt en concurrence avec d’anciens sous-traitants asiatiques.
L’entreprise « donneuse d’ordre » (qui pilote son réseau) doit par ailleurs organiser et coordonner son réseau de partenaires industriels et de prestataires de services. Cela suppose un ensemble de contrats et de cahiers des charges qui encadrent les activités. Cela suppose un réseau efficace d’information et de contrôle de gestion, de délais et de qualité. On parle de chaine logistique intégrée (supply chain).(3)
Un manager de la tribu Yakafokon affirmait récemment, bravache, que si on savait gérer sa trésorerie on n’avait pas besoin de se compliquer la vie avec une règle de maintien des fonds propres associatifs à un niveau correspondant à 4 mois de charges de fonctionnement.
C’est à mon avis un erreur grossière car c’est un manque de prudence qui peut conduire facilement et sans qu’on y prenne garde à la cessation de paiements. En effet, aucune association n’est à l’abri d’un mauvais payeur.
Je me rappelle ce délégué régional de l’Agefiph qui par fantaisie, ne versait le financement annuel d’une association (spécialisée dans l’accompagnement des personnes handicapées vers l’emploi) qu’au 1er juillet de l’année en cours, compliquant singulièrement la gestion de la trésorerie puisqu’il fallait alors aller négocier avec le banquier et supporter des frais bancaires pour pouvoir payer les salaires. Heureusement pour cette association, ce délégué régional fut bientôt envoyé dans les oubliettes et remplacé par quelqu’un de plus avisé.
Tel autre super manager missionné pour redresser la barre d’une association en difficulté et qui n’hésitait pas à donner des leçons de trésorerie aux uns et aux autres, se contenta finalement d’en déposer le bilan après l’épuisement des fonds propres de la dite association.
Les fonds propres :
Ils sont composés des fonds dont dispose l’association sans les devoir à aucune autre entité. (1)
Ils lui permettent donc une marge de liberté d’action stratégique,
Cela, soit pour autofinancer des expérimentations d’actions nouvelles, soit pour investir sans emprunter dans des équipements nouveaux ou supplémentaires, soit pour convaincre le banquier que la situation financière est saine et que l’on pourra rembourser un éventuel emprunt que l’on entend lui demander.
Les PME et TPE françaises sont connues pour leur faiblesse en fonds propres. A croire qu’en France on aime bien prendre des risques et emprunter.
Mais pour les associations c’est encore pire. En effet si une société peut espérer disposer dès sa naissance d’un capital social qui constituera ses fonds propres Puis espérer que ceux ci s’accroissent au rythme des bénéfices non distribués, ce n’est pas le cas d’une association .
A sa naissance l’association ne dispose que des maigres cotisations des adhérents comme fonds propres.
Ce n’est que progressivement, si elle est bien gérée qu’elle pourra espérer réaliser des bénéfices et/ou obtenir des subventions. Cela lui permettra, au-delà du financement des activités, d’augmenter son actif net et d’accroître le montant de ses fonds propres (que certaines associations appellent pompeusement « fonds associatifs »)
Qu’apportent exactement les fonds propres associatifs ?
La sécurité apportée par les fonds propres
On conseille généralement de disposer dès que possible pour une association, de 4 à 6 mois de fonctionnement en fonds propres. Cela revient à dire que quoiqu’il arrive l’association pourra tenir 4 ou 6 mois sans recevoir de financement extérieur. Quel est l’avantage d’une telle marge d’autonomie ?
> Un confort de trésorerie
L’association peut ainsi faire face à des aléas liés à l’encaissement des recettes qui peuvent survenir à n’importe quelle occasion (outre l’exemple cité en introduction on peut évoquer les fameux fonds européens qui sont réputés pour leur versement tardif en France, chaque région étant chargée de leur versement après de multiple contrôles au caractère parfois capricieux. Faute de cela l’association devrait emprunter à sa banque à un taux pas toujours amical.
> Une capacité d’emprunt
Les banquiers préfèrent toujours être rassurés par l’existence de fonds propres pour accorder un prêt à un taux intéressant. Encore une manifestation de l’adage « on ne prête qu’aux riches ».
> Une capacité d’autofinancement d’investissement (1)
Une association a tout intérêt à être réactive et à proposer de nouvelles solutions à ses adhérents. Ce sont de nouveaux services ou de nouvelles formations. Ces nouvelles formules d’activité nécessitent d’être conçues et rodées avant d’être vendues et de rapporter du chiffre d’affaires. Elles sont donc risquées. L’association doit pour cela disposer de fonds de façon complètement autonome : les fonds propres.
Les fonds propres encore et toujours. On voit bien que ceux-ci loin d’être une source de gaspillage sont une condition sine qua non du bon fonctionnement d’une association dynamique.
Le pilotage de l’entreprise suppose d’exercer un contrôle mais celui-ci ne doit pas compromettre la coopération.
Le contrôle des activités est nécessaire au pilotage d’une organisation. Il est là pour permettre de vérifier que celles-ci se déroulent conformément aux consignes données et/ou aux objectifs fixés. Et aussi qu’elles s’exercent sans conséquence négative sur l’environnement de l’entreprise ni sur son patrimoine.
Ce contrôle permet, par comparaison avec les objectifs fixés, un ajustement des processus mis en place pour réaliser l’activité. Une démarche d’amélioration continue se met ainsi en place.
Le risque d’un pilotage devenu exclusivement « surveillant »
Or ce contrôle ne doit jamais être confondu avec la surveillance qui est vite ressentie comme un « flicage » des personnes au travail. Ce sentiment a pu se développer récemment dans les entreprises avec la pratique du télétravail. Celle-ci s’est parfois accompagnée du recours à des logiciels dits de suivi qui mesurent de façon automatique l’activité sur écran : pointage en ligne , mesure du temps de présence, décompte des demi-journées, vérification d’activité. Le caractère automatique de ce contrôle peut être mal ressenti. Surtout s’il n’est pas accompagné par le manager qui doit expliquer la nécessité d’un tel contrôle.
Il convient surtout d’ éviter qu’il ne se combine avec un surcroît de bureaucratie. En effet, ces mesures automatiques peuvent susciter le besoin de donner un sens à l’activité mesurée en heures de travail en fixant des objectifs. Or la mise en place d’objectifs doit être pratiquée avec légèreté et mesure.
Le risque d’un fonctionnement devenu bureaucratique
Néanmoins ce contrôle par les objectifs ne doit pas alimenter le développement d’un biais bureaucratique dans le fonctionnement général de l’entreprise. Si la fixation d’objectifs peut être justement le moyen d’éviter une surveillance tatillonne des temps de travail, leur multiplication peut être génératrice d’une bureaucratisation du contrôle et bientôt de l’entreprise toute entière.
> Car la gestion par objectifs appelle l’interprétation des résultats et celle ci suppose un temps de travail spécifique des managers ou pire un travail spécialisé de contrôle de gestion appliqué aux objectifs de travail.
> Dans le cas d’objectifs trop nombreux (qui doivent selon leurs promoteurs permettre un pilotage plus fin de l’activité) le temps passé à « renseigner » ou à rendre compte de leur réalisation devient parasite. Cela transforme la fonction des opérationnels, parfois au point de les décourager.
> Le caractère administratif qui envahit alors le travail opérationnel a un impact direct sur les activités en « volant du temps opérationnel» ce qui réduit la productivité elle même.
> De plus le « carcan » des objectifs peut priver les opérationnels de toute réactivité et encore plus de créativité face aux besoins des clients, réduisant ainsi la qualité des processus que l’on voulait soit-disant garantir à force d’objectifs.
> Plus encore, la contrainte des séances de reporting (ou « dialogues de gestion ») organisées par les superviseurs à échéances régulières aboutit à orienter progressivement l’activité des opérateurs vers la réalisation des objectifs planifiés. Et cela indépendamment de la prise en compte réelle des besoins des clients et utilisateurs. C’est le fameux biais bureaucratique dénoncé par Michel CROZIER dès les années 60. (1)
Développer la coopération
Or la pratique de la coopération est indispensable au bon déroulement des processus de l’entreprise. Son développement peut venir corriger les effets négatifs du contrôle. A condition que les objectifs de chacun restent assez synthétiques pour être à la fois compréhensibles et supportables.
> Cette coopération peut s’appuyer sur des outils traditionnels comme les réunions mensuelles d’équipe ou les points quotidiens effectués avant la prise de poste. Ou encore, les boites à idée ou les cercles de progrès et commissions ad hoc.
> Elle peut être aussi facilitée par les nouveaux outils en ligne : plate-forme collaborative, planning d’équipe, programme de réalisation de projet, visio conférence,…
> L’organisation de l’entreprise peut la favoriser par la mise en place de fonctions et d’équipes transverses.
> La coopération peut être également stimulée par la pratique des fonctions tournantes. Cela consiste à faire tourner les opérationnels sur certaines fonctions, de sorte que si on ne coopère pas suffisamment avec d’autres opérateurs lorsqu’ils en ont besoin, on risque de subir à son tour leur réticence lorsque l’on aura besoin de leur coopération active.
En conclusion: La coopération est un liant indispensable de l’esprit d’équipe et de la culture d’entreprise. Or sans eux le fonctionnement de l’entreprise devient celui d’une mécanique sans âme (La « boite » ou, pire, la « taule » dans laquelle on vient travailler à reculons). La coopération permet aussi à chaque membre de l’entreprise d’accepter un contrôle des activités et des résultats. Et celui-ci reste indispensable au pilotage de toute organisation. (2)
Un archipel est un chapelet d’îles, c’est-à-dire un ensemble de surfaces distinctes mais voisines et partageant un climat et une mer environnante. Certains ont utilisé cette réalité géographique pour filer une métaphore en l’appliquant à l’entreprise.
En effet, les entreprises rassemblent souvent aujourd’hui une hétérogénéité de collaborations et d’unités géographiquement distantes, d’entités de métiers divers.
Une hétérogénéité de collaborations
> Les collaborations sont d’abord le fait de personnes qui apportent leur travail et leur savoir-faire selon des statuts diversifiés
Il peut s’agir de salariés, mandataires sociaux, associés, auto-entrepreneurs, travailleurs indépendants, etc.. Ces personnes peuvent avoir des finalités, des centres d’intérêt et des activités diverses entre lesquels elles partagent leur temps et leur engagement. Cette diversité enrichit leur personnalité et leurs compétences. Elle impose également au manager d’entreprise de les motiver et les ramener sans cesse sur les objectifs de celle-ci. Faute de cette démarche, les collaborateurs peuvent avoir un comportement de « mercenaire » qui mesure en permanence son temps et son engagement. Par ailleurs, on observe dans certaines entités l’évolution vers une logique de fonctionnement moins pyramidale (moins hiérarchique) et plus transversale et coopérative. Celle-ci est à base d’auto-organisation et de responsabilisation. Le management va alors surtout consister en une démarche d’animation et de coordination de collaborateurs responsables et autonomes.
> Par ailleurs, au sein d’une organisation on assiste souvent à des regroupements informels de personnespartageant certains intérêts et/ou métiers.
Ainsi ces coalitions peuvent exercer des influences contraires à la dynamique du modèle économique que veut développer l’entreprise. Il existe donc un biais managérial dans la mesure où le management va devoir s’écarter de la simple recherche d’optimisation. En effet, il doit s’efforcer en permanence de rendre compatibles les groupes d’intérêts divers et souvent conflictuels. Il le fait par des négociations, arbitrages et concessions. Certains théoriciens des organisations (H. Simon, M. Cyert et J. March, M. Crozier) ont étudié soigneusement ces phénomènes. Ils ont conclu à la nécessité de consacrer un budget discrétionnaire à faire accepter aux différents collaborateurs les objectifs de l’entreprise.(1)
> Les collaborations sont aussi le fait d’autres entités coopérant en amont et en aval de l’activité de l’entreprise(2)
Ce sont des fournisseurs, sous-traitants, prestataires, autres sociétés du même groupe, etc… Ces échanges partenariaux sont évolutifs, dans une recherche d’efficacité. Ces échanges se déroulent entre des entités géographiquement distantes (et parfois très éloignées)
L’entreprise va ainsi développer ces collaborations à travers des réseauxd’échange d’informations et d’échanges logistiques. Ceux-ci vont lui permettre de communiquer. Mais surtout d’organiser les coopérations nécessaires à son activité en fonction de ses propres objectifs. Cette pratique est rendue possible par les moyens d’échange d’informations modernes, à base de télécommunication et de traitement informatique (intranet et extranet). Ce que l’on a appelé l’entreprise-réseau correspond à cette logique de coopérations en amont et en aval, orchestrées par l’entreprise-pivot (souvent une entreprise dominante qui est à l’initiative du réseau).
Néanmoins chaque entreprise proactive agit de la même façon pour s’efforcer de construire et piloter son propre réseau. Dans ces conditions on peut aussi recourir au vocable d’archipel pour désigner cette juxtaposition de logiques d’entreprises. Chacune suit sa propre stratégie mais échange avec les autres en fonction de leurs activités respectives. Leurs rapports sont plus ou moins (in)égalitaires.(3) au sein d’un réseau spécifique.
C’est en construisant sa propre stratégie que chaque entreprise définit son périmètre en choisissant ce qu’elle veut faire elle-même (4) . Du même coup elle choisit ce qu’elle va confier à des collaborations extérieures d’individus ou d’autres entreprises. Et on a vu ici que ces choix avaient des implications importantes en matière de management.
Définir son périmètre
(1) Cyert (R.M.) et March (J.G.) Processus de décision dans l’entreprise. Dunod, 1970.
Le secteur automobile français, confronté à une crise structurelle, saura -t-il prendre le virage du véhicule électrique ?
L’effondrement du marché lié à la crise sanitaire mais pas seulement….
> Avec la crise sanitaire on a assisté à un effondrement du marché automobile européen (-55,1% en mars 2020). Notamment en France (-72%) et en Italie, mais également en Espagne et en Allemagne. Cet effondrement est lié au confinement et à la fermeture des points de vente. Même si la plupart des constructeurs ont cherché à développer la vente en ligne.
> Un changement du comportement des consommateurs est apparu avec une forte baisse des achats de véhicules neufs, à l’exception du segment des véhicules électriques et hybrides. Cette baisse s’accompagne d’un accroissement de la pratique de la location de véhicules. Une forte augmentation des achats d’occasion est apparue. Le segment est alimenté par les véhicules déclassés des loueurs de véhicules.
> La fabrication elle-même est freinée par la pénurie de semi-conducteurs fabriqués pour l’essentiel en Asie (Exemple du producteur taïwanais TMSC et de son usine Fab 18)
Les constructeurs français à la peine
Les groupes français Renault Group et Stellantis (PSA) ont subi fortement cette baisse sur la totalité de leurs marques.
En octobre 2021, le marché automobile continue de s’effondrer (-30,7% sur un an), alerte le Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA) dans un rapport publié en novembre 2021. C’est le résultat du ralentissement des commandes (du fait de l’attentisme des clients) et des retards de livraison liés à la pénurie de semi-conducteurs.
En Janvier 2022, avec 102 901 immatriculations, le marché français des voitures particulières neuves est en baisse de 18,58% en données brutes par rapport à Janvier 2021(1)
Le secteur automobile qui représente 400 000 salariés dans la fabrication et 500 000 dans les services associés, joue sa survie. Il est à la croisée des chemins…
Depuis la fin 2019 de nombreux véhicules ont été immatriculés par les constructeurs comme véhicules de courtoisie ou de démonstration. Cela leur a permis de déstocker des véhicules obsolètes. Ces véhicules sont écoulés en occasion zéro km. Cette pratique montre que le secteur automobile européen est en crise structurelle (surproduction et inadaptation de l’appareil productif).
L’industrie auto française était déjà descendue au 5ième rang en Europe en 2016 (contre le 2ième en 2011) (2) Le déclassement est net depuis la crise de 2008. L’industrie française ne réalise plus que 6,7% de la production européenne (contre 44,5% pour l’Allemagne en 2016). La balance commerciale du secteur est déficitaire (- 9,6 milliards en 2016). Cela s’explique par des importations importantes notamment d’Allemagne mais aussi des importations de produits fabriqués dans des filiales ou des partenaires des groupes français qui ont délocalisé certaines productions.
Le déclassement de l’industrie automobile française
Le secteur automobile français existe surtout à travers 418 groupes industriels qui réalisent 92% de la production nationale et emploient 218 000 personnes (en ETP). Parmi ceux-ci les constructeurs (Renault, PSA, Volvo et Toyota) réalisent 80% du chiffre d’affaires du secteur. La production de ces groupes est très peu sous-traitée (l’équipementier Faurecia devenu Forvia est intégré au groupe PSA).
La sous-traitance concerne principalement les équipements électriques et les ceintures et airbags. Parmi les groupes industriels français (dont le centre de décision est situé en France) de l’automobile, 56 ont un caractère multinational. On compte plus de 800 filiales qui réalisaient un chiffre d’affaires de 135 Mrds€ en 2016 plus important que celui réalisé en France par ces groupes (107 Mrds €).
Dans l’ensemble, les équipementiers français sont fragilisés par l’évolution du marché et se tournent vers la diversification de leurs activités.
La relance de la demande française soutenue par les pouvoirs publics pourrait profiter autant ou davantage à l’activité économique des pays dans lesquels les constructeurs et sous traitants français ont installé leurs usines. En effet, seulement un véhicule sur deux des 2 grands constructeurs français est assemblé en France.
Le virage du véhicule électrique
Seul élément positif dans le marché automobile, le segment des véhicules électriques et hybrides essence connaît un regain sensible. Cela est facilité par la politique incitative de l’Etat. Ainsi, les véhicules électriques représentaient en 2020 6,7% des immatriculations, contre 1,9% en 2019. Les véhicules hybrides ont de leur coté représentés en 2020 près de 15% de parts de marché, contre moins de 6% en 2019.
Renault Group produit ses véhicules électriques en France tandis que Stellantis (PSA) produit dans d’autres pays européens puis importe en France. Certains préconisent de conditionner les aides publiques à des engagements de maintenir l’emploi et l’investissement en France. En effet les crises de surproduction se traduisent généralement par des fermetures d’usines françaises et des plans sociaux (plans de « sauvegarde de l’emploi »). (3)
Les normes d’émission des voitures neuves en Europe ont été durcies à partir de 2020 (seuil de 95g de CO2 par km) et devraient se durcir chaque année encore jusqu’en 2030. De plus, la fin des véhicules thermiques est programmée. En France en 2040.
>Les prévisions de croissance du segment
Selon les prévisions actuelles pour la période 2017-2025, le marché mondial des véhicules électrifiés (100% électrique ou hybride essence rechargeable) serait multiplié par 10 en moins de 10 ans. Cela représenterait 1,2 millions de véhicules en 2025 en Amérique du nord, 3,5 millions en Europe et 4,7 millions en Chine. Ce basculement est un point d’inflexion stratégique(4) qui amène les constructeurs à développer des unités de production flexibles et des partenariats industriels.(4)
>Chez Stellantis (PSA)
Chez Stellantis (PSA) le développement des différents modèles se fait sur des plateformes adaptées à l’ensemble des motorisations thermiques, électriques ou hybrides. Il s’agit donc de plateformes modulaires, multi-énergies qui assurent une flexibilité de la fabrication permettant de répondre à la demande de la clientèle. Une coopération industrielle avec Nidec Leroy-Somer a permis de développer une co-entreprise qui a pour objectif de produire de nouveaux moteurs électriques en grande série. Une autre co-entreprise avec Punch Powertrain doit déboucher également en 2022 sur la production en série de nouvelles transmissions électrifiées.
>Chez Renault group
Chez Renault group (Renault, Dacia, Renault Samsung Motors, Alpine et LADA) un plan de restructuration et de relance est prévu avec des fermetures d’usines en Europe et en Chine. Il vise le développement de la mise en commun des pièces entre les différentes marques du groupe et de l’alliance. Il s’agit notamment de redresser Nissan qui est en grande difficulté au sein de l’alliance Renault Nissan Mitsubishi. Un « partenariat stratégique » est développé avec Valéo pour concevoir et produire un moteur de nouvelle génération et sans terres rares. Chez Renault la production doit démarrer en 2027 à Cléon.
Le marché chinois qui est le plus grand du monde, reste prioritaire pour Renault. Afin de développer le véhicule électrique l’entreprise qui avait mis fin en 2020 à sa coentreprise avec Dongfeng, cherche désormais à conquérir le marché des hybrides. Elle le fait en coopération avec le numéro un chinois Geely.
En Europe, Renault Group commercialise la « Dacia Spring » dans la logique du low cost de la marque Dacia en s’appuyant sur le modèle électrique City K-ZE . Celui-ci a été mis au point par une coentreprise réussie en Chine avec JMCG dans la filiale commune JMEV.
(1) Comité des constructeurs français d’automobile en janvier 2022
Il y a de grandes différences entre manager une très petite entreprise, une PME, un service ou une équipe ou encore un groupe de sociétés. On voit aussi que ce terme est souvent utilisé à tort et à travers. D’où la question qui émerge : le management, de quoi parle-t-on ?
Définition du management d’entreprise (1)
Le management correspond à la gestion, c’est à dire à l’art d’organiser et d’administrer les ressources d’une entreprise, qu’elles soient humaines, matérielles, financières, informationnelles etc.. Il s’agit tout simplement du « gouvernement de l’entreprise ».
Pourtant, très souvent en France on utilise le terme de management pour désigner simplement la façon dont l’entreprise pratique sa relation avec son personnel (hiérarchie, autorité, responsabilisation, décentralisation du pouvoir, mode de rémunération) Elle se limite alors à un domaine résultant à la fois de la gestion du personnel et de l’organisation de l’entreprise (qui résulte du pouvoir de direction).
On ne peut pas s’intéresser au management sans évoquer son étymologie. On croit souvent à tort que ce terme est emprunté à l’anglais US. En fait il s’agit d’un mot qui est né au moyen âge, du vieux français « maisnage » ou « mesnager » (gouvernement domestique) et qui nous est revenu en anglais (to manage = gérer) à travers la littérature de gestion en provenance des USA.
Les conceptions de différents auteurs
De nombreux auteurs se sont exercés à définir le management au niveau de l’entreprise.
– Les classiques
L’un des premiers à l’avoir fait est le français Henri Fayol à travers sa définition de l’administration d’une entreprise. Selon lui, administrer une entreprise c’est à la fois: prévoir, organiser, commander, coordonner et contrôler. Ces activités constituent la fonction administrative qui est selon lui la principale fonction que l’on doit mettre en œuvre. Il distingue aussi d’autres fonctions : technique (produire), commerciale (achats-ventes), financière (gestion des capitaux), de sécurité (gestion des risques), de comptabilité (comptes, prix de revient, statistiques, etc..). H. Fayol développe également un certain nombre de principes (14). Notamment la division du travail au sein de l’entreprise (spécialisation des services et des personnes). Egalement l’unité de commandement (une même personne ne doit recevoir d’ordres que d’un seul chef afin d’éviter toute confusion). Il accorde une grande importance au rôle du chef de l’entreprise qui transmet ses directives par voie hiérarchique. L’américain Frederick Winslow Taylor va quant à lui appliquer à l’entreprise et surtout à la fonction de production, le principe de division du travail (mis en lumière par le fameux économiste écossais Adam Smith dès 1776). Il aboutit ainsi à préconiser une stricte séparation entre l’activité de conception et celle d’exécution du travail (ce qui s’oppose à toute production artisanale). Cette exécution du travail doit s’appuyer selon lui sur une analyse très précise des gestes et temps de travail. Cela permet une véritable standardisation des tâches. De plus, une rémunération au rendement va jouer un rôle de stimulant de la productivité. Taylor prétend ainsi proposer une organisation prétendument scientifique du travail (OST) On parle couramment de taylorisme pour désigner cette forme d’organisation de la production très souvent combinée au fordisme (c’est à dire à une standardisation des produits eux-mêmes).
– Les modernes
Des conceptions plus modernes du management prennent en compte la nécessité de sortir d’une spécialisation très poussée des tâches pour développer une réactivité et une adaptation permanente aux attentes de la clientèle et aux évolutions des technologies. Pour cela certains auteurs plus récents, comme Peter Drucker, vont prôner la direction par les objectifs au sein de l’entreprise. On s’écarte ainsi de la centralisation extrême prônée par H. Fayol en laissant chaque responsable de service ou de poste choisir les moyens et les méthodes qu’il va mettre en oeuvre pour atteindre des objectifs de production ou de vente qui ont été prédéfinis. D’autres auteurs encore plus modernes, comme Isaac Getz et Brian M. Carney, préconisent de libérer complètement l’entreprise de la relation hiérarchique en donnant en exemple des « entreprises libérées ». Certains ont parlé d’autonomisation du personnel. Ce sont les objectifs communs (la vision de l’entreprise) qui soudent les membres de l’entreprise ainsi auto-organisés.
La diversité des formes de management d’entreprise
En pratique on voit bien que chaque entreprise met au point son propre management en fonction d’un grand nombre de paramètres. Ainsi les entreprises familiales s’orientent-elles vers un management plutôt patrimonial qui s’interprète à long terme. Tandis que les grandes sociétés cotées sont managées de façon plus financière, souvent à plus court terme, avec des objectifs de rentabilité permettant de satisfaire les nombreux actionnaires-épargnants ( Ce qui est un comble étant donnée l’importance de ces entreprises pour l’économie régionale ou nationale, en matière d’emploi, d’investissement, d’indépendance industrielle, etc..)
D’une façon générale, les finalités mais aussi la taille, la personnalité et les valeurs portées par le dirigeant ainsi que les contraintes du secteur d’activité vont fortement déterminer le type de management mis en place.
Quand le management devient toxique
Certains dirigeants ont pu même mettre en place un management toxique pour le personnel en adoptant une organisation et une gestion déstabilisantes et éreintantes, frisant le harcèlement moral. Ce management est parfois qualifié de déviant. Il consiste en une maltraitance des salariés à base de décisions arbitraires de leur hiérarchie, d’une instabilité délibérée de leurs conditions et poste de travail et même de la fixation d’objectifs complètement irréalistes. L’objectif inavoué de la direction de telles entreprises est généralement de réduire l’effectif en poussant un grand nombre de salariés à la démission. Il exerce sur les salariés une pression permanente liée à des objectifs toujours plus ambitieux sans tenir compte de la santé du personnel. Une jurisprudence a commencé à se construire en France en condamnant des entreprises comme France Télécom (devenue aujourd’hui Orange) pour « harcèlement moral institutionnel ».(2)
Comment surmonter la dépendance sanitaire en France et en Europe est une question que nous nous posons tous en nous demandant également comment notre recherche et notre production de médicaments et vaccins ont pu tomber aussi bas !
La dépendance sanitaire européenne est apparue nettement depuis une dizaine d’années
La crise sanitaire a mis en évidence de façon brutale notre dépendance en matière de matériel médical, de médicaments et de vaccins. Les pénuries de médicaments ne sont d’ailleurs pas une chose nouvelle ! (1)
La mise en œuvre d’une production sous forme de concession publique ou de régie intéressée des médicaments les plus anciens et pourtant indispensables aux traitements médicaux, semble donc une solution nécessaire. Ils sont en effet négligés par les industriels de la pharmacie car ils sont moins rentables !
La France qui a été au premier rang de l’industrie pharmaceutique en Europe est passée au 4ième rang . Mais la dépendance concerne tous les pays européens. La tour de Babel européenne a, depuis 20 ans, laissé filer les entreprises et les savoir-faire vers l’Asie. L’Europe n’a pas investi comme elle aurait du le faire dans un domaine aussi stratégique. Ce qui est vrai de l’Europe est vrai de chacun de ses États. D’une part le marché s’est mondialisé avec une libéralisation accrue des échanges internationaux et d’autre part les industriels européens ont délocalisé leurs productions pour réduire leurs coûts de main d’œuvre et pour échapper aux normes environnementales et aussi pour avoir un accès aux nouveaux marchés de Chine et d’Inde. La doctrine néo-libérale dominante en Europe a fait le jeu des concurrents Américains et Chinois notamment. Les uns et les autres développant, pendant ce temps, des politiques volontaristes fondées sur des investissements publics massifs en R&D.
La dépendance sanitaire est le reflet de la désindustrialisation européenne et surtout française
La France avait su développer une industrie de pointe dans certains secteurs grâce à une politique volontariste initiée par le général De Gaulle : aéronautique, atome, recherche médicale, TGV, armement, etc.
En matière sanitaire, elle s’est progressivement limitée à rembourser « au meilleur prix » par le biais de notre système de Sécurité sociale des médicaments produits de moins en moins en France ou en Europe.
De façon générale, l’Europe toute entière s’est progressivement transformée en un grand marché qui ne produit plus grand-chose industriellement et qui a prétendu néanmoins encore se développer, souvent en s’appuyant sur la production de services !
La désindustrialisation a débuté avec la crise économique des années 70 et a été particulièrement rapide et profonde en France. Un rapport de France Stratégie publié en novembre 2020, montre que l’industrie française a été particulièrement impactée. (2)
Le nombre d’emplois industriels et la part de la valeur ajoutée industrielle dans le PIB ont été divisés par deux en moins d’un demi siècle. L’industrie autrefois pourvoyeuse d’emplois ne représente plus que 10,3 % du total des emplois. La part de la valeur ajoutée industrielle dans la valeur ajoutée totale est tombée à 13,4 % (contre 25,5 % en Allemagne)
Ce recul de l’industrie française dont les conséquences économiques et sociales ont été si profondes, a été le résultat d’une logique néo-libérale du « laisser-faire / laisser-passer ». La France est devenue rapidement dépendante des marchés mondiaux et des importations de produits manufacturés. Plus encore, le niveau de dépendance de la production industrielle elle-même est passé en vingt ans en France de 20 % à plus de 30 %. (3) Notre déficit du commerce extérieur en a été fortement aggravé.
Comment nos élus ont-ils pu être aussi naïfs et oublier que notre vie quotidienne repose sur la consommation de biens matériels, à commencer par les biens alimentaires basés sur l’agriculture. De Dominique de Villepin à Jean Marc Ayrault les réformes visant à supprimer le commissariat général au Plan se sont succédées.
Notre capacité d’oubli est énorme. Déjà en 2008, le président Sarkozy déclarait : « Je vous le dis : cette crise marquera sans doute pour l’histoire le commencement véritable du XXIe siècle, le moment où tout le monde aura compris qu’il était temps de changer, temps de donner un nouveau visage à la mondialisation, temps de construire un nouvel ordre mondial, politique, économique, social, assis sur de nouveaux principes et de nouvelles règles. »
Et plus loin « Il faut que l’Europe se prépare. Il ne faut pas qu’elle soit la variable d’ajustement du nouvel ordre mondial. Il ne faut pas qu’elle soit naïve, il ne faut pas qu’elle laisse ses entreprises à la merci de tous les prédateurs, il ne faut pas qu’elle soit la seule au monde à ne pas défendre ses intérêts, à ne pas protéger ses citoyens. Il faut que l’Europe tire les leçons de ce qui s’est passé. » (Discours du 23 octobre 2008 à Argonay – Haute Savoie)
Las, il oublia lui-même très rapidement ses propres propos pour retourner à un conformisme économique néo-libéral confortable à court terme et catastrophique à long terme.
D’une façon récurrente, il apparait de plus en plus clairement que dans notre économie de marché, la notion de rationalité limitée (4) des décideurs d’entreprise qui est un concept ancien (défini par Herbert SIMON, dès 1947), doit être étendue et généralisée pour tenir compte de toutes les externalités. Les paramètres écologiques en particulier, mais également l’intérêt général d’une nation au sens large sont ignorés par le marché et les décideurs d’entreprise. Les évolutions souhaitables à long terme dans de nombreux domaines qui ne sont pas intégrés dans la sphère économique du marché et en particulier dans le système des prix ne sont pas pris en compte dans les décisions qui sont prises. Cela pose de plus en plus problème car:
–
Nous subissons une crise environnementale grave
Les décideurs privés ont parfois un pouvoir considérable qui détermine durablement les évolutions sociétales. Les plus grandes entreprises ont désormais un poids économique comparable à celui de certains États.
Les États se sont engagés par le passé dans des accords internationaux (OMC et traités bilatéraux), juridiquement contraignants sans percevoir toutes les conséquences que cela pourrait avoir sur les équilibres économiques, sociaux et environnementaux des pays concernés.Les grandes entreprises exercent des actions de lobbying, à la limite de la légalité, qui viennent fausser les décisions au niveau national ou au niveau européen.
Les grandes entreprises exercent des actions de lobbying, à la limite de la légalité, qui viennent fausser les décisions au niveau national ou au niveau européen.
Aujourd’hui l’idée de planifier à nouveau notre développement économique, social et environnemental a retrouvé du crédit auprès de nos décideurs.
François Bayrou a été nommé Haut commissaire au Plan en 2020. Il s’appuiera sur France Stratégie pour remplir une mission d’éclairage et d’orientation de notre développement national, en coopération avec les autres pays de l’Union européenne.
Il déclarait en septembre 2020 dans un discours devant le CESE (conseil économique, social et environnemental) :
« Tous ces médicaments, d’usage vital ou primordial, que pour beaucoup d’entre eux la France et nos pays européens voisins ont inventés, nous avons découvert que leur fabrication avait été systématiquement délocalisée en Asie, en Inde par exemple, ou en Chine et pour un grand pays comme le nôtre,avec une telle tradition médicale,accepter que soit rompue la chaîne d’approvisionnement en produits aussi indispensables est proprement scandaleux.»
Et plus loin : « Il est des domaines vitaux pour la nation, des domaines vitaux pour la société française, des domaines vitaux pour l’Union européenne, (car je ne fais pas de différence fondamentale entre les intérêts vitaux de la France et ceux de ces voisins et partenaires. Il est des domaines vitaux qui nécessitent une intervention de l’État, en tout cas une orientation et une incitation de l’État, pour que la vie économique n’en compromette pas l’existence et l’efficacité. (…) Il s’agit pour moi, dans un temps ou la dictature de l’immédiat, de l’urgence montée en épingle, des réseaux sociaux qui prennent feu, de l’actualité à tout instant brûlante, il s’agit pour moi de ré-enraciner les sujets de long terme dans le débat public, pour qu’ils soient pris en compte par les décideurs au moment de la décision et par les citoyens dans le débat démocratique.»
Le Haut commissaire au Plan évoque ainsi de nombreuses questions auxquelles il se donne pour mission de proposer des éléments de réponses. Notamment des questions relatives à l’indépendance de la France et/ou de l’Europe, en matière sanitaire, bien sûr mais aussi électronique et alimentaire. Autant de « productions vitales » selon lui. Et il y en a d’autres, comme l’eau potable et l’énergie qui ne doivent pas être non plus oubliées.
L’important est aussi que les réponses que nous saurons peut-être donner soient respectueuses des équilibres écologiques. (5)
La dépendance sanitaire se trouve renforcée par la concentration du secteur pharmaceutique
Les grands groupes sont spécialisés dans certaines molécules et il arrive que seuls deux ou trois d’entre eux réalisent la production d’un médicament donné. Cela génère une fragilité d’approvisionnement d’autant plus forte qu’ils spécialisent eux-mêmes leurs unités de production et que celles-ci sont souvent situées dans des pays lointains pour des raisons d’opportunités productive. Le moindre accident de production devient source de pénurie.
Ainsi les plus grandes entreprises pharmaceutiques réalisent 23,1% du marché mondial et les 10 premières 41,2%. Mais ces Big Pharma sont des machines à produire du dividende pour leurs actionnaires et elles n’ont pas l’agilité et la créativité nécessaires à la mise au point de produits nouveaux. C’est l’affaire des Start-up en biotechnologie qui sont des PMI ou au mieux des entreprises de taille intermédiaire et avec lesquelles les Grands groupes vont coopérer en prenant au besoin des participations au capital. Une façon de limiter les risques pris tout en s’assurant de rester dans la course à l’innovation pour les Big Pharma, quitte à racheter ultérieurement les start-up qui ont développé des brevets devenus prometteurs. (6)
Mais comme toutes les start-up ne réussissent pas elles représentent un coût pour les grands groupes, coût que ceux-ci mettent en avant pour justifier des prix jugés parfois exorbitants par les médecins, usagers et organismes de Sécurité sociale. Il y a fort à parier que le lobbying de ces grands groupes auprès des médecins spécialistes qui conseillent les organismes publics n’y est pas pour rien.
Or les start-up sont pour la plupart créées par des chercheurs de laboratoires de recherche financés au moins en partie par des fonds publics. De sorte que ce sont des financements publics qui permettent les innovations qui sont ensuite rachetées sous formes de brevets en même temps que la start-up qui les a mises au point (et les apporte en actifs immatériels au groupe pharmaceutique qui la rachète) et qui sont ensuite rentabilisées par une commercialisation « à prix d’or » sur le marché, au grand désavantage des organismes d’assurance maladie européens.
A ce compte là les laboratoires risquent peu et gagnent beaucoup, même s’ils n’atteignent pas toujours le graal d’un blockbuster, tant recherché. Les exemples sont nombreux comme le montre le reportage-enquête de l’émission Théma de la chaine de télévision Arte diffusée le 26/10/2021 (intitulé Big Pharma, les labos tout puissants)
Comment remédier au problème de dépendance sanitaire ?
> On évoque ici et là une relocalisation nécessaire de nombreux médicaments d’intérêt thérapeutique majeur dont les brevets sont tombés dans le domaine public et qui ne rapporteraient pas assez de rentabilité aux industriels, soucieux de servir des dividendes à leurs actionnaires.
Les pouvoirs publics nationaux européens peuvent s’appuyer, pour négocier, sur leurs systèmes de Sécurité sociale qui représentent autant de garanties d’achats massifs pour les laboratoires.
>Pour les médicaments anciens (dont les brevets sont tombés ou sont banalisés), la solution pourrait être de mettre en place des productions par contrat de concession (ou de régie intéressée) de production d’intérêt général passés entre l’Etat ou des Régions et des entreprises industrielles non cotées. La puissance publique participant aux investissements d’infrastructure initiaux contre un engagement de quantité et de qualité à un prix préalablement négocié.
La non cotation des sociétés concessionnaires semble une garantie nécessaire afin que celles-ci ne perdent jamais de vue leur objectif de production d’intérêt général.
>Pour les nouveaux produits de traitement pharmaceutique,un droit de préemption, créé par la loi, peut être mis en place lors de l’achat d’une start-up dont le potentiel d’innovation est prometteur. Cette préemption pourrait être exercée au prix du marché par un établissement public de santé doté du financement nécessaire (par une banque publique d’investissement comme la BPI en France). C’est ensuite cet établissement public qui serait chargé de développer l’industrialisation de l’innovation pharmaceutique en la sous traitant à une ou plusieurs sociétés pharmaceutiques. Ainsi le nouveau traitement pourra-t-il être commercialisé à un prix raisonnable, l’établissement public n’ayant pas d’actionnaires à rémunérer ni de cours de bourse à valoriser.
> Lorsqu’un besoin particulier de santé publique apparaît comme lors d’une épidémie, la puissance publique nationale ou européenne peut investir massivement dans la recherche publique et privée contre des engagements de production géographiquement localisée, afin de sécuriser les approvisionnements à venir.
>D’une façon générale, une planification indicative et incitative, au niveau national et/ou au niveau européen semble nécessaire afin d’anticiper les évolutions et les besoins qui en résulteront tant au niveau démographique qu’au niveau des évolutions des pathologies liées aux activités économiques, aux pollutions subies à long terme. Cette planification aurait pour but d’orienter les industriels vers certains investissements en R&D et en industrialisation ainsi que d’orienter les secteurs de la formation et de la recherche dans la bonne voie.
Comment surmonter le coût du vaccin dans les pays en voie de développement ?
Les pays en développement (PED) n’ont souvent pas les ressources nécessaires pour acheter aux laboratoires les médicaments nécessaires pour assurer la santé ou simplement la survie de leur population devant certains virus et maladies.
Or une disposition des accords signés dans le cadre de l’OMC permet aux pays en développement (PED), en cas de risque important de santé publique, de ne pas respecter, au moins temporairement, la propriété industrielle afin de produire les médicaments nécessaires à leur population. Il s’agit alors d’un droit d’utiliser un brevet sans demander l’autorisation du propriétaire (Laboratoire pharmaceutique) pour cause de santé publique.
Les articles 6 et 8.1 et 8.2 des accords ADPIC (aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) de l’OMC autorisent ainsi un pays à effectuer des importations parallèles (pour ceux qui sont trop petits pour produire eux mêmes) ou bien à faire produire sur place, sous « licence obligatoire » (c’est à dire sans accord du propriétaire) afin d’obtenir au nom de la santé publique, un médicament essentiel pour la population à un prix réduit. Cela correspond bien au cas d’une pandémie et on peut penser que l’OMS dans le cadre de ses négociations avec les laboratoires s’appuie sur ces disposition des accords ADPIC afin d’obtenir des vaccins à prix réduits pour les habitants des pays non industrialisés, les laboratoires préférant toujours produire eux-mêmes à prix réduits plutôt que de voir se multiplier les génériques avant même l’écoulement des 20 ans d’exploitation de leur brevet. (7)
(3) – Sébastien Jean, Ariell Reshef, Gianluca Santoni, « Les chaînes de valeur mondiales à l’épreuve de la crise sanitaire », in L’économie mondiale 2021, La Découverte, 2020
(4) – Gilles Bressy & Christian Konkuyt, Management et économie des entreprises, Aide-mémoire SIREY 12ième édition, 2018 – Chap 6 Entreprendre et diriger / Le processus de décision.
(5) – François Bayrou, Discours de présentation de la méthode et de l’agenda de travail du Haut-commissariat au Plan au Conseil économique, social et environnemental le 22 septembre 2020
(6) – Justin Delépine, Big Pharma ne connaît pas la crise, Alternatives économiques, 24 septembre 2020
(7) – Claude Mfuka, Accords ADPIC et brevets pharmaceutiques : le difficile accès des pays en développement aux médicaments antisida, Revue d’économie industrielle, n°99, 2002 https://www.persee.fr/doc/rei_0154-3229_2002_num_99_1_3023
Les raisons de la défiance dans nos institutions sont de plus en plus nombreuses. Elles aboutissent à un sentiment général que les promesses de nos élites n’ont pas été tenues, ou pire ne sont jamais tenues. (Le fameux « Elles n’engagent que ceux qui les croient »). On peut sans doute trouver là une explication du taux d’abstention croissant lors des diverses élections prévues par notre constitution.
Une confiance réciproque est nécessaire à un management efficace. Cela est vrai dans l’entreprise comme dans toute organisation, y compris au niveau d’une collectivité. C’est également vrai en ce qui concerne la gouvernance d’un Etat et l’administration d’un pays.
Autant la confiance vient faciliter toutes les relations de coopération entre les humains autant la défiance agit au contraire comme un frein, un facteur perturbateur qui engendre une déperdition d’énergie conduisant à la sous productivité et l’inefficacité.
Une défiance envers nos institutions est observable en France(1)
A force de prendre les citoyens pour des gnous, nos élites ont récolté la défiance (2). On peut constater aujourd’hui une crise de confiance envers nos institutions politiques.
Les risques qui en résultent:
Cette défiance favorise une certaine « désobéissance généralisée » des citoyens.
Elle fait surtout le lit des extrémismes et ouvre la voie à tous les bateleurs de foire qui se présentent comme des êtres providentiels.
Hitler, Mussolini, Franco, Staline, Mao Zedong, la liste est longue des profiteurs de la détresse populaire qui est souvent née d’une crise de confiance.
On voit tout le mal qui peut en résulter et il est utile de se demander comment nos institutions ont pu perdre progressivement leur crédit vis à vis des citoyens.
Le jeu des bonimenteurs
Les raisons de la défiance actuelle liées au comportement de nos représentants,
Un comportement élitiste et antidémocratique de nos représentants élus et désignés a joué un grand rôle.
Celui-ci s’est manifesté clairement avec le fameux nuage radioactif de Tchernobyl où l’on a vu les pouvoirs publics nier l’évidence en prenant les citoyens pour des niais, faute d’être capable de proposer un protocole sanitaire adapté. Certains scandales comme celui du sang contaminé, puis d’autres comme la fraude fiscale clownesque du ministre du budget de François Hollande Jérôme Cahusac, ont contribué à décrédibiliser nos élus et gouvernants.
Au-delà de comportements individuels inacceptables, sous la présidence Sarkozy (mai 2007/mai2012), un nouvel événement est venu se graver dans la mémoire collective avec la grande manipulation anti-démocratique qui a suivi en 2005 la victoire du « non » au référendum sur le projet de constitution européenne défini par le traité de Lisbonne.(3)Pourtant nos dirigeants de l’époque, Jacques Chirac (mai 1995/ mai 2007) pour la présidence et Nicolas Sarkozy pour la direction de l’UMP, affirment que « l’Europe ne peut pas rester en panne ». Les citoyens des Pays Bas, à leur tour, voteront majoritairement « non » en juin 2005 par référendum.
Un tel désaveux par deux peuples souverains aurait du mettre radicalement fin au projet et appeler une prise en compte de ce rejet et des évolutions nécessaires. La manipulation qui a suivi a été une grande leçon de cynisme et de manœuvre de contournement de la règle démocratique.
Les grands perdants furent la crédibilité des institutions politiques françaises et de l’Union européenne, coupables aux yeux des citoyens de déni de démocratie. C’est ainsi qu’en février 2008, le gouvernement a présenté au Parlement réunissant les deux chambres à Versailles un projet de modification de quelques règles constitutionnelles puis a fait voter par l’assemblée Nationale un traité modificatif européen, très peu différent sur le fond du texte initial, refusé en 2005 par référendum.
Les élites du pays et les représentants élus des citoyens ont sans doute perdu ce jour là une bonne partie de la confiance du peuple de France. D’autant que la qualité des services publics s’est progressivement dégradée.
La crise de nos services publics
Le conformisme néo-libéral très répandu dans les institutions européennes et françaises a entrepris dans les années 2000 de mettre fin aux monopoles et de privatiser les « opérateurs ». Il faut rationaliser le management des services publics pour dépenser moins. Mais attention ! On prétend ne pas produire moins ni moins bien, c’est « une modernisation et une optimisation ». Un nouvel état d’esprit est insufflé dans ce sens auprès des élèves de l’ENA. On va « diriger par objectifs » les administrations publiques afin de leur donner l’ »efficacité du secteur privé ». Les cadres de la fonction publique doivent exercer de nouvelles responsabilités car l’efficacité passe par une décentralisation des pouvoirs qui doit permettre une plus grande adaptation aux besoins et une réactivité.(4)
De même des méthodes d’évaluation des politiques menées et des services publics produits ont été mises en place. Ces batteries d’indicateurs et ces dialogues de performance ont accaparé les cadres publics jusqu’à développer un nouveau « biais bureaucratique » en amenant les organisations publiques et parapubliques à chercher à atteindre des objectifs chiffrés toujours plus détaillés, avant de se préoccuper des besoins réels des usagers, de leur évolution et des nouvelles solutions à développer.
Arrêtons de couvrir un trop grand nombre des restrictions de moyens budgétaire par le concept de rationalisation ! Un personnel et un arsenal d’outils bureaucratiques de « contrôle de gestion » se sont développés dans les ministères et les administrations publiques, au détriment des activités et des personnels opérationnels (ceux qui produisent et qui sont en contact avec les usagers et la réalité du terrain).
Le résultat a été en France un cortège de réformes comme dans l’éducation et dans la santé où l’on a vu la quantité et la qualité des services se dégrader jusqu’à aboutir à des pénuries. Chaque réforme est présentée comme une rationalisation et une modernisation dans l’intérêt des usagers quand le but inavouable et permanent sous-jacent est la fameuse « maîtrise des dépenses » car il ne faut pas que notre taux de prélèvements obligatoires soit trop élevé.
La crise de notre secteur sanitaire et médical
> La crise de notre secteur sanitaire et médical est apparue au grand jour avec la crise de la covid19. Le manque de moyens de nos hôpitaux publics est devenu une évidence partagée par tous et qui fait bien sûr douter de la capacité de nos élus à gérer un service public aussi essentiel que la santé.
Sans évoquer la question invraisemblable de l’absence de stock de sécurité de masques et gel hydro alcoolique, la pénurie de personnel et la surcharge horaire des soignants qui en résulte est hallucinante tant et si bien que la crise du covid se traduit par des dépressions et burn-out, des suicides et par des défections massives vers le secteur privé. La revalorisation qui a finalement eu lieu n’est toujours pas à la hauteur des enjeux, surtout pour le personnel infirmier spécialisé.
Chacun est concerné par la pénurie de soins quand il s’agit de prendre un rendez-vous chez un chirurgien-dentiste, un ophtalmologue ou un cardiologue.
De nombreux patients ont subi des reports d’examens et d’interventions du fait de la surcharge de notre système liée au Covid.
La non-vaccination d’un pourcentage élevé de soignants en Ephad et dans les structures de soin a également été un facteur de doute et de perte de confiance dans notre système de santé.
De même le risque de pénurie soudaine de médicaments essentiels (MITM, médicaments d’intérêt thérapeutique majeur) à certains traitements médicaux est un autre symptôme du relâchement des politiques publiques. Comme si nos élus oubliaient pourquoi ils sont en poste et se préoccupaient surtout de leur réélection. Ce sont en effet aujourd’hui les groupes pharmaceutiques qui décident de ce qu’ils vont assurer comme approvisionnements en médicaments, en fonction d’un critère de rentabilité. Des dispositifs ont certes été mis en place par la feuille de route 2019-2022 d’Agnès Buzin mais ils concernent principalement les moyens de faire face à court terme aux problèmes de pénuries. Or le problème est structurel et ne peut être réglé sans modifier la logique de fonctionnement du marché du secteur pharmaceutique, en France et en Europe.
La faiblesse de notre secteur de recherche et développement (R&D)
La recherche et développement prépare l’avenir industriel, économique et écologique général d’un pays. Les citoyens mieux formés, en ont parfaitement conscience.
En effet, la R&D a des conséquences essentielles sur le développement économique des pays, en permettant de faire évoluer les appareils productifs et de mettre en œuvre de nouvelles activités génératrices d’emplois et respectueuses de notre environnement.
La recherche et développement rassemble toutes les activités qui partent des laboratoires de recherche pour aller jusqu’à la mise au point de produits nouveaux. Ses impacts sont très importants sur les entreprises qui vont innover grâce à elle à travers des applications économiques des inventions qui se concrétisent dans des produits ou des procédés de fabrication nouveaux.(5)
>La faiblesse de notre secteur de recherche et développement est clairement apparue lors de la crise sanitaire lorsque l’on a constaté que nos instituts de recherche médicale n’étaient plus à la hauteur dans la mise au point rapide d’un vaccin. Les économies ne sont pourtant pas de mise lorsqu’il s’agit de préparer l’avenir avec des nouvelles technologies. Un budget européen de la Recherche digne de ce nom rétablirait sans doute un semblant de confiance lorsque l’on apprend les efforts des pouvoirs publics étasuniens et chinois dans ces domaines.
> Il devient aberrant de former des scientifiques de bon niveau qui vont ensuite s’expatrier aux USA pour bénéficier de conditions de travail et de rémunération meilleures. La DIRD (dépense intérieure en recherche et développement) était de 2,25% en France en 2017, contre 3,02% en Allemagne, 3,28% au japon et 4, 22% en Corée du Sud. La France est à la limite de l’exclusion du top 10, ce qui correspond à un net décrochage depuis les 15 dernières années.
Il faut dire que les salaires des chercheurs français sont ridiculement bas (comme ceux des enseignants) en comparaison de ceux de leurs collègues de l’OCDE et les chercheurs français ont trois fois moins de moyens que leurs collègues pour développer leurs projets de recherche et leurs équipements sont souvent obsolètes (exemple de la faible dotation en cryo-microscopes électroniques ou en sondes atomiques tomographiques) (6)
Il ne faut pas attendre les budgets de l’Union européenne pour financer notre effort de recherche ! Ils ne doivent être considérés que comme du bonus.
Quand la justice ne passe plus vraiment !
Selon une enquête Harris Interactive réalisée en ligne en mai 2021, 80% des français déclare que la sécurité est un sujet qui les préoccupe et 73% font confiance à la police mais 49% seulement à la justice. Un projet de loi « pour la confiance dans l’institution judiciaire » a été débattu à l’Assemblée nationale et l’est actuellement au Sénat. Ses dispositions sont loin de suffire pour régler les problèmes rencontrés.
> L’évolution de la réglementation et la surcharge des tribunaux au sens large
Des années d’abandon de la justice par les gouvernements successifs ont conduit à une situation calamiteuse qui a pour résultat que les sanctions sont prononcées avec un grand retard et sont peu exécutées, faute de places en établissements pénitentiaires!
On peut relever dans les évolutions en cours des facteurs aggravants :
– L’évolution de la réglementation pose plusieurs problèmes :
Les réformes permanentes de la loi génèrent une instabilité de celle-ci qui fait que l’on ne sait plus (hormis les spécialistes) quelles sont les règles qui s’appliquent ! En matière économique cela perturbe souvent le calcul économique des chefs d’entreprise et peut décourager l’activité (On va s’installer ou se développer hors de France pour éviter çà).
Le manque de moyens de l’Agence Française Anticorruption (AFA) est en cours de résolution par….un démantèlement pur et simple de cette agence dont le rôle semble pourtant indispensable !
La protection du secret professionnel des avocats serait étendue aux activités de conseil des avocats ce qui va rendre plus difficile la preuve des infractions fiscales et de blanchiment….
– La surcharge de nos tribunaux (greffes, parquet, juridictions) engendre des délais tellement importants que les justiciables « n’y croient plus » et qu’ils finissent par penser que nous sommes entrés dans la loi de la jungle et qu’il est réaliste de ne compter que sur soi pour obtenir justice ou réparation.
D’autant que tout un chacun connaît la saturation de notre système pénitentiaire. Les jugements ne sont souvent pas suivis des effets attendus. De là à descendre dans la rue et à prendre les armes il n’y a qu’un pas. Le mouvement des gilets jaunes s’est aussi nourri de cela : un sentiment d’injustice.
D’autant que la criminalité en cols blancs se développe à bon train, faute de trouver en face d’elle des services de police spécialisés et des juges spécialistes des infractions financières et économiques (fraude aux prestations sociales, escroqueries à la TVA ou aux prêts immobiliers ou à l’installation de panneaux photovoltaïques, ou à la carte bancaire ou à la transaction en ligne, etc..). Une répression efficace permettrait pourtant de faire rentrer dans les caisses de l’État et de la Sécurité sociale des sommes importantes !
Pour conclure, il est prioritaire d’augmenter sensiblement le budget de la justice. Cela a été commencé mais il faut poursuivre pendant des années pour rattraper l’énorme retard !
Il y a souvent moins de candidats que de places aux concours de recrutement des professeurs et tous les postes ne sont pas forcément pourvus lorsque le niveau est trop bas !
Selon un rapport annuel de l’OCDE publié le 16 septembre 2021, la France rémunère son corps enseignant 15% en dessous de la moyenne de l’ensemble des pays membres et cet écart monte à 20% pour les enseignants expérimentés.
>Notre éducation nationale tourne aujourd’hui à la farce quand on apprend que l’on avoisine les 90% de réussites au baccalauréat. Chacun est devenu conscient que ce diplôme qui devrait ouvrir la porte de la poursuite d’études ne correspond plus qu’à un rituel social. Le développement du contrôle continu comme modalité d’examen va dans le sens d’une dégradation encore plus grande du niveau des élèves. Le nouveau nom de ce ministère devrait être celui de secteur occupationnel et éducatif tant on lui assigne de nombreuses missions d’éducation civique, sexuelle, anti-discriminatoire, environnementale, etc.. qui n’ont plus grand-chose à voir avec un enseignement de base dans les matières nécessaires à la poursuite d’études et la vie de citoyen averti : Français, Mathématiques, Langues étrangères, Histoire et géographie, Sciences, Economie, Sports…
Il n’y a que le ministre qui soit satisfait des évolutions en cours et qui s’en félicite régulièrement dans un exercice d’auto-félicitation devant l’assemblée nationale.
>Désormais chaque élève choisit son menu – à condition que l’établissement d’enseignement le permette tant les budgets sont contraints et les options clairsemées au niveau des départements-. Donc, une réforme « poudre aux yeux » qui génère confusion, hypocrisie et inégalité selon les territoires, tout en réduisant le nombre d’heures d’enseignement ou/et de correction d’examen. Gare à ceux qui ne se préoccupent pas des filières d’enseignement supérieur à choisir dès la fin de seconde.
>« Le niveau n’est plus le même » constatent depuis des années les enseignants du supérieur qui reçoivent les élèves sortant de terminale. C’est normal, puisque les inspecteurs pédagogiques veillent à ce que le bac ne soit pas trop difficile pour ne pas garder les élèves en les faisant redoubler. Le redoublement est en effet depuis longtemps devenu très exceptionnel car il est coûteux. La logique économique l’emporte désormais sur la logique pédagogique ce qui devrait faire réfléchir… Et le « bac par contrôle continu » va aggraver le problème.
Les enseignants « traînent » ainsi dans leurs classes des élèves qui n’ont pas le niveau (faute de motivation ou d’avoir eu le temps nécessaire à leurs apprentissages), et qui alourdissent les cours par un comportement inadapté faute de pouvoir suivre. Le niveau d’enseignement en est impacté ainsi que le climat des classes. Mais rien ne doit freiner la mécanique mise en place et dont les nouveaux chefs d’établissements (managers) ont la responsabilité. « Circulez, il n’y a rien à discuter ! » Sinon gare à la notation administrative. On ne sanctionne plus vraiment les élèves indisciplinés (on ne peut plus donner de retenues, ni mettre un élève à la porte de la classe) qui s’en donnent à cœur joie.
Dans ces conditions la seule solution pour les enseignants serait souvent de ne pas respecter le règlement !
>La nouvelle réforme est aussi de permettre aux chefs d’établissement (qui sont de moins en moins souvent d’anciens enseignants) de recruter eux mêmes leur « équipe éducative ». Sur quels critères ? On parle désormais de « culture du management » dans le ministère de l’éducation nationale. Un comble ! Car s’il est bien un domaine qu’il ne faut pas confondre avec celui de l’entreprise, c’est celui de l’enseignement et l’éducation des jeunes. Bientôt peut-être, la notation des enseignants par les élèves sera mise en place et la farce démagogique sera maximale.
Le manque de candidats aux concours de recrutement des enseignants du second degré et du technique est la preuve criante que l’exercice du métier d’enseignant a perdu une grande partie de son sens et aussi que le niveau des rémunérations est très insuffisant. Il a décliné de façon régulière depuis trente ans en niveau de pouvoir d’achat. On parle de « prolétarisation des enseignants ».
Pour faire face au problème, le « ministre autosatisfait » a surtout créé un observatoire de l’évolution du pouvoir d’achat des enseignants alors que chacun peut mesurer la dégringolade de ce pouvoir d’achat. Selon le SNES (syndicat national des enseignants du second degré, la profession subit depuis 2010 un gel du point d’indice et une augmentation de la retenue pour pension qui a généré de 2000 à 2015 une perte équivalente à 2 mois de salaire par an. De sorte que le salaire net mensuel moyen d’un professeur est inférieur de 32,7% à celui d’un cadre du secteur privé !
Pour terminer sur ce sujet, on pourrait souffler aux ministres et inspecteurs de toutes disciplines et de tout poil « Vive la sélection ! » notamment à l’entrée dans les classes. Et chacun y trouvera sa place de façon réaliste. De même, « Vive l’apprentissage » et vive les différentes formules d’alternance (Mais cela est plus consensuel car beaucoup moins coûteux) et aussi « vive les classes de transition » pour corriger les erreurs d’orientation éventuelles. Payer décemment les enseignants n’a rien d’irresponsable si on veut recruter, et a fortiori recruter des personnels de qualité ! Le respect du corps enseignant passe par une rémunération à hauteur de ce qui est alloué au même niveau de formation dans le reste de l’économie, à niveau de formation équivalent
La connectique peut nous diminuer en nous divisant
> Connectés de force, certains citoyens sont « largués »
L’illectronisme n’est pas une fable et concernerait 16,5% des français. Il a été dans certains cas « révélé » par les confinements et la « mise en ligne » de nombreuses informations et formalités administratives. Ce sont surtout les personnes âgées et les personnes les moins formées.
> La dématérialisation des services administratifs génère un sentiment d’exclusion chez certains
Ainsi certains citoyens se sentent injustement marginalisés. Selon un rapport récent du Conseil d’orientation de l’édition publique et de l’information administrative (Coepia) au moins 20% de la population française se heurte à des difficultés « structurelles » face à la dématérialisation des services publics. (8)
La dématérialisation ne doit jamais être totale et doit toujours laisser la possibilité d’un contact direct « au guichet ». Cela est vrai également dans les entreprises de service privées comme les banques ou les services de transport.
>Nous sommes victimes des réseaux « web-sociaux» comme les autres pays connectés.
Les réseaux web-sociaux se nourrissent souvent de racontars, bruits de couloir, rumeurs dont certaines plates-formes se sont fait une spécialité. Des trolls (dont certains sont téléguidés par nos amis russes et chinois) alimentent ces réseaux en fausses nouvelles qui se trouvent ainsi amplifiées et viennent déformer la réalité qui n’est parfois perçue qu’à travers ces réseaux, faute d’avoir su former des citoyens avertis et critiques dans notre système éducatif. Ce que l’on désigne souvent par «réseaux sociaux» sont des plates-formes « web-relationelles » qui enferment les adolescents dans des comportements aberrants en leur faisant subir une pression par l’image qui conduit à développer la vanité et la mythomanie. Les futurs citoyens se développent ainsi sans intégrer les dimensions essentielles à la vie en société : réflexion autonome, sens de l’effort, responsabilités liée à la citoyenneté, capacité d’expression directe en face à face, capacité d’initiative etc..
On l’a vu notamment avec le mouvement antivax qui est en soi une aberration dans la mesure où chacun sait que notre population ne vit à l’abri de nombreuses maladies épidémiques que grâce aux vaccins (poliomyélite, tuberculose, variole, coqueluche, etc..).
La diffusion de ces « fake news » entretient un climat de méfiance généralisée.
Les obligations de surveillance des contenus par les différents plate-formes doivent être renforcées et la réglementation pénale concernant internet doit être appliquée.
En conclusion : La confiance est un paramètre indispensable qui se mérite….
Dans une entreprise, la nécessaire coopération entre les acteurs est largement facilitée par la confiance mutuelle et la confiance dans la direction. Plus la production est complexe et plus l’ajustement mutuel reposant sur la coopération joue un grand rôle. (9)
Au niveau d’un pays comme la France, les relations de citoyenneté peuvent jouer un rôle facilitateur important de la vie sociale et économique. La confiance dans les institutions est un préalable indispensable à la vie démocratique comme à la vie économique et au respect de l’environnement et des équilibres écologiques.
Un pays et ses entreprises peuvent donc redouter la montée de la défiance et il est urgent de remédier aux problèmes posés plus haut, tant au niveau national qu’au niveau européen.
Quant à ceux qui se scandalisent de l’importance de notre taux de prélèvements obligatoires (44,5%) en 2020, il faut simplement leur rappeler que la moitié de ce taux est constitué des cotisations sociales qui sont en fait redistribuées (24,5%) sous forme de prestations, concrétisant sur le plan pécuniaire notre devise nationale de « Liberté, égalité et fraternité ».(10)
(1) On pourrait retrouver le même phénomène dans d’autres pays européens, ce qui donne également à réfléchir.
(2) Le général De Gaulle disait « Il ne faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages »
(3) Celui-ci l’a emporté avec 55% de votes « non » et 70% de votants.
(4) Ces évolutions sont contenues dans la fameuse loi LOLF qui a prétendu faire passer la gestion des administrations d’une logique de moyens à une logique de résultats
(5) Concernant l’innovation et la recherche et développement, voir « Les variables d’action stratégique » in chapitre 9 La démarche stratégique p 185 à 192. de l’aide-mémoire Management et économie des entreprises, Ed. SIREY – 2018
(6) Recherche : les raisons du déclin français, David Larousserie, in Le Monde, 29 septembre 2021
(8) « Trente recommandations pour n’oublier personne dans la transformation numérique des services publics », Conseil d’Orientation de l’Édition publique et de l’Information administrative, janvier 2018
(9) Voir le chapitre 13, Les théories des organisations dans Management et économie des entreprises , G. Bressy et C. Konkuyt Aide mémoire SIREY, 2018
Parfois lorsque l’on a affaire à une entreprise, on a l’impression de s’adresser à un service de la sécurité sociale ou de l’administration préfectorale, ou aux services d’un rectorat, un vrai dédale administratif de style kafkaïen. On se pensait un client-roi et on se retrouve mouton qu’on a tondu ou pigeon qu’on va plumer ou pire, un numéro que l’on va ignorer, égarer de courrier en courrier ou perdre d’un accueil téléphonique à l’autre.
Est-ce le résultat de la nouvelle approche de Vineet Nayar (1), célèbre homme d’affaires indien, qui privilégie les employés aux clients ? Non, c’est simplement le résultat d’un dysfonctionnement catastrophique : on est alors en plein délire bureaucratique, une maladie des grandes organisations, souvent étatiques mais pas seulement. Car les grandes entreprises tombent souvent, elles aussi, dans ce travers.
Le travers bureaucratique
Le grand sociologue Max Weber (2) préconisait que les organisations s’appuient sur une « légitimité rationnelle légale » qu’il qualifiait également de « bureaucratie » pour organiser leurs activités de façon rationnelle, selon un ensemble de règles pré-établies. Il considérait que se référer à un tel règlement permettait de garantir la rationalité des décisions. On peut faire aujourd’hui le parallèle avec les logiciels d’aide à la décision. Mais des sociologues comme Robert K. Merton (3), puis Michel Crozier (4) nous ont montré à partir de leurs observations en entreprise que les grandes organisations pouvaient subir un « biais bureaucratique » ou un « cercle vicieux bureaucratique », c’est-à-dire un fonctionnement consistant concrètement à surtout suivre « le règlement » de façon routinière plutôt qu’à chercher à satisfaire les clients !
Ce biais bureaucratique naît progressivement, insidieusement, lorsqu’une entreprise grandit et a besoin de trouver de nouvelles façons d’organiser les activités et de coordonner les employés du fait que l’ajustement mutuel et les moyens de communication interne ne suffisent plus.
Un encadrement opérationnel et des services fonctionnels de contrôle de gestion et de planification des activités se développent alors, multipliant parfois les règles, les objectifs, les procédures, les questionnaires, les comptes-rendus, les documents budgétaires, asphyxiant progressivement les opérationnels qui n’en peuvent mais et qui en oublient leur mission première et leurs clients ou bénéficiaires.
Le diagnostic n’est pas si facile à réaliser car les services fonctionnels développent une communication efficace sur le travail, les résultats, comme si c’était eux qui produisaient, alors qu’ils ne font que recueillir et retranscrire et mettre en forme le travail des opérationnels. Au bout du compte c’est lorsque les opérationnels s’effondrent sous le poids cumulé de leurs opérations et des activités croissantes de reporting que l’on se rend compte que le mal est fait et qu’il est souvent trop tard. Trop tard, parce que de plus en plus de clients vont voir ailleurs et que les opérationnels les plus performants et autonomes sont partis !
Le revers des économies d’échelle
Tout dirigeant rêve de réaliser des économies d’échelle en augmentant le volume d’activité afin de répartir des coûts fixes sur de plus grandes quantités produites. Plus les coûts fixes sont élevés et plus cette recette miracle va jouer !
Le coût unitaire global (fixe + variable) diminue comme par enchantement, améliorant la compétitivité (par la baisse de prix qu’il autorise) ou la rentabilité (par augmentation de la marge). Fabuleux !
En plus, à plus long terme le développement de la quantité produite et vendue va permettre d’accéder à de nouveaux procédés et technologies jusque là inaccessibles en raison de leur coût total trop élevé.
Ce n’est pas pour rien que la concentration industrielle est la plus forte dans le pétrole, la sidérurgie ou l’automobile et l’aéronautique. Le besoin en investissements en capital technique y est considérable et c’est ce capital technique qui explique la plus grande partie de la valeur ajoutée de ces entreprises géantes.
Dans tous les secteurs on retrouve ce phénomène d’économies d’échelle mais on rencontre également un phénomène inverse, celui des déséconomies d’échelle qui vient parfois tout gâcher.
A quoi sert de grandir si c’est pour subir le biais bureaucratique signalé plus haut avec une augmentation des fameux « frais généraux » ? A quoi sert de voir s’accroître son pouvoir de négociation du fait de sa taille, si on perd le contact avec la clientèle et avec les évolutions technologiques ? Si on a pris l’habitude de faire reposer sa rentabilité sur une rente de situation en pressurant les fournisseurs et sous-traitants ? Si on a installé une rigidité de fonctionnement telle que l’on est toujours en retard sur les évolutions du secteur et de l’économie en général ?
En Allemagne, il y a beaucoup d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) qui ont une dimension suffisante pour réaliser des économies d’échelle sans trop subir les désagréments d’une trop grande dimension. En France, nous en manquons ce qui affaiblit nos secteurs industriels. C’est sur cette dimension intermédiaire qu’il faudrait axer nos efforts de développement économique, planifié de façon souple et incitative par les pouvoirs publics.
Dans le secteur administratif aussi
La Sécurité sociale, Pôle Emploi sont des exemples de grandes organisations bureaucratiques qui ont des états majors nationaux et régionaux conséquents capables de fournir des informations sur tout ce qu’il s’y passe ou qu’il devrait s’y passer ; de formuler des plans d’action et de réforme à tire larigot et de le faire savoir à qui de droit et à tous les partenaires publics, associatifs et mutualistes..
On se retrouve ainsi avec des structures aux services centraux pesants sur les services opérationnels de façon permanente, comme pour détourner les efforts de ces derniers de leur mission première : le service du public et des utilisateurs de leurs services.
Ces mastodontes ont leur propre logique de croissance et prétendent souvent que grâce à elle, ils amélioreront leur efficacité grâce à une standardisation et des économies d’échelle. Or dans ces domaines d’activité essentiellement de service, les économies d’échelle sont modestes, sauf à vouloir standardiser à outrance une prestation qui perd alors de sa pertinence et de sa qualité.
Ainsi le régime général a-t-il des prétentions d’intégration des différents régimes spéciaux de protection sociale, sous prétexte de simplification, de rationalisation et de guichet unique ! Il en va de même pour Pôle Emploi vis-à-vis des Missions locales et du réseau Cap emploi.
Le risque est alors d’intégrer des structures agiles et efficaces (comme les associations labellisées Cap emploi) fonctionnant sur une logique de communication interne, de responsabilisation personnelle et d’ajustement mutuel, dans des grands ensembles bureaucratiques où elles vont se perdre et se diluer pour tomber à plus ou moins brève échéance dans les travers d’un contrôle de gestion chronophage et omniprésent. Cela déboucherait inévitablement sur le fameux biais bureaucratique évoqué plus haut : on cherche alors à suivre le règlement et à atteindre les objectifs fixés par le plan d’action au lieu de se vouer à la satisfaction des bénéficiaires. Un vrai gâchis.
Comment surmonter ces problèmes
Les grandes entreprises cherchent bien sûr à surmonter ces problèmes en décentralisant leur organisation et en responsabilisant les animateurs des unités opérationnelles sur la réalisation d’objectifs globaux de rentabilité et/ou de croissance.
Antoine Riboud, Fondateur du groupe Danone affirmait volontiers qu’il concevait l’organisation de sa grande entreprise comme une fédération de PME.
Comment affronter les différentes formes de « peste idéologique » qu’elle soit d’inspiration religieuse, sectaire ou politique, au sein de l’institution scolaire ?
L’école dernier champ de bataille ?
> Les professeurs seraient-ils le dernier maillon ?
Après avoir tant dénigré l’école et dévalorisé les professeurs jusque dans le langage (les « profs » /vous êtes prof ? / prof de quoi ? / il faut demander aux profs de…), on se rend aujourd’hui compte que les professeurs (pourtant souvent moins bien rémunérés que les administratifs des inspections académiques et des rectorats), sont le dernier maillon de la chaîne de défense de la laïcité et de « l’esprit des lumières ».
Le « prof-bashing » des médias a fait beaucoup pour discréditer l’effort des enseignants mais il n’est que l’un des éléments qui ont dévalorisé la place des enseignants dans notre société. La perte importante du pouvoir d’achat des enseignants depuis une trentaine d’années y est pour beaucoup, étant entendu que c’est « un métier de vocation » (un peu comme celui de soignant ou d’agriculteur) et de plus en plus féminin et que l’on peut donc sous payer facilement.
Il y a aussi la manie des réformes que chaque nouveau ministre, sans bien connaître son sujet et s’en remettant à de hauts fonctionnaires « hors sol », veut imposer au « mamouth » de l’institution éducative (Exemple du ministre Blanquer après tant d’autres). D’une réforme à l’autre les conditions se dégradent en terme de confort pédagogique et de nombre d’heures d’enseignement, dans l’indifférence générale (On n’aime pas trop l’indépendance d’esprit des enseignants ni leurs vacances).
Résultat : de moins en moins de candidat(e)s pour exercer cette profession devenue difficile et dépréciée. Pourtant si ce maillon cassait lui aussi…
> Les agressions et revendications des parents
Les parents d’élève doivent signer en début d’année scolaire la charte de la laïcité.
Les contestations de l’enseignement par des élèves ou des parents se sont multipliées depuis que de joyeux démagogues bien pensants et gouvernants ont décidé de « faire enter les parents dans l’école ».
La revendication des menus halal, du droit de porter un voile à l’école ou dans l’accompagnement des sorties scolaires par les parents. Autant de petits combats qui, pied à pied, tentent de faire entrer une religion dans l’école de la République.
On a pu relever ici et là l’autocensure de certains enseignants qui ne supportent plus la moindre critique à l’égard de l’islamisme radical, par peur réflexe de se retrouver confrontés à l’hostilité des élèves et des parents d’élèves vindicatifs qui pensent gagner le salut de leur âme dans ce combat. Cette auto-censure est déjà un recul des libertés publiques, même si elle reste minoritaire aujourd’hui.
> Les enseignements des institutions « hors contrat »
Ces établissements sont quant à eux hors contrôle de l’Éducation nationale. Parfois subventionnées par des pays étrangers, ils peuvent être dans certains cas le cheval de Troie du salafisme. Il convient donc de renforcer les contrôles des établissements d’enseignement « hors contrat » et de les fermer le cas échéant !
La liberté d’expression
> Point n’est besoin de caricaturer
Point n’est besoin de caricaturer le dieu de certains pour défendre la liberté d’exprimer ses idées. Point n’est besoin de provoquer la colère des uns ou de susciter la peine des autres. C’est vrai.
Point n’est besoin de manquer de respect à l’égard des croyances des uns ou des autres. C’est encore vrai. Souvent, ce n’est pas indispensable. Et l’on peut se rendre désagréable et offensant si on le fait quand même. Cela peut même devenir contre-productif en générant une réaction de rejet et d’hostilité.
Mais certains peuvent penser que c’est nécessaire et que de la provocation peut naitre la prise de conscience, en suivant la démarche d’ailleurs prônée par un grand nombre d’artistes.
Et en aucun cas cela ne peut justifier, dans notre République, un déclenchement de haine qui conduise à l’agression y compris verbale, en face à face ou à travers des réseaux web-sociaux.
Dans un grand nombre de cas la caricature est d’abord un moyen efficace pour résumer de façon humoristique une critique sévère. Elle est une arme de contestation « tout terrain » qui peut s’étaler sur un mur sous tout régime dictatorial qui voudrait museler les critiques.
> Chacun a pourtant le droit de blasphémerou de caricaturer
Chaque citoyen doit lutter contre la lèpre de l’obscurantisme et de l’intégrisme religieux qui veut tout englober et refuse à autrui le droit d’interpréter le monde autrement que lui, le droit de ne pas croire en un dieu, le droit de blasphémer, le droit de caricaturer, entre autre, dieu et les croyants de tout poil.
C’est à chacun d’utiliser ce droit à bon escient. Cela doit permettre à tous de choisir librement ses croyances ou sa non-croyance. Lutter contre l’obscurantisme ne consiste pas pour autant à s’opposer à toute religion. Mais au fanatisme religieux, oui ! Tolérer les croyances d’autrui n’englobe pas le fanatisme.
La laïcité menacée ?
La laïcité est un fondement de notre république et de notre culture française et même européenne. Elle repose sur trois principes complémentaires : liberté de conscience, séparation de la religion et des institutions publiques, égalité des droits.
La République a fait émerger la laïcité pour échapper à toute dictature morale imposée par la religion. Ce n’est pas l’islamisme qui va remettre en cause aujourd’hui cette valeur fondamentale de la laïcité. Chacun a le devoir de s’opposer aux pulsions séparatistes et communautaristes.
La liberté de conscience, d’idées et de croyance permet à chacun d’exprimer librement ses convictions, sous réserve de ne pas remettre en question l’ordre public. La liberté d’expression, qui est la fille de la liberté de conscience est à la base de nos libertés publiques. Or l’extrémisme religieux cherche en permanence à remettre en cause notre ordre public républicain en souhaitant imposer un ordre religieux. L’histoire de France nous l’a montré avec les errements du catholicisme et les massacres qui les ont accompagnés.
La séparation des institutions publiques d’une part et des organisations religieuses d’autre part se trouve elle aussi mise à mal lorsque des écoles « hors contrat » financées souvent par d’autres pays (Comme la Turquie ou le Quatar) se substituent à l’éducation nationale et prétendent dispenser des horaires élevés d’enseignement religieux à la place des matières des programmes officiels. Elle est également mise à mal lorsque les religieux prétendent contester la décision d’un ministre ou d’un préfet (concernant le port du voile par exemple)
L’égalité de tous devant la loi quel que soit ses convictions et croyances est une égalité de droits et de devoirs. Ces droits et ces devoirs sont devenus pourtant l’objet d’un combat quotidien dans certains établissements scolaires. Certains élèves ou parents prétendant sous des prétextes divers imposer leurs propres valeurs à tous les autres : hauteur de la jupe des filles, voile, non mixité des cours de gymnastique, viande halal à la cantine, etc..
Comment faire face ?
Il a fallu l’horreur et la sidération après la décapitation du professeur d’histoire et géographie Samuel Paty, pour qu’une fois de plus la nation française se réveille de sa torpeur.
Comment faire face au comportement de fermeture et d’opposition groupale aux libertés républicaines ?
> Ne pas stigmatiser une religion
Il est hors de question de stigmatiser les musulmans de France. Cela ne doit pas être trop difficile dans la mesure où nous avons vécu il y a quelques années l’obscurantisme des catholiques intégristes, souvent orientés politiquement à l’extrême droite, sans pour autant condamner tous les catholiques du pays.
Mais sous prétexte de na pas stigmatiser les uns ou les autres, il ne faut pas baisser les bras devant les dérives sectaires qui se développent dans notre société. D’ailleurs, le salafisme n’est pas seul en cause. De nombreux illuminés prétendent ici et là imposer leur dogme à des disciples.
La mission interministérielle Miviludes (mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires) a en France pour mission d’analyser les phénomènes sectaires et d’accompagner le gouvernement dans sa politique de prévention et de répression de ces phénomènes.(https://www.miviludes.interieur.gouv.fr/)
Populariser la laïcité comme clé de notre « vivre ensemble » et de notre citoyenneté
Il ne faut pourtant jamais oublier que comme le disait Pierre Bourdieu : « Il n’y a pas de force intrinsèque de l’idée vraie »
Il faut donc convaincre par une mise en scène de cette idée de laïcité afin qu’elle soit reçue à travers l’émotion qu’elle véhicule ou qui l’accompagne.
Il est important de convaincre que la laïcité n’est pas là pour faire la guerre aux religions mais pour permettre à chacun de choisir de croire ou non dans la religion de son choix ou de ne pas croire. Une telle idée doit être popularisée par tous les moyens culturels accessibles, à travers des émissions de radio et Tv et des articles de presse mais il faut surtout s’adresser aux jeunes en utilisant Snapshat, Tik tok, Pinterest et Instagram,
BD, caricatures, vidéos, chansons, films, séries, tous les moyens sont bons pour que les professeurs de l’Education nationale se sentent moins seuls dans leur démarche de lutte contre l’obscurantisme.
La laïcité doit reprendre sa place de valeur partagée en retrouvant son « pouvoir d’affecter » de « passionner ensemble » les élèves et les jeunes en général.
> Responsabiliser les familles
La tragédie de Samuel Paty a montré comment la pression familiale et même communautaire peut être forte sur les individus et les institutitons.
Un délit de pression communautaire ou familiale exercée sur un représentant d’un service public doit être réprimé par notre code pénal.
Sur le schéma de la loi Ciotti relative à l’absentéisme scolaire (abrogée en 2013 par le gouvernement Hollande), la sanction financière consistant en une suspension des allocations familiales, pourrait concerner, non seulement l’absentéisme scolaire mais également les manquements disciplinaires ou les pressions familiales exercées à l’encontre de représentants d’un service public ou d’une institution publique ainsi que le coût des dégradations matérielles commises par un élève (ou un parent) dans le cadre scolaire. Afin de rétablir l’égalité devant la loi, une sanction pécuniaire identique serait infligeable dans le cas d’un enfant unique, sous la forme cette fois d’une amende administrative.
En cas de récidive, une poursuite devant le tribunal correctionnel pourrait aboutir à une reconduite à la frontière dans le cas d’une famille étrangère et à une mise en centre éducatif fermé pour les jeunes français ayant commis un délit à l’encontre de l’institution scolaire ou de l’un de ses agents.
> Donner des moyens et de la crédibilité à une instance de régulation
Le Conseil Français du Culte Musulman est né en avril 2003 sous l’impulsion de l’Etat français. Il est aujourd’hui critiqué pour accorder une place trop grande aux courants fondamentalistes, ne pas être véritablement représentatif de l’ensemble des musulmans français, et surtout, pour contredire par l’intervention active de l’État dans sa mise en place, le principe même de laïcité.
Cette dernière critique est dénuée de toute pertinence par le fait que créer un organe de régulation n’est pas synonyme de s’immiscer dans les pratiques et le culte religieux mais constitue au contraire un effort pour donner à la première religion de France par le nombre de ses pratiquants une représentation nationale équivalente à celle qui existe spontanément dans les autres religions d’importance sur le territoire national.
Cette institution est aujourd’hui assez installée pour pouvoir prétendre à l’exclusivité de la formation des imams afin d’éviter de voir arriver sur le territoire des religieux qui importe un culte et des valeurs venus d’ailleurs et souvent hostiles à notre culture laïque.
Il convient donc de légiférer en ce sens et de soutenir cette reconquête de la formation des imams.
> Censurer les manifestations de l’extrémisme religieux
Comme nous l’a montré Simone de Beauvoir, « Une liberté qui ne s’emploie qu’à nier la liberté doit être elle-même niée »
Il convient clairement de fermer et interdire les lieux de culte, partis, associations hostiles aux valeurs républicaines et aux libertés publiques de nos citoyens et de nos habitants.
Il convient également de traquer sur les réseaux sociaux les divers modes d’expression et de popularisation de l’extrémisme religieux, qu’il apparaisse explicitement ou à travers des thèses complotistes ou à travers une posture d’accueil des personnes psychologiquement fragiles dans une stratégie souvent reconnue dans les pratiques sectaires.
> Agir avec détermination dans les collèges et lycées
En mettant en place des équipes mobiles d’intervenants de la laïcité qui ont pour but de présenter la laïcité, son histoire et ses différentes facettes dans les classes, sur décision rectorale ou académique ou/et à la demande des enseignants ou des chefs d’établissement.
Cette intervention extérieure facilitera le travail des enseignants eux-mêmes qui pourront ensuite approfondir ou élargir la discussion suscitée par le passage d’un intervenant de la laïcité.
Cette intervention permettra également de révéler des réactions d’hostilité à la laïcité ou à la démocratie française qui peuvent le cas échéant faire l’objet d’un signalement.
En mettant en place dans chaque établissement une équipe vouée à traiter les problèmes éventuels de radicalisation. Afin que les enseignants qui peuvent être amenés à subir ses conséquences ne soient plus seuls pour y faire face.
En désignant au niveau du commissariat de la Police nationale le plus proche un correspondant « Radicalisation » de chaque établissement du second degré, avec lequel des échanges d’informations réciproques pourront se faire.
Caricature anglaise de Napoléon, tyran à l’appétit insatiable !
Chacun veut croire que tout va reprendre comme avant. Un retour à la normale. Une sortie d’hibernation. Mais il n’en est rien et chacun peut s’en rendre compte rapidement. Avec le déconfinement survient donc une frustration.
Il faut prendre conscience que le confinement s’est traduit
par un enfermement et un isolement des personnes qui sur la durée ont un impact psychologique qui peut être important. Selon certains spécialistes (1) « l’impact psychologique négatif perdure plusieurs mois après la fin de l’enfermement subi. » Cet « isolement » a pu être contrebalancé partiellement par un effort de communication des managers par téléphone ou par visio, mais cela ne peut suffire à effacer le choc subi.
par un affaiblissement de l’entreprise elle-même dans un grand nombre de cas. Celui-ci est de nature à générer de l’inquiétude voire de l’angoisse quant à l’avenir de celle-ci et de ses emplois. Très souvent une réorganisation des procès et une évolution de l’activité elle-même sont à prévoir, toujours source d’une certaine inquiétude. Dans certains cas, des suppressions d’emploi seront même nécessaires. Toutes ces interrogations diffuses doivent recevoir des réponses claires, faute de quoi elles deviendront sources de rumeurs et génératrices de mal être et de baisse de l’efficacité générale de l’entreprise.
Pendant le confinement, les équipes ont maintenu tant bien que mal l’activité au prix d’efforts d’adaptation et de persévérance en adoptant de nouvelles pratiques de travail à distance et de communication en ligne. Le travail sur le lieu de vie de chaque salarié est pour nombre d’entre eux un apprentissage et les réunions à distance exigent une forte concentration pour compenser le manque de perception sensorielle. Ces efforts ne sont pas toujours mesurés ni récompensés à leur juste valeur lors du déconfinement car l’entreprise est elle-même affaiblie. Une reconnaissance de ces efforts doit être au moins explicitée.
Dans l’après-confinement, de nouveaux efforts sont nécessaires.
Télétravail et chômage partiel peuvent être maintenus dans certains cas. Très souvent, pour que l’entreprise rebondisse, il faut travailler autrement, s’adapter, se former souvent sur le tas, sans prendre le temps de souffler.
De plus, chacun doit s’adapter à un nouveau rapport physique vis-à-vis d’autrui. Un éloignement lié à l’absence de contact physique et à la distanciation, renforcé par le port du masque dans les espaces partagés, génère une nouvelle frustration. Les êtres sociaux que nous sommes ne peuvent plus se retrouver et échanger librement à travers des gestes amicaux ou affectueux s’accompagnant de contacts (poignées de main, bises).
Le maintien d’un sentiment d’appartenance à l’équipe et à l’entreprise doit être assuré par de nouveaux moyens lorsque le travail à distance est maintenu. Les réunions d’équipe plus nombreuses, même si elles ne sont pas très longues, même si elles ont parfois lieu à distance, peuvent au moins « maintenir le fil ». Ces réunions doivent être l’occasion de donner la parole à chacun afin qu’il se libère des tensions liées aux problèmes rencontrés, en les formulant devant tous. De ces échanges peuvent émerger également de nouvelles façons de travailler, des simplifications, des idées pour faire évoluer le produit ou le service du client….
Du coté des managers…
Les managers peuvent être mis à rude épreuve car les équipes peuvent se retourner contre eux en les rendant responsables des difficultés rencontrées, leur reprochant à l’occasion un manque d’anticipation. Les managers pourraient ainsi se voir transformés en bouc-émissaires alors qu’ils rencontrent les mêmes difficultés. Les réunions d’équipe doivent donc également permettre au management d’informer sur la situation économique et financière de l’entreprise et d’annoncer de façon précise les réorganisations qui en découlent.
Les managers doivent aussi faire preuve de pragmatisme afin de maintenir l’activité en préservant le lien avec la clientèle : nouveau service (comme les repas à emporter pour un restaurant) ou nouvelle forme de commercialisation (comme la vente directe sur internet) ou nouvelle activité (reconditionnement et réparation pour compléter la vente de produits neufs), ou report de livraison (dans l’aéronautique par exemple), etc. L’essentiel est de pouvoir s’adapter aux besoins de la clientèle et à son changement de comportement éventuel.
Le recours au chômage partiel est une solution en cas d’insuffisance de l’activité. Elle se fait après une demande d’autorisation en ligne à la Direccte accompagnée d’un avis du CSE de l’entreprise.
Les managers peuvent également remplacer à chaque fois que cela est possible le chômage partiel par du temps de formation pour développer l’adaptabilité et l’employabilité du personnel. Chacun est gagnant à acquérir des compétences nouvelles qui vont améliorer sa polyvalence.
Enfin lorsque le niveau d’activité se réduit trop brutalement, la réduction d’effectif doit être expliquée et survenir de façon transparente. Elle doit autant que possible faire appel au volontariat et suivre une démarche d’outplacement.
On voit ici que le management de l’entreprise ne s’improvise pas et que l’on retrouve ici plusieurs des attitudes préconisées par M-P. FOLLET (2)dès le début du 20ième siècle pour le dirigeant d’une entreprise.
(1) Catherine Tourette-Turgis, Psychologue clinicienne à la Sorbonne Université, interviewée in Retour au travail : « Penser que tout redeviendra comme avant, c’est illusoire » par Romane Ganneval, Journaliste – Welcome to the Jungle
Quoi de plus triste que de constater qu’en ces temps de déconfinement d’une grave crise sanitaire qui a mis en évidence la faiblesse structurelle de nos économies européennes, nos économistes s’empressent de retrouver leur discours traditionnel. Comme si la page était tournée, comme si l’on pouvait oublier, comme si l’économie du monde pouvait retrouver son … Continuer la lecture de « N’écoutons plus le chant rituel des économistes conventionnels ! »
Quoi de plus triste que de constater qu’en ces temps de déconfinement d’une grave crise sanitaire qui a mis en évidence la faiblesse structurelle de nos économies européennes, nos économistes s’empressent de retrouver leur discours traditionnel. Comme si la page était tournée, comme si l’on pouvait oublier, comme si l’économie du monde pouvait retrouver son prétendu « cours normal ».
Le chant du « Surtout ne changeons rien ! L’après doit revenir à ce qui existait avant ».
La productivité, les économies d’échelle, la concurrence, comprenez-vous ! Les entreprises ne peuvent pas y échapper ! Et tel professeur d’économie qui nous assène son cours d’économie internationale qu’elle a rabâché à ses étudiants depuis des années… La spécialisation internationale qui améliore l’efficacité économique au bénéfice de tous. Quelle déception de constater que nos économistes s’empressent de retourner à leurs refrains néo-libéraux sans chercher à réfléchir pour inventer de nouvelles solutions, de nouvelles voies, de nouvelles stratégies.
Ces formules nouvelles qu’il faut trouver pour que nos entreprises se développent de façon rentable tout en permettant à nos économies régionales, nationales et européenne de retrouver une certaine indépendance dans des domaines aussi cruciaux que l’alimentation, la pharmacie, l’énergie, l’informatique, l’armement et j’en passe.. On veut nous expliquer que la segmentation internationale des chaines de production est devenue incontournable et qu’il ne faut pas rêver de revenir vers plus d’autonomie. On veut aussi mettre en avant le comportement des consommateurs que nous sommes qui n’acceptent pas de payer le prix d’une sécurité ou le prix du respect de l’environnement ou même du respect des principes de droit du travail de l’OIT. Les vilains consommateurs que nous sommes entreraient ainsi en contradiction avec les salariés que nous pouvons être, soudainement privés d’emploi. Tout cela est présenté comme inévitable…..finalement.
Tous les économistes ne raisonnent heureusement pas de cette façon !
Ces économistes conventionnels ignorent tout simplement les coûts environnementaux et sociaux de la production, la question de sécurité des approvisionnements, l’aménagement des territoires. Tout cela est superbement considéré comme hors de propos. Ils aiment particulièrement raisonner « toutes choses égales par ailleurs ».
Il ne s’agit pas pour autant de prôner une planification impérative comme le font certains. Ainsi, selon Henri Sterdyniak (1), membre du collectif des Economistes atterrés et chercheur affilié à l’OFCE, la planification écologique et sociale doit remplacer le libéralisme. Il met en garde contre une « exacerbation libérale » qui prendrait appui sur la crise sanitaire et propose de poser un certain nombre de règles écologiques qu’il faudrait imposer aux entreprises. Il suggère d’aller jusqu’à un contrôle de la production sous la forme d’autorisations de mise sur le marché. Il propose même une forme de planification impérative. De telles contraintes semblent incompatibles avec une régulation souple et efficace des activités. Ce serait là tomber de Charybde en Scylla.
Raisonner au niveau du territoire de l’Union Européenne est quand même une base minimale si l’on veut réfléchir aujourd’hui de façon à la fois responsable et réaliste, en tenant compte des interdépendances industrielles qui se sont constituées en Europe.
Réexaminer des outils comme la taxation des produits importés qui ne sont pas respectueux de nos normes européennes environnementales ou du droit du travail, ou de la propriété industrielle.
Promouvoir les produits dont la valeur ajoutée a été majoritairement composée en Europe par des labels dont la publicité est prise en charge par les pouvoirs publics et par des avantages fiscaux qui se justifient aussi par le développement de l’emploi qui en découle.
Encourager les secteurs stratégiques sur la base des innovations induites et du développement à venir, mais aussi sur la base de la souveraineté sanitaire et alimentaire ou aussi de défense des territoires et des équilibres écologiques de l’UE, car si l’on parle de globalisation il faut prendre en compte la globalité des problèmes.
Planifier l’économie est une démarche logique dans un environnement instable et/ou menaçant car le marché a montré tous ses avantages mais aussi toutes ses limites comme instrument de régulation de l’activité des entreprises. Le marché doit donc être complété de façon indispensable par un effort de planification qui pourrait se situer au niveau européen comme au niveau national. Mais compléter le marché ne signifie pas le remplacer. Une planification incitative et indicative est aujourd’hui incontournable pour orienter le développement économique de nos pays européens dans le bon sens, celui de la transition écologique et celui de l’indépendance dans la satisfaction de nos besoins fondamentaux. Mais cette planification doit indiquer aux entreprises quelles voies emprunter pour servir l’intérêt général et doit inciter les entreprises dans ce sens, sans rien imposer. Il ne s’agit pas de remplacer la dictature du marché par celle d’une bureaucratie, car nous serions alors tous perdants.
John Maynard Keynes fut l’éminent économiste qui développa une théorie complètement nouvelle dans le contexte de la grande crise économique mondiale des années 30.
Certains ont pris l’habitude d’opposer les mondialistes et les nationalistes, tant la caricature est facile dans ce domaine souvent mal compris.
Il faut rappeler que la mondialisation est un phénomène historique, un fait qui se traduit sur les plans économique, scientifique, artistique et culturel. Militaire aussi, avec toutes les alliances et coopérations qui se sont multipliées en la matière sur tous les continents.
Etre « antimondialiste » n’a donc pas de sens, sauf de refuser la réalité par peur de celle-ci. Il est vrai que la mondialisation a des aspects dérangeants voire bouleversants en élargissant la compétition, en complexifiant les codes sociaux et culturels, en amenant une nouvelle division internationale de la production et en permettant des échanges financiers plus difficilement lisibles et donc souvent incontrôlables.
Comment maîtriser la mondialisation, telle est donc la question.
Un constat de faiblesse face à la crise actuelle
Un affaiblissement du pouvoir régulateur des Etats
Même si aucun gouvernement national ne le reconnaît aisément, la mondialisation a réduit fortement le pouvoir des Etats de maîtriser et coordonner le déroulement des évènements économiques et sociaux qui traversent le monde. Là où ces gouvernements disposaient encore il y a trente ans de leviers d’action, ils ne trouvent plus que des contraintes, en matière monétaire, financière et économique en particulier. Tant les interdépendances ont grandi et tant le poids des échanges interentreprises et surtout financiers réduit leur pouvoir d’agir et d’influencer les évènements. Mais beaucoup d’entre eux, notamment en Europe ont renoncé à certains de leurs pouvoirs pour « libérer l’économie » et réduire le poids des prélèvements obligatoires.
L’Europe en construction a pris un virage libéral, anti-keynésien sous la pression des économistes libéraux, influencés par les théoriciens de l’école de Chicago qui ont remis au goût du jour de vieilles théories qu’ils ont modernisées pour les présenter comme porteuses d’une révolution libératrice. Il faut avouer que les administrations publiques avaient adopté un fonctionnement lourd et paralysant, souvent irrationnel faisant subir à la société un pouvoir bureaucratique de moins en moins supportable. Nous en vivons encore aujourd’hui ici et là quelques vestiges avec,par exemple, l’incurie des ARS dans la gestion de la crise sanitaire et en particulier avec le blocage incompréhensible des tests de dépistage disponibles dans les laboratoires vétérinaires et les labos de recherche.
Les européens sont devenus plus libéraux que les américains eux-mêmes. Ce libéralisme s’est traduit notamment par un abandon des contrôles exercés jusque là par les Etats sur les mouvements de capitaux et par des normes contraignantes en matière budgétaire comme la fameuse règle de l’UE des 3% de déficit. Cet affaiblissement des pouvoirs régulateurs est un premier problème.
La dépendance grandissante liée à une recherche d’optimisation des entreprises
Sans que cela soit perçu par les citoyens des pays développés, les grandes entreprises ont adopté progressivement une dimension économique et partant, une logique d’optimisation, mondiale. Elles ont implanté des unités de production là où les conditions de rentabilité étaient les meilleures, afin de réduire leurs coûts et d’optimiser leurs résultats. Les conditions le permettant, la concurrence le leur a imposé car celles qui l’auraient refusé auraient vite perdu leur compétitivité. Les délocalisations d’unités de production ont alors été présentées comme un mal nécessaire pour que les entreprises survivent et pour que les consommateurs puissent bénéficier de produits à des prix accessibles. La Chine et d’autres pays surtout en Asie sont devenus les « ateliers du monde ». (1)
Dans les pays occidentaux les conséquences économiques et sociales que les gouvernements ont du gérer étaient de plus en plus lourdes et coûteuses et les systèmes de sécurité sociale mis en place après la deuxième guerre mondiale ont commencé à être écornés et même remis en cause. Certains beaux esprits ont même revendiqué la privatisation de domaines jusque là réservés au service public, rêvant par exemple de dissoudre les régimes de protection sociale pour les remplacer par des systèmes d’assurance privée comparables à ceux des Etats-Unis, souvent donnés en modèle (un comble quand on connait les difficultés actuelles de nombreux américains pour se soigner !). De même pour la Santé et l’Education. La Recherche. Mais aussi les entreprises de production de services collectifs, comme l’énergie, les services postaux et les chemins de fer.
Le résultat de ces évolutions est qu’aujourd’hui les citoyens européens constatent que ce qu’ils avaient accepté comme une évolution irréversible et inévitable a eu des conséquences catastrophiques en matière sanitaire, au sein même des différents pays de l’Union sans parler du reste du monde qui connaissent et vont connaître des crises sanitaires et économiques gravissimes. Mais ce qui est problématique sur le plan sanitaire existe également en matière alimentaire, gestion de l’eau, de l’énergie, des transports.
Dépendre du reste du monde pour son approvisionnement en biens matériels est une grande faiblesse dès qu’une crise internationale se déroule. Il ne faut pas être grand clerc pour le concevoir. On sait que les biens manufacturés consommés par les Français sont importés pour 2/3, en valeur. La crise que nous vivons est sanitaire mais il pourrait aussi bien s’agir d’une guerre ou d’une crise environnementale ou des réseaux d’information. L’interdépendance et la spécialisation internationale des productions nous ont rendus très fragiles pour faire face à toute crise.Cette dépendance est un deuxième problème.
Un défaut de résilience productive qui est mesurable
Très concrètement, deux économistes, Arnaud Florentin et Elisabeth Laville, ont mesuré le niveau de résilience productive de différents pays et régions, c’est à dire « la capacité d’un territoire à couvrir un large espace productif qu’il peut mobiliser face à une perturbation exceptionnelle » c’est à dire la capacité d’un territoire de « maintenir la production de n’importe quel bien en situation de crise ». En d’autres termes « leur capacité à surmonter l’interruption des chaînes logistiques qui les relient à l’extérieur ».(2)
Il apparaît, selon leur étude, qu’aucun pays du monde ne dépasse aujourd’hui un taux de 50% et que seuls 16% des pays du monde (dont la France avec un taux de 44,9%) ont un taux dépassant 30%. Ces économistes considèrent qu’un « système résilient est celui qui est capable de maintenir la production d’une part significative de biens, probablement au-dessus des deux tiers ».
Une catastrophe écologique annoncée
Les différents rapports et prévisions concernant l’avenir de notre climat montrent que le développement économique libéral conduit à négliger les équilibres naturels, en considérant que tout ce que fournit la planète sans être appropriable, est gratuit. L’air, l’eau des fleuves et des océans, la faune sauvage, l’espace extra-atmosphérique, etc.. Nous prenons conscience aujourd’hui que ces biens ne sont pas infinis et que notre activité technico-économique a conduit à leur dégradation, de sorte que nous allons laisser à nos descendants un univers dégradé. C’est du niveau de cette dégradation qu’il est question aujourd’hui dans les traités internationaux fixant des objectifs et des engagements, rarement respectés à ce jour, concernant l’émission de gaz à effet de serre, les pollutions et le réchauffement climatique.
Notre incapacité à nous engager efficacement dans la transition écologique est un troisième problème.
Quelles solutions envisager ?
La question des solutions est celle de la maîtrise de la mondialisation. Il s’agit de trouver les moyens de tirer parti de la mondialisation. Le but est de profiter des avantages qu’elle apporte en termes d’accès à des ressources, des biens et des technologies venues d’autres parties du « village mondial », sans subir les jeux et les choix des entreprises sur les marchés mondialisés.
Maîtriser la mondialisation ne signifie pas remettre en question l’économie de marché qui a prouvé historiquement son efficacité. Mais la myopie du marché a mainte fois été dénoncée, elle peut même devenir en temps de crise un aveuglement. Il convient donc d’encadrer le marché et le guider, de préférence au plan européen puisque de nombreuses complémentarités existent aujourd’hui entre les économies européennes.
La question des solutions impose également de tirer parti de cette crise pour engager notre économie et notre société dans la nécessaire transition écologique.
Développer la résilience de nos territoires par la mise en place progressive d’une économie circulaire
C’est ce que proposent les économistes Olivier Bargain et Jean-Marie Cardebat dans une tribune au Monde du 22 mai 2020, à travers une voie intermédiaire entre économie locale et économie mondialisée. Ils préconisent d’appliquer la notion de « stress tests » à l’ensemble des filières en fonction de la nature des risques qui pèsent sur elles. Ces professeurs d’économie animent le Laboratoire d’analyse et de recherche en économie et finances internationales (Larefi).
Suivre dans chaque filière une logique d’économie circulaire « capable de générer ses propres ressources et de produire des biens adaptés à la demande locale » serait à la fois selon eux, une nécessité environnementale et un impératif géostratégique.
Faire face au besoin de pilotage à long terme par une planification incitative
La mondialisation s’est donc imposée sans frein, encouragée dans son expansion par des organismes ad hoc comme le GATT puis l’OMC puis les grands traités internationaux en cours de négociation qui posent tous comme hypothèse de base que le commerce sans entrave (le libre-échange) est bienfaisant pour tous.
Nos Etats ont abdiqué progressivement leur pouvoir et leur devoir d’orienter et de maîtriser les flux économiques essentiels de nos pays. Le problème principal est que personne ne semble plus se placer ni du point de vue de l’intérêt général, ni du long terme afin d’anticiper les évolutions. Nous subissons un déficit important de planification.
Toute grande entreprise construit un plan pour organiser son développement. Ce plan est la traduction budgétaire d’une stratégie. Le comble est que ce concept est devenu tabou au niveau d’un pays, sous les coups de boutoir idéologiques des néo-libéraux. Le Commissariat au plan qui avait été mis en place par le Général de Gaulle a été supprimé dans les années 80 par ceux qui ne voulaient pas voir plus loin que le bout du marché.
Un plan indicatif et incitatif a orienté l’économie française pendant les trente glorieuses. Il n’a jamais ressemblé au Gosplan soviétique qui était lui impératif et contre productif. La planification à la française avait simplement pour objet de guider les entreprises en les orientant vers des investissements et des stratégies souhaitables pour le pays, et ce à coups d’aides et de subventions pour celles qui le suivraient.
Agir au niveau européen par des « programmes à géométrie variable »
Le besoin d’une telle démarche est devenu criant aujourd’hui. Bien sûr l’environnement économique a changé et l’Europe industrielle s’est mise en place. C’est donc au niveau européen qu’il faudrait suivre cette voie. Néanmoins si l’Union européenne continue d’être une tour de Babel politique, il reste possible de bien faire au niveau national et surtout de développer des politiques industrielles volontaristes avec ceux des pays d’Europe qui le souhaitent. Dans le contexte actuel un renouveau de l’Europe industrielle et agricole se fera par des coopérations à géométrie variable, autour de la création de programmes d’investissements financés par ceux des Etats membres qui veulent s’engager ensemble dans un domaine de recherche ou de développement industriel.
Thomas Piketty, Professeur à l’Ecole d’Economie de Paris, propose que pour sortir de la crise économique actuelle, la puissance publique relance l’économie en « investissant dans de nouveaux secteurs (santé, innovation, environnement), et en décidant une réduction graduelle et durable des activités les plus carbonées. »(3)
Pour éviter les erreurs de la relance qui a suivi la crise de 2008, il invite à suivre la proposition espagnole d’un grand emprunt commun aux pays européens (entre 1000 et 1500 miliards €) perpétuel ou à très long terme, qui serait inscrit au bilan de la BCE pour financer cette relance à la fois « verte et sociale ». Il invite également à un prélèvement exceptionnel sur les plus hauts patrimoines financiers. Selon lui, « l’Europe court un danger mortel si elle ne montre pas à ses citoyens qu’elle est capable de se mobiliser face au Covid au moins autant qu’elle l’a fait pour ses banques. »
Plus modestement, A. Merkel et E. Macron ont prôné un plan de redressement économique de l’Europe de 500 milliards € financé par une dette communautaire qui sera portée par le budget de l’Union Européenne. Pourtant cette proposition sera une révolution si elle est mise en oeuvre car il s’agit d’un début d’une véritable politique économique commune puisque c’est la commission qui va emprunter et ensuite dépenser ce montant pour aider les pays de l’Union à investir. Encore faut-il que les 27 pays s’entendent à ce sujet, sur le principe et sur une vraie stratégie industrielle.
Limiter tout risque de « biais bureaucratique »
Toutefois, l’expérience nous a enseigné que tout développement de l’initiative publique risque de s’accompagner d’un « biais bureaucratique » (4) à travers une administration qui devient vite tatillonne et paralysante en coupant les cheveux en huit et en prétendant réglementer jusqu’à la taille des fromages.
C’est pourquoi les structures administratives non opérationnelles mises en place (comme des agences ou des commissions) doivent rester limitées au strict minimum (5% du budget mis en œuvre semble être un bon indicateur). De plus, afin de limiter toute tentative de développement d’un pouvoir bureaucratique, des organes de médiation et/ou d’arbitrage doivent être aussitôt mis en place afin de permettre des recours simples et rapides aux personnes et entreprises concernées.
C’est cela qui permettra aux citoyens de comprendre que l’action régulatrice de l’Etat ne se fait pas obligatoirement au prix d’un pouvoir administratif écrasant et absurde.
Mettre l’environnement au cœur de la reprise
>Un collectif de plus de 90 dirigeants d’entreprises de dimension nationale ou internationale demandent aujourd’hui (le 4 mai 2020) une mobilisation collective afin que la relance indispensable à notre économie devienne un accélérateur de la transition écologique.(5)
Leur objectif est d’assurer la continuité des efforts déjà engagés dans la transition écologique en organisant la relance économique dans ce sens.
A court et moyen terme, par un soutien aux secteurs de préservation de l’environnement créateurs d’emplois: Rénovation énergétique des bâtiments; développement des diverses formes de mobilités décarbonées; expansion de la production et du stockage des énergies renouvelables et décarbonées.
Toujours à court terme, en favorisant une économie plus circulaire et une alimentation locale; en démultipliant également les efforts de recherche et d’innovation dans des solutions industrielles respectueuses de l’environnement.
A plus long terme l’engagement nécessaire dans le prochain Pacte vert européen est rappelé.
>De son coté, le Haut Conseil pour le climat (HCC), dans son rapport spécial « Climat, santé : mieux prévenir, mieux guérir »(6), publié mardi 21 avril 2020 a appelé le gouvernement à accélérer la transition pour renforcer notre résilience et nos capacités d’adaptation face aux risques sanitaires et climatiques. Il appelle notamment à la mise en place d’indicateurs d’exposition et de vulnérabilité et au développement d’investissements conformes aux priorités définies dans le cadre de SandaÏ 2015-2030.
Le HCC recommande une « relance verte » qui intègre l’urgence climatique et la lutte renforcée contre les pollutions, contre la déforestation importée, qui intègre également l’amélioration nutritionnelle des régimes alimentaires et l’évolution des modes de transport. Il insiste pour cela sur l’importance de conditionner les mesures budgétaires et avantages fiscaux qui seront accordés aux entreprises au respect de ces orientations. Le HCC propose de profiter du faible prix du pétrole pour réduire les exemptions fiscales et autres subventions aux énergies fossiles. Il propose également de réformer le système européen d’échange de quotas carbone en le complétant par l’adoption d’un prix-plancher croissant.
>La Convention Citoyenne pour le climat va dans le même sens en proposant une cinquantaine de mesures (7) afin que « la sortie de crise qui s’organise sous l’impulsion des pouvoirs publics ne soit pas réalisée au détriment du climat, de l’humain et de la biodiversité. » et que les financements de la relance soient fléchés vers des solutions vertes et des investissements « dans des secteurs d’avenir respectueux du climat ». Il s’agit de choisir une stratégie de sortie de crise qui porte « l’espoir d’un nouveau modèle de société ».
(2) Tribune de Elisabeth Laville et Arnaud Florentin,économistes, respectivement fondatrice et directeur associé du cabinet de conseil en développement durable territorial Utopies, in Le Monde, 22 mai 2020
(3) Chronique de Thomas Piketty, Directeur d’études à l’EHESS, Le Monde, 9 mai 2020
(4) Voir « Le phénomène bureaucratique », Michel CROZIER, Collection Points ED du SEUIL, 1971
(5) Appel d’un Collectif de dirigeants d’entreprises, in Le Monde du 4 mai 2020
Relocaliser les activités de production des entreprises, oui mais pourquoi et comment ?
Les calculs d’optimisation des entreprises
Les entreprises industrielles suivent un calcul économique plus ou moins explicité afin de parvenir à une optimisation de leur ressources, que celle-ci soit défensive sous la pression des concurrents, ou bien menée pour améliorer la rentabilité, que ce soit pour servir des dividendes aux actionnaires (fonds de pension par exemple) ou pour avoir les moyens de mener des investissements plus audacieux grâce à un autofinancement ou, encore mieux, les deux à la fois.
La délocalisation (1) est un des moyens principaux que les grandes entreprises industrielles ont choisi pour cela dans la plupart des secteurs (automobile, pharmacie, habillement par exemple) depuis les années 80.
Les conséquences désastreuses des stratégies de délocalisation
– Sur l’emploi
Cette stratégie a eu des conséquences désastreuses sur l’emploi des pays développés, principaux consommateurs des produits fabriqués. De sorte que l’on est parvenu à un grand écart entre une production réalisée dans des pays lointains au détriment de l’emploi d’une part et des transferts sociaux de plus en plus importants générant des déficits des systèmes de protection sociale et des records de taux de prélèvements obligatoires d’autre part.
– Sur les régimes de protection sociale (Sécurité sociale et assurance chômage)
Une partie croissante de l’activité sur laquelle étaient prélevées les cotisations sociales a disparu des pays consommateurs de produits et de ce fait la demande (alimentée par les transferts sociaux) a été de plus en plus rationnée par des politiques d’austérité et/ou partiellement soutenue par les déficits publics.
En Europe, quelques pays ont pu échapper à cette difficulté, grâce soit au dumping fiscal (Pays Bas) , soit à des ressources naturelles (pétrole norvégien), soit à des stratégies industrielles spécifiques (machines outils allemandes).
– Sur les politiques économiques qui ont été menées en Europe
C’est en s’appuyant sur ces exemples de pays présentés comme « vertueux » sur le plan des prélèvements obligatoires que quelques économistes libéraux, notamment au niveau de la Commission européenne mais aussi en Allemagne (dont la dette d’après – guerre a été effacée dans les années 60) ont préconisé des politiques budgétaires de « stabilisation » pour les pays d’Europe du Sud, réputés dépensiers. On entend encore ce chant aujourd’hui et il vient d’être repris par la cour suprême allemande qui a outrepassé ses pouvoirs avec une morgue difficilement supportable pour les citoyens européens (notamment pour ceux qui ont subi dans leur famille la criminalité nazi).
–Sur l’environnement naturel
La délocalisation des activités génère des flux de transport grandissants qui s’accompagnent d’un encombrement des voies de circulation maritimes, aériennes et routières et d’une pollution de l’air liée aux émissions de CO2, génératrice de réchauffement climatique.
La pandémie a révélé à tous l’absurdité de la segmentation internationale de la production
La recherche d’optimisation a conduit les entreprises des différents secteurs à segmenter leurs filières industrielles (chaînes de valeur) en répartissant géographiquement l’activité entre filiales et sous-traitants pour profiter des meilleurs coûts et conditions fiscales. Cette logique de la rentabilité immédiate a été favorisée par l’abandon des pouvoirs publics de toute velléité de planification des activités économiques, considérée comme une hérésie par les économistes libéraux, obsédés par le libre jeu des mécanismes du marché (oubliant au passage la « myopie » de celui-ci).
Le manque de courage des représentants de la puissance publique a joué dans le même sens, sans doute favorisé par un fort « besoin de reconnaissance » par les « milieux économiques » (cf. les quinquennats Chirac, Sarkozy et Hollande)
De sorte que les français ont pu constater au début du confinement que l’on ne produisait plus sur le territoire ni les masques, ni le gel hydroalcoolique nécessaire à leur sécurité sanitaire, ou alors en quantité nettement insuffisante. Et surtout que nos hôpitaux allaient manquer des médicaments que nous n’étions même plus capables de produire seuls. La logique d’optimisation des industriels avait écrasé le besoin d’indépendance de la Nation concernant la satisfaction de certains de ses besoins essentiels. Les français ont vite fait le rapprochement avec leur dépendance connue concernant l’électronique, l’informatique, la téléphonie, certains produits alimentaires, etc..
Ils ont découverts stupéfaits que la Commission européenne avait continué sur sa lancée à négocier un nouveau traité de libre-échange avec le Mexique pendant le confinement pour, bien sûr, faciliter….l’optimisation des activités économiques. Ils ont également appris que certaines agences régionales de santé recommençaient à envisager des fermetures de lits d’hôpitaux dans la même logique de restriction budgétaire alors que la pandémie est toujours là et que tous les personnels de santé ont alerté sur les insuffisances criantes des moyens dont disposent nos établissements de soin.
Des réflexes bureaucratiques ont été acquis qu’il est donc impératif de corriger aujourd’hui en imposant une nouvelle logique et de nouvelles priorités.
La relocalisation des activités de production, stratégie des entreprises ? (2)
On a assisté (depuis les années 1990 en France) à des relocalisation par les entreprises d’unités de production dans leur pays d’origine. Cela s’est fait sous l’influence de plusieurs facteurs.
D’une part les groupes industriels ont investi dans l’automatisation de leurs usines afin de réduire le coût du travail, en en réduisant la quantité requise pour produire. D’autre part le développement économique des nouveaux pays industriels a entraîné une augmentation du coût de leur main d’œuvre (en Chine et en Inde), même si on constate que la recherche d’un différentiel de salaire est toujours possible en implantant la fabrication dans de nouveaux pays (Vietnam, Philippines, Éthiopie par exemple)
Mais c’est surtout la hausse des coûts de transport (liée notamment au coût de l’énergie et au piratage) qui a fini par poser problème. D’autant que les normes de qualité et de sécurité environnementale se sont imposées aux transporteurs avec de plus en plus de force, afin de préserver notamment les océans. D’autant également que la volatilité de la demande s’est développée dans un certain nombre de secteurs (comme l’habillement, mais aussi l’électronique et la téléphonie), entraînant un raccourcissement du cycle de vie des produits, complexifié par la recherche de recyclage dans une logique croissante d’économie circulaire. Il fallait dans ce cas « coller au marché ».
Finalement certaines entreprises (une minorité) ont rapproché leurs unités de fabrication de leurs marchés, dans une stratégie que l’on a qualifiée de relocalisation. Celle-ci s’est déployée au niveau continental et même régional. Néanmoins celle-ci est loin d’être suffisante pour retrouver une indépendance, au moins au niveau européen, dans de nombreux domaines, comme celui de la chimie fine, indispensable à la production pharmaceutique.
La relocalisation industrielle doit être soutenue et encouragée par la puissance publique (3)
– En France, certains dispositifs d’incitation financière ont existé qu’il convient d’amplifier (comme le crédit d’impôt relocalisation de 2005 ou les aides à la réindustrialisation depuis 2010 et les conventions de revitalisation de 2014). Il convient surtout de les concevoir de façon plus réaliste en éliminant les comportements opportunistes de certains industriels chasseurs de subvention qui se déplacent d’un territoire à l’autre en fonction des aides publiques. Des conventions contraignantes assorties de sanctions fiscales et pénales doivent être combinées aux primes distribuées.
– Diverses organisations et syndicats professionnels du numérique ont proposé le lancement d’un Pacte pour le Numérique (4), rappelant qu’en France En France, le numérique représente 10 % du PIB et que les 152 grands comptes membres du Cigref dépensent en numérique chaque année 50 milliards d’euros. Il s’agirait de « construire , pour la décennie qui vient, un numérique durable, responsable et de confiance » indispensable selon ces organisations au « monde d’après ».
– L’Etat est lui même un gros acheteur de produits à travers les administrations publiques. Il peut donc privilégier les achats de produits « made in France » et/ou « made in Europe », au lieu de préférer systématiquement les produits les moins chers, fabriqués souvent en dépit des règles de l’OIT ou des normes environnementales. Une campagne de conscientisation des consommateurs peut également orienter leurs achats vers des produits labellisés « made in UE ».
– Dans le secteur pharmaceutique, il est possible d’imposer au Comité économique des produits de santé (CEPS) de revaloriser les prix des médicaments anciens (mais toujours efficaces !). Fixer des prix minimums qui permettent un maintien de la production en France. Certains proposent de revaloriser les prix de façon différenciée, en tenant compte des investissements réalisés par les groupes pharmaceutiques sur le territoire national. (5)
– De façon générale, il convient de déployer les aides publiques dans le cadre d’un plan d’ensemble de développement industriel cohérent et conforme au nouveau développement du pays dans une perspective de transition écologique et de respect de notre environnement naturel. Ce plan qui doit être indicatif et incitatif donne un cadre et un horizon temporel dans lequel les entreprises peuvent situer plus facilement leur propre stratégie. Il permet de réduire les incertitudes qui peuvent décourager leurs investissement dans leur propre transition écologique.
Ce plan gagnerait à être conçu au niveau européen avec les pays qui souhaitent coopérer sur le plan industriel à travers des programmes internationaux qui peuvent être « à géométrie variable » selon les secteurs d’activité. L’important est qu’une cohérence soit garantie. Ce plan pourrait ressembler au Green Deal de l’Union Européenne.
– Il faut enfin de ne pas oublier que si les entreprises relocalisent c’est en raison des avantages en facteurs de production et en infrastructures qu’elles retrouvent sur place. C’est pour cela que nos pays européens doivent continuer de maintenir et développer le formidable avantage que leur donne leur système de formation initiale et ensuite continue, ainsi que la qualité de leurs infrastructures culturelles et leurs systèmes de protection sanitaire et sociale.
C’est ce que recommande El Mouhoub Mouhoud, professeur d’Economie à l’université Paris-Dauphine (6), en focalisant les aides sur les personnes elles-mêmes, pour faciliter leur formation et leur mobilité, tout en s’appuyant sur les infrastructures locales.
– De plus, pour que les entreprises comprennent que leur intérêt est bien de produire en Europe, il convient que l’UE se dote d’une véritable taxation incitative qui pénalise les marchandises importées en Europe sans avoir respecté certaines contraintes environnementales et qui favorise les produits ayant réalisé une part majoritaire de leur valeur ajoutée en Europe par un label « made in UE ». Il s’agirait de mettre en place un « protectionnisme éducateur » des activités engagées dans la transition écologique et pourvoyeuses d’emploi en Europe. Mais l’ « état d’esprit » néo-conservateur (d’un libéralisme économique dogmatique et consternant) des fonctionnaires de la Commission européenne pourrait être à réformer en préalable à toute réorientation dans ce domaine. Cela supposerait sans doute également une réforme de l’Office européen de sélection du personnel (EPSO).
Une actualisation de la stratégie industrielle, définie pour l’UE (7) par la Commission européenne à la veille de la crise sanitaire, s’impose aujourd’hui. Celle-ci visait déjà à renforcer l’autonomie industrielle et stratégique de l’Europe et à développer l’économie circulaire dans une perspective de transition écologique. Mais il faudrait aller au-delà des principes et mettre en place des instruments d’action. Bruno Lemaire, Ministre de l’Economie a d’ailleurs déclaré en janvier 2020 que les politiques mises en oeuvre au niveau européen dans la perspective d’une transition écologique n’avaient de sens que si un mécanisme d’inclusion carbone était mis en place aux frontières de l’UE. Mais celui-ci est loin d’être opérationnel aujourd’hui. La CPME, par exemple, soulève plusieurs interrogations quant à sa mise en oeuvre concrète: « calcul du contenu carbone des produits importés, traçabilité des matériaux utilisés dans les processus industriels, articulation avec les accords commerciaux…. »(8)
(2) El Mouhoub Mouhoud, « Délocalisations : Comment faire machine arrière ? » Alternatives économiques, 06/05/2020
(3) Voir aussi l’article du blog « Pour une mondialisation maîtrisée » concernant les questions de résilience productive et de développement d’une économie locale.